- Equipe d'Angleterre
Lampard grillé ?
La grosse remise en question, outre-Manche, s'appelle Frank Lampard. Contre la Bulgarie, il n'était pas titulaire. Contre Galles, il a débuté, mais ça ne s'est pas vu. Alors, éteinte ou pas la Lamps ?
Vendredi dernier, à Sofia, l’Angleterre du foot assiste à un petit événement. Pour la première fois en quatre ans, Frank Lampard débute une rencontre en sélection les fesses installées sur le banc de touche. Fabio Capello a tranché : l’équipe ne se fait plus avec des simples noms mais désormais avec les joueurs en forme. « Ses deux premiers matches à Chelsea n’étaient pas bons » ciselait Fabio en avant-match. Voilà, en septembre 2011, l’histoire retiendra qu’un Gareth Barry, certes bien en cannes depuis la reprise, valait mieux aux yeux de Don Fabio qu’un Lampard en petite forme. Dure mais triste réalité, surtout lorsque l’Angleterre sort son meilleur match de l’ère Capello depuis le retour d’Afrique du Sud. Prêt à jouer le contre à tout instant, le nouveau 4231 de l’Italien, au détriment du 442 copyright de l’école britannique, s’articule autour de Parker et Barry en demis défensifs, laissant pleine liberté au quatuor offensif composé de Downing, Walcott, Young et Rooney, qui ne cesse de permuter. Pendant le match, le néo-Spurs et le gaucher de City se sont contentés de gratter tous les ballons et de les expédier illico aux « créas » .
Pour la venue du Pays de Galles de Gary Speed, Capello voulait son équipe encore plus offensive, histoire d’être sûr de gagner au moins une fois à Wembley en 2011. Barry et Parker étant, par ailleurs, tous les deux sous le coup d’une suspension en cas de biscotte, chance est de nouveau donnée à la Lamps aux côtés de Barry. Patatras. Le milieu des Blues traverse en fantôme la rencontre et n’a aucune influence tant dans la récupération que dans l’animation. Et comme de toute façon, les clés de l’animation offensive sont désormais confiées à Downing, Young, Rooney et Milner (suppléant de Walcott à Wembley), Lampard n’a servi à rien. L’occasion était pourtant belle, avec un Wilshere devenu indispensable aux yeux de Capello, mais blessé pour l’occasion, et Gerrard toujours sur le flanc.
De 8 trois quarts…
Après des années de frustration en sélection, à ne pas trop savoir comment jouer avec Gerrard justement, à manquer l’Euro 2008 sous le « règne » McClaren, à tirer 37 fois en un seul mondial (2010) sans mettre une ficelle (record depuis 1966) et une frustration ultime contre l’Allemagne en huitième de finale – on n’est pas là pour refaire l’histoire, mais si seulement ce pétard sous la barre de Neuer avait été accordé… – voici Lampard à la limite du placard à tout juste 10 mois de l’Euro ukraino-polonais. Oui, on parle bien d’un mec qui chiffre en moyenne quinze buts et dix passes décisives à l’année depuis huit saisons chez les Blues, milieu de terrain atypique, mix d’un milieu relayeur et d’un 9 et demi, une sorte de 8 trois quarts s’il fallait lui inventer une catégorie. Seulement, sa dernière saison fut un calvaire, relatif pour un joueur de cette classe (13 buts en 32 matches), marquée par les blessures, l’année sans grand relief de Chelsea malgré un sursaut d’orgueil au printemps, et une influence déclinante dans le jeu et rythme de son équipe. A 33 ans, Franky ne semble plus être en mesure d’assumer la double facette de son jeu. Et dans le nouveau système Capello où les deux milieux axiaux n’ont le droit que de défendre, Lampard s’emmerde, s’emmêle et s’éloigne de la ligne des 25 mètres adverses, ligne à partir de laquelle il pouvait caler une sonde vers la cage adverse ou quémander un une-deux pour crucifier n’importe quel portier dans la surface de réparation.
… à 6 tout court
Celui qui n’a plus énormément à prouver avec Chelsea – même si une C1 décorerait bien son palmarès – a encore tout à faire en sélection. Une sélection mortifiée par la pression domestique, qu’elle vienne des médias ou de l’opinion publique. Cette peur, Fabio Capello l’a clairement ressentie lors de l’échauffement avant de jouer contre le Pays de Galles, avouant son sentiment en conférence de presse d’après-match : « Aujourd’hui, j’ai compris quelque chose. Quand je vais sur le terrain avant la rencontre, c’est parce que j’aime assister à l’échauffement. Au cours de ma carrière, j’ai parfois appris beaucoup de choses à partir d’un échauffement. Ce que j’ai découvert avant de jouer le Pays de Galles restera entre mes joueurs et moi. Je peux juste dire que ça se passe ici (ndlr : posant son index sur sa tête) » . Au-delà du poids des années, et de l’accumulation des matches, Frank Lampard, comme toute la très talentueuse génération qui l’a accompagné dans les divers échecs des Three Lions, est en effet un tout autre joueur une fois la liquette du pays sur les épaules. Comme liquéfié.
Auparavant, la Lamps pouvait se consoler avec ses performances majuscules en club. Aujourd’hui, la donne a changé. Il n’est plus celui qui fait Chelsea, la jeunesse pousse au portillon en sélection (Wilshere voire Henderson ou Cleverley), le nivellement par le bas de ses performances donne l’opportunité à Barry et Parker de s’établir et Wayne Rooney est devenu un artilleur hors-pair des coup-francs. Deux solutions peuvent s’offrir à Lampard. Premièrement descendre définitivement d’un cran, laisser le punch offensif aux trublions du moment (Ashley Young et Downing en tête) et concentrer sa marge de progression dans le domaine défensif. Deuxièmement, accepter d’être le joker de luxe d’une sélection qui vit ses dernières heuresmade in Capello, auto-déclaré retraité après l’été 2012, et aider ses successeurs à enfin fracasser cette chape de plomb médiatico-populaire qui les attend à chaque tournant. Parce que tout de même, l’Angleterre a enfin un gardien, un banc de touche, et un Wayne Rooney irrésistible, les cheveux en plus. Et, pour une équipe qui paumait contre la France à Wembley en novembre dernier, ce n’était pas gagné.
Ronan Boscher
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