La belle et la bête

Un gardien impérial, une défense centrale bien rasée comme il faut, deux latéraux qui pourraient tabasser dans l’axe, un double pivot bestial, ça va, l’assise défensive du Real calme plutôt bien. D’ailleurs Barcelone n’y arrive pas vraiment en ce début de match. Les Catalans évoluent évidemment en 433, avec quelques retouches ça et là eu égard aux impondérables : Puyol latéral droit, ça devient une habitude, Deco plutôt que Badjohnsen, Iniesta pour Messi, Ronnie à son poste, le mettre sur le banc eut été trop risqué pour Rijkaard, surtout en cas de défaite. Pas de bol, Ronnie pédale dans la semoule. Eto’o, lui, est volontaire mais pas assez sollicité, Iniesta de loin le meilleur Barcelonais sur la pelouse, ça devient aussi une habitude. Sous son impulsion, ses coéquipiers parviennent parfois à déstabiliser le bloc madrilène mais ce n’est pas la panacée. Si les joueurs de Barcelone n’arrivent pas à s’installer comme ils savent (savaient ?) si bien le faire dans le camp adverse, les espaces laissés derrière eux demeurent et profitent à leur adversaire. Une-deux aussi long que parfait entre Julio Baptista et Ruud, remise bergkampienne dans le dos de la défense du grand Batave, frappe limpide du Brésilien, rappelant quelque peu le premier but de la finale de la dernière Copa America.

Le match est déjà fini, c’était un classico réaliste. Malgré les rentrées de la jeunesse et de la fougue, Bojan et Dos Santos, Barcelone ne parviendra guère à inquiéter la Maison Blanche. Le jeu de passes est médiocre, le collectif dans un jour sans et les individualités jamais en mesure de faire basculer la rencontre. Et comme Messi n’est pas là pour un exploit…Aussi, un bloc solide et discipliné suffit pour battre ce Barca là. Et comme Schuster a su organiser une équipe qui défend collectivement…Bernd sait mieux que personne pourquoi il a remplacé Capello, mais il sait surtout mieux que quiconque pourquoi l’Italien a remporté la Liga l’an passé. Pas fou, il a conservé la structure défensive de Capello, en y ajoutant davantage de flamboyance offensive. Compromis, consensus, synthèse et Julio Baptista plutôt qu’Emerson. Tout un symbole.

Quand le double pivot de Capello, Diarra – Emerson, semblait une entrave au beau jeu, à la construction, à l’imagination, celui de Schuster assure la solidité de l’ensemble tout en amorçant l’offensive. Julio la bête, homme du match contre la belle catalane, est parfait dans ce rôle : il peut aussi bien filer un coup de main, d’épaule, de vice à Diarra pour la démolition que d’accélérateur entre Sneijder et Robinho pour la construction. Et même un coup de patte à Raul ou Ruud pour la finition. La messe. L’Emerson dont aurait rêvé Capello, celui aux stats énormes de Pro Evolution Soccer, pas le fantôme qui l’a suivi depuis l’Italie. Un compromis moderne entre puissance et technique, panache et muscles. Alors que Schuster n’en voulait pas en début de saison, Biggie s’est accroché, il voulait à tout prix jouer au Real, et surtout éviter de retourner chez des gentils façon Arsenal.

Aujourd’hui, Baptista est parfait dans le système madrilène, aussi solide que l’aurait voulu Capello et offensif que le veulent les spectateurs, la synthèse parfaite pour le Real, un peu comme avoir un coach allemand socio du Barca qui tiendrait ses propos : « Nous avons fait un très bon match et c’est un grand résultat contre notre plus grand adversaire. Tous les joueurs ont évolué à un très haut niveau. Que le Barça ne marque pas chez lui veut tout dire. Nous méritons cette victoire. Nous avons très bien travaillé en défense. En seconde période, nous avons manqué des occasions. Mais nous repartons contents. J’ai passé une bonne soirée et je ne m’y attendais pas vraiment » .

Joyeux Noël !

Simon Capelli Welter