Kaka Ballon d’Or 2007

Sans surprise, Kaka a reçu dimanche matin la récompense individuelle suprême pour tout footballeur, sur le plateau de Téléfoot. Un succès attendu depuis le septième sacre européen des Milanais en mai dernier. Les derniers mois de l'année 2007 auront donc simplement servi à départager les Messi, Drogba and Co pour établir l'ordre du quinté final, ce dont tout le monde se foutait royalement.
Pourtant, ça n’a pas empêché les médias de nous survendre le produit à l’approche du verdict : « Ballon d’Or mondialisé » par ci, « On a étendu le jury aux autres continents » par là, etc. Pour quel résultat ? Pas grand-chose, en fait. Au final, rien n’a changé, ce sont toujours les Brésiliens qui gagnent.
Kaka est donc le nouveau Ballon d’Or France Football. Honnêtement, on le savait depuis le mois de juin. Contrairement à d’habitude, le vainqueur du scrutin 2007 ne souffre d’aucune contestation possible, le jury s’étant pourtant fait une spécialité ces dernières années des verdicts controversés, voire scandaleux. La victoire du Brésilien est on ne peut plus méritée au regard de ses prestations lors de la dernière Ligue des Champions, principal pour ne pas dire seul critère d’attribution du trophée lors des années impaires.
Meilleur buteur de la compétition, le Brésilien a combiné l’excellence à l’efficacité, tout en étant incroyablement décisif lors des grands rendez-vous du mercredi soir. Etre là le jour J, la seule caractéristique qui aura manqué à Thierry Henry, véritable Poulidor des récompenses individuelles, pour conquérir le Saint Graal au moins une fois dans sa carrière. La seule mais la plus importante, tout compte fait. Les buts de Kaka face à MU à l’aller comme au retour, sans oublier son rush incroyable face au Celtic en huitièmes au bout du bout de la prolongation, furent certes magnifiques, mais surtout diablement importants. Cristiano Ronaldo, son principal concurrent – et peut-être le meilleur joueur européen de la “saison régulière” – n’a pas réussi à se mettre à la hauteur de l’évènement lors de la double confrontation entre Lombards et Red Devils. S’il avait reproduit en demi-finale le même match que contre la bande à Totti deux semaines plus tôt, le classement du Ballon d’Or 2007 aurait sûrement été inversé. Quoi qu’il en soit, le Portugais mérite amplement sa deuxième place, lui qui marcha si souvent sur l’eau en 2007.
Kaka lauréat, Cristiano Ronaldo dauphin, donc. Logique. Ça faisait longtemps que le jury n’avait pas été aussi cohérent. Le classement du Ballon d’Or 2007 serait-il, une fois n’est pas coutume, à l’abri de la moindre critique ? Non, évidemment. Messi troisième, voilà le scandale. Drogba doit inexplicablement se contenter de la médaille en chocolat. On n’ose y croire. Explications. Messi est certes un joueur fantastique, mais sa saison ne l’a pas été. Son palmarès n’a pas pris une ligne en 2007, faut-il le rappeler ? Son triplé face au Real n’a pas offert le titre au Barça, son slalom Maradonesque en demi-finale aller de la Coupe d’Espagne face à Getafe n’a pas suffi à éviter l’élimination des Blaugranas lors du match retour et sa saison européenne s’est arrêtée en février. De son côté Drogba a fini top scoreur de Premier League, a emmené Chelsea dans le dernier carré de C1 et a offert la Cup aux Blues grâce à un but inscrit à la 119ème minute face à MU. N’oublions pas non plus le doublé de l’Ivoirien en finale de Carling Cup face à Arsenal (victoire de Chelsea 2-1). En un mot, une saison pleine.
Pourtant, chaque année, à l’approche de la remise du trophée, Gerard Ernault tente de justifier le choix du jury en nous avançant la hiérarchie des critères d’attribution du Ballon d’Or : performances du joueur au long de l’année civile écoulée, résultats obtenus par le club et part prise par le joueur dans ces mêmes résultats, classe naturelle, aura médiatique et dimension extra footballistique. Il devrait en citer un dernier : être sud-américain. Ok, le Ballon d’Or n’est ouvert aux joueurs non européens que depuis 1995, ce qui a empêché des mecs comme Maradona ou Romario de glaner un trophée que leur talent aurait pourtant largement mérité. Les Auriverde ont néanmoins largement rattrapé leur retard depuis en inscrivant cinq fois leur nom au palmarès.
Cependant, à y regarder de plus près, en démocratisant son produit de la sorte, France Football a décrédibilisé ce qui était une véritable institution il y a 20 ans. Qui se souvient d’un joueur récompensé durant les années 70 ou 80 qui aurait davantage fait parler après son élection qu’avant ? Personne. A cette époque, les verdicts étaient incontestés et très souvent incontestables. Sauf que, depuis 1995, on ne compte plus les aberrations : Ronaldo lauréat en 2002 avec à peine 20 matches dans les pattes, ou pire, Rivaldo en 1999, année où Beckham et Manchester United gagnent tout et même un peu plus, ne sont que des exemples parmi d’autres. Il y a fort à parier que si Ronaldinho avait été Chilien, Lampard aurait été élu en 2005. Cette année, on a Robinho qui devance Van Nistelrooy. Fallait le faire. Les mecs qui votent ont-ils maté ne serait-ce qu’un seul match du Real la saison dernière ? A moins qu’ils soient tous abonnés à W9 et qu’ils se soient enflammés sur la Copa America.
S’il reste une récompense prestigieuse dont tout footballeur rêve, le Ballon d’Or a vieilli. Au point qu’il se voit aujourd’hui concurrencé médiatiquement par la distinction du “meilleur joueur FIFA”. Alors on essaie de se renouveler comme on peut, ou d’organiser des cérémonies type remise des Oscars avec Ballon d’Or d’honneur, paillettes et varietoche.
La grande nouveauté 2007 d’après les organisateurs, c’est d’avoir ouvert les portes du concours aux joueurs évoluant n’importe où sur la planète, alors que ne pouvaient postuler jusque là que les footballeurs licenciés dans des clubs européens. Il faut l’avouer, cette trouvaille n’est qu’un gadget. Compte tenu de la configuration économique actuelle du foot professionnel, on a peu de chances de voir, à terme, le meneur de jeu de Velez Sarfield ou le buteur des Tonnerre de Yaoundé couronné. Bref, on essaie de tenir le supporter en haleine comme on peut. Pourtant, il n’y en a pas vraiment besoin. Le Ballon d’Or, on croit que tout le monde s’en fout, mais en fait, tout le monde en parle, même So Foot. Bien que le verdict semble souvent évident, on se prend de passion pour le futur vainqueur, on s’agite, on spécule, et ce dès les prémices de l’automne. La remise du Ballon d’Or est un évènement inhérent aux fêtes de fin d’année, au même titre que le sapin, les boules, ou les huîtres. Il est attendu avec la même impatience qu’une Coupe du Monde ou qu’un Euro. C’est bel et bien la preuve que le foot est un sport individuel.
Par Marc Hervez
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