Indispensable Fletcher

Il y a des joueurs comme ça dont on dit que leur génie est invisible. Des mecs qui brillent par leur absence. Darren Fletcher fait indéniablement partie de cette catégorie de footballeurs. A première vue anecdotique, la suspension de Fletcher lors de la dernière finale de la Champions s’est en fait révélé être le véritable tournant du match, avant même le coup d’envoi. La défaite subie par Manchester face à Barcelone a clairement mis en valeur l’importance de l’Écossais dans le système de Ferguson, a fortiori les mercredis soirs lorsque United revêt son fameux “4-3-3 européen”. Remplacé poste pour poste par un Giggs mal à l’aise dans un rôle de milieu relayeur axial, Fletcher n’aurait évidemment pas été de trop dans la conquête d’un ballon monopolisé par les lutins du milieu blaugrana.

Après le départ de Ronaldo à Madrid, Fergie avait insisté sur le fait que ses boys, notamment les milieux de terrain, devraient dorénavant faire plus pour compenser le départ du Portugais. Force est de constater que Fletcher a largement fait sa part du boulot, voire une partie de celle de ses camarades. Double buteur lors du derby face à City, il a prouvé qu’il n’était plus ce simple soldat juste bon à faire le taf, mais qu’il faisait bel et bien partie de ces joueurs qui vous font gagner un match, au point de cantonner le pourtant excellent Michael Carrick à un rôle de remplaçant en ce début de saison. La justesse de sa passe a encore fait la différence samedi dernier à Stoke, lorsqu’il mit sur orbite Ryan Giggs, qui n’avait plus qu’à servir Berbatov pour l’ouverture du score, alors que les Red Devils butaient sur une défense regroupée depuis plus d’une heure.

Darren Fletcher, c’est aussi et surtout la preuve que le centre de formation de Manchester United fonctionne encore. Pourtant, au départ, rien ne le prédestinait à devenir un pilier de l’entrejeu mancunien. Sorti de la pépinière locale avec une étiquette de milieu droit, l’Écossais a eu du mal à ne pas décevoir les fans qui s’attendaient à voir le nouveau Beckham. Moins talentueux que Scholes, moins précoce que Giggs et moins sexy que le Spice boy, il se dirigeait tout droit vers un destin à la Phil Neville, voire à la Christopher Eagles, croyait-on. Mais Fletcher s’est montré patient, préférant gonfler son palmarès quitte à se contenter de rencontres de Carling Cup plutôt que de rejoindre d’obscurs clubs de bas de tableau lui assurant une place dans leur onze type. Bien lui en a pris. Replacé dans un registre plus défensif, où il se sert davantage de ses poumons et de son placement que de sa vitesse et de sa science du dribble, il est aujourd’hui un titulaire incontestable du milieu de terrain le plus concurrentiel d’Europe. Juste une stat, comme ça : Fletcher était absent lors des sept défaites subies par les Red Devils en 2008-2009, toutes compétitions confondues. Tout sauf un hasard.