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« Ils nous ont pris nos trois héros : Canto, Rio et Alan Smith »

Le jazz bouge encore, et de jeunes gens trouvent même le temps et l'envie de réveiller le volcan. En Angleterre, où on prend la chose très au sérieux depuis les Mods, Gogo Penguin propose de marier l'épure stylistique et le grand paradigme électro. Après un premier disque plutôt bien accueilli, ils reviennent défendre « Man Made Object ». Et bien que, clairement, le trio s'affichemancunien, le bassiste, Nick Blacka, ne jure que par et pour Leeds United, une passion aussi anachronique que son amour pour la musique.
Question classique, tes premiers souvenirs en matière de foot ? D’abord, la collection des autocollants Panini de la Coupe du monde, avec mon frère aîné . Nous étions obsédés, nous voulions absolument terminer l’album à n’importe quel prix. Et, naturellement, jouer au football dans la rue avec ses amis et lui. Après, quand j’ai compris qu’il était beaucoup plus fort que moi….
Cela ne constitue-t-il pas un crime de lèse-majesté de porter haut les couleurs de Leeds United quand on est originaire de Manchester et qu’il faudrait juste choisir entre United et City, le rouge ou le bleu ?Oui, ce n’est pas totalement faux. Et je peux avouer que cela m’a causé quelques problèmes dans le passé. La rivalité entre les deux villes n’est pas complètement éteinte. Toutefois, même si j’ai vécu la moitié de ma vie à Manchester, je suis né à Leeds et c’est là-bas que j’ai assisté à mon premier match étant gosse. Je suis encore de ces personnes convaincues qu’une fois gamin, une fois que vous avez commencé à aller régulièrement voir un club, alors cette équipe doit rester votre préférée pour la vie.
Comment définirais-tu le supporter de Leeds ? Je dirais qu’il est extrêmement passionné, loyal, et aussi très frustré. Leeds peut être considéré comme l’un des plus grands clubs d’Angleterre et pourtant, il est souvent désigné comme un géant endormi. En outre, les fans conservent malheureusement un mauvaise réputation en raison de certains débordements qui se sont produits dans le passé. Les temps ont changé. Les rencontres à domicile, à Elland Road, avec tous ces supporters et cette foule, restent des moments très intenses à vivre, et avec une très bonne ambiance.
Il existait des ponts entre ton amour du foot et celui pour la musique ? Pas du tout. D’ailleurs, pour être honnête, je ne suis pas certain que la musique et le football constituent le meilleur mélange des genres qui soit. En tout cas pas en Angleterre où les chansons des kops se révèlent souvent horribles, qu’elles soient officielles ou officieuses.
Tu es le seul membre du groupe à apprécier le foot, il existerait désormais un nouveau snobisme parmi les musiciens qui les conduirait à dédaigner ce sport ?Je n’irais pas jusqu’à dire ça. Cela n’intéresse tout simplement pas Rob et Chris. Un grand nombre d’artistes et de groupes aiment encore le football en Angleterre, peut-être tout simplement pas autant dans le monde du jazz/électro.
Ce serait donc le jazz qui serait en cause ? En effet, d’après mon expérience, beaucoup de musiciens de jazz ne parlent pas tellement de football, même si, paradoxalement, ceux qui en parlent dans notre milieu s’y connaissent peut-être encore plus que les autres. Pour en revenir à Leeds, beaucoup en France ne connaissent ce club que pour deux raisons, la violence de ses hooligans durant la finale de la Coupe d’Europe à Paris en 1975 et bien sûr pour la venue d’Éric Cantona en 1992. Pour tout avouer, 1975, ce n’est pas vraiment mon époque. Je sais évidemment que le club avait une sale réputation en raison de ses hooligans, la United Service Crew, dans les années 1970. Heureusement, les choses se sont améliorées sur ce terrain. Quant à Éric Cantona, Leeds n’aurait jamais dû le vendre, ou ils auraient dû le céder contre beaucoup beaucoup beaucoup plus d’argent. Il avait été déjà très bon chez nous, mais il est vrai, du moins je le pense, que c’est à Manchester United qu’il a vraiment marqué les esprits.
Quel est ton plus grand souvenir de ce bref passage du « King » chez vous ? Sa contribution dans l’équipe qui a remporté l’ancienne première division en 1992, avant qu’elle change de nom pour s’appeler la Premier League. Il a seulement été aligné dans une poignée de matchs, mais il a clairement apporté sa pierre à l’édifice de ce titre, avec ses passes incroyables ainsi que quelques buts. Je mettrais aussi à son actif son triplé contre Liverpool lors du Community Shield à Wembley au début de la saison suivante.
Et à part lui, quel serait le joueur que tu retiendrais de la longue histoire de Leeds ?Harry Kewell sans doute. J’ai adoré l’équipe des Peacocks dans les années 2000, cette période merveilleuse, lorsqu’ils sont arrivés en demi-finale de la Ligue des champions. À mon avis, il a été notre meilleur joueur à l’époque, très excitant à regarder jouer. J’ai aussi aimé Alan Smith, mais malheureusement, à la fin, il a fini par signer pour Manchester United. C’est toujours la même histoire en fait…
Fais-tu partie de ceux qui pensent que Manchester a toujours pillé Leeds de ses meilleurs éléments ? Voila exactement ce que ressent un fan de Leeds. Peut-être aussi parce, à cause de la rivalité historique, tu as forcément plus mal quand United achète tes meilleurs éléments. Sur la durée, il n’y en pas eu finalement tant que cela. Mais franchement, ces dernières années, ils nous ont pris nos trois héros : Éric Cantona, Rio Ferdinand et Alan Smith.
Et donc ce parcours en Ligue des champions 2000/2001 reste encore aujourd’hui ton plus grand souvenir avec Leeds ? Bien sûr. Surtout lorsque nous avons battu La Corogne 3-0 à domicile en quart de finale. Avant, les gars du Deportivo disaient partout dans la presse que Leeds était la formation la plus faible de la compétition. Mais la vérité, c’est qu’à un moment, il semblait que tout était possible, que nous pouvions remporter le titre. Puis Leeds a perdu à Valence en demi-finale.
Tu as déjà croisé des pros, certaines de tes idoles ? Non, je n’en ai jamais rencontré. En revanche, Rob, notre batteur, a vu Sir Alex Ferguson et certains joueurs de Manchester United il y a quelques années. Je me suis également produit une fois lors d’un événement à Old Trafford.
Tu ne penses pas au bout du compte que Leeds s’avère peut-être un club trop vintage pour le football actuel, surtout en Premier League ? Et d’ailleurs, comment vois-tu le parcours cette saison de Leicester ? Leeds possède toujours un très grand nombre de fans et une « base » nombreuse derrière lui. Incontestablement, le club n’est pas au niveau aujourd’hui. J’espère que très bientôt ils pourront revenir en Premier League. Quant à Leicester, c’est vraiment étonnant ce qu’ils ont réalisé depuis le début du championnat. De nos jours, le football paraît d’abord une question d’argent. Or Leicester donne finalement un peu d’espoir aux autres équipes d’un calibre équivalent, l’espoir d’être en mesure de rivaliser avec le Big Four.
Justement aujourd’hui, pour remonter dans l’élite, vois-tu dans l’effectif de Leeds des types qui sortent du lot ?
Lewis Cook est clairement le plus talentueux et performant aujourd’hui. C’est un milieu de terrain, très habile, agé de 18 ans . Apparemment, Manchester United, Arsenal, Chelsea et Bournemouth gardent un œil sur lui, mais pour l’instant, il reste encore à Leeds, et nous espérons le garder.
Pour finir, tu crois aux chances de l’Angleterre pour l’Euro 2016 ?Je voudrais tellement dire oui. En vérité, l’Angleterre n’a pas franchement excellé dans les tournois internationaux ces dernières années. C’est un constat étrange, parce qu’elle compte vraiment de très bonnes individualités. J’aimerais vraiment les voir réussir quelque chose en France, je ne mettrais pas pour autant de l’argent sur leur victoire…
Propos recueillis par Nicolas Kssis-Martov
Gogo Pengouin, Man Made Object, sorti le 5 février.
Concert le 15 février à la maroquinerie à Paris.