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Pauline Peyraud-Magnin, contre vents et marées

Par Thomas Morlec, avec Léna Bernard en Suisse
8 minutes

Gardienne titulaire de l’équipe de France féminine dans une compétition majeure pour la troisième fois, Pauline Peyraud-Magnin a enfin la reconnaissance espérée durant toute sa carrière. Malgré de terribles épreuves et de nombreux moments de doutes, la portière de 33 ans a toujours cru en sa destinée. Elle a eu raison.

Pauline Peyraud-Magnin, contre vents et marées

La scène résume à elle seule la vie de Pauline Peyraud-Magnin : le 4 avril 2019, la gardienne honore sa première titularisation dans les cages des Bleues. Un moment teinté d’émotion, censé marquer une vie. Oui mais voilà, à la 22e minute, « PPM » se tord de douleur après un dégagement anodin. Verdict : luxation de la rotule, sortie sur civière. Parce qu’elle a l’habitude que le sort s’acharne, elle lâchera « Au moins, je n’ai pas pris de but  ! » en rigolant à sa sélectionneuse Corinne Diacre, probablement décontenancée. Pauline fait partie de ces joueuses besogneuses, qui n’ont jamais rien obtenu facilement. Considérée pendant de longues années comme un plan B, la native de Lyon a toujours su se relever, malgré les vents contraires, sans jamais broncher.

Après avoir fait ses gammes comme milieu de terrain avec Caluire SC et l’US Montanay, Peyraud-Magnin débarque à l’Olympique lyonnais à 16 ans. L’apprentissage est rude, d’autant qu’elle arrive dans une formation au sommet du football français qui glane ses deux premières coupes d’Europe en 2011 et 2012. Daniel Jaccard fait la rencontre de « PPM » lorsqu’elle est promue troisième gardienne de l’effectif pro. « Elle était plutôt discrète, mais elle faisait preuve de détermination dans le travail. Ce à quoi on avait été sensible avec le staff de l’OL, c’était son profil athlétique, qui était très intéressant pour le poste de gardienne de but, mais en revanche, il y avait beaucoup de choses à développer, comme le lien au jeu, l’aspect technique ou encore la personnalité, apprendre à s’affirmer avec les formes. »

Au milieu des taulières comme Wendie Renard, Camille Abily, Eugénie Le Sommer ou encore la gardienne Sarah Bouhaddi, la novice se fait petite et passe les étapes les unes après les autres. « Entre son cursus de formation en tant que mineur et les piliers qu’elle avait à côté d’elle, la marche était extrêmement haute, pose l’actuel responsable de l’académie de l’AS Saint-Priest. On ne peut pas exister dans le football si on n’a pas de tempérament, de détermination, de force de caractère. En définitive, elle a été éduquée par le foot de cette manière-là. Il n’y a pas de place pour les faibles à haut niveau. »

Discrétion, coach mental et Hulk

Pourtant, il y a eu bien des moments difficiles dans la vie de la gardienne de la Juventus, première internationale française à révéler son homosexualité au grand public pendant sa carrière. À quelques jours du début de l’Euro 2022, sa compagne, Camille Nell, est retrouvée morte dans leur appartement, un drame auquel s’ajoute la perte quelques semaines plus tard de l’un de ses jeunes cousins, dont elle était très proche. Pour panser ses plaies et s’en sortir, la portière n’a pas hésité à se faire entourer.

Quand elle entre sur le terrain, ce n’est pas la même que dans la vie de tous les jours, elle se transforme.

Fabrice, papa de

À partir de juin 2023, la goal prend la décision de se faire suivre par un coach mental. « L’aspect mental est important pour beaucoup, détaille-t-elle dans le podcast La Voix des gardiens. C’est quelque chose qui a été énormément sujet à controverse. Parce que quand on pense à l’aspect mental, cela renvoie à être faible, alors que pas du tout. […] J’avais énormément de colère en moi. J’ai su exploiter au maximum cette colère et surtout la faire sortir. Cela ne m’a pas desservi, ça m’a aidée à me relever, à avancer, à toujours aller de l’avant. » Un mélange de résilience et de confiance en elle qui force aussi l’admiration au sein même de sa famille. « Elle a un mental d’acier, souligne son père, Fabrice. C’est ce qu’a signalé Laurent Bonadei, quand il est arrivé, il l’a mise deuxième durant les quatre premiers matchs amicaux, et Pauline, c’était la même : elle n’a jamais fait la gueule, elle a toujours encouragé ses coéquipières. C’est son état d’esprit. »

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Au-delà de ce travail psychologique, Peyraud-Magnin a aussi ses astuces pour ne pas crouler sous la pression. Depuis 2015-2016, soit la période où elle évoluait à Saint-Étienne, elle porte un sous-maillot à l’effigie du super-héros Hulk. Comme Bruce Banner, la gardienne au catogan se transforme selon le contexte. Comprenez, il y a la Pauline sur le terrain et celle en dehors. « C’est une supportrice qui lui avait offert le maillot de Hulk et elle le porte toujours. Quand elle entre sur le terrain, ce n’est pas la même que dans la vie de tous les jours, elle se transforme », explique le papa. Cette superstition lui permet aussi de se protéger. « Si je n’ai pas ce sous-maillot Hulk, je ne suis pas bien, il ne me quitte jamais, assure la portière dans le podcast Joueuses. D’un côté, je me cache derrière lui. C’est comme si, grâce à lui, j’avais des supers pouvoirs. Je me dis qu’il ne peut rien m’arriver à ce moment-là. »

Le tour d’Europe pour se découvrir

Avant de s’installer dans les cages des Bleues et de remporter des coupes avec la Juventus, la Lyonnaise d’origine a rongé son frein. Barrée par la concurrence à l’OL, celle qui rêvait d’être archéologue quand elle était petite a mis les voiles pour gratter du temps de jeu à Issy, l’ASSE et Marseille. Malgré ces trois prêts, qui lui permettent de disputer 52 rencontres et de découvrir l’équipe de France, la concurrence reste trop forte et c’est à l’hiver que Peyraud-Magnin fait ses valises pour le premier grand virage de sa carrière en signant à Arsenal, après un départ avorté à Bordeaux à l’hiver 2018.

Être professionnel, ce n’est pas faire un ou deux bons matchs par an, c’est enchaîner les saisons et se mettre en danger en allant chercher d’autres projets, environnements, cultures. Je trouve son parcours admirable.

Daniel Jaccard, ancien coach à l’OL

Championne en titre avec les Gunners à l’été 2019, la Française se blesse, et l’Autrichienne Manuela Zinsberger en profite pour lui chiper sa place. Contestée, encore et toujours. « Elle a avancé avec l’âge, les échecs, les succès, les expériences diverses et variées dans des pays et des cultures différentes. Elle a pris en maturité, cela se ressent dans son jeu. Elle est plus calme, plus sereine et surtout plus fine dans l’analyse du jeu, décortique Daniel Jaccard. Je suis impressionné par sa longévité, son évolution dans le temps. Des éclairs, il y en a plein, mais être professionnel, ce n’est pas faire un ou deux bons matchs par an, c’est enchaîner les saisons et se mettre en danger en allant chercher d’autres projets, environnements, cultures. Je trouve son parcours admirable. »

Tapie dans l’ombre et souvent cantonnée à cirer le banc, la gardienne n’a pas pour autant voulu écraser la concurrence pour passer devant. Elle a préféré continuer de travailler jusqu’à ce que son heure vienne. Souvent comparée à Tom Sawyer pour son goût de l’aventure, la Tricolore découvre l’Espagne et l’Atlético, vice-champion d’Espagne, en 2020. Mais encore une fois, tout ne se passe pas comme prévu. Recrutée en tant que numéro 1, la Française était censée voir arriver lors du mercato une gardienne remplaçante. La surprise est totale pour elle quand la taulière suédoise Hedvig Lindahl débarque en provenance de Wolfsburg. Outre la trahison, Peyraud-Magnin va souffrir des restrictions dues au Covid-19, à Madrid, une ville qu’elle découvre à peine et qu’elle ne peut pas explorer.

Ses décisions, PPM les prend souvent sur un coup de tête. Quand elle apprend, après seulement une vingtaine de matchs avec les Colchoneras, que la grande Juventus est sur ses côtes, elle n’hésite pas longtemps à partir à la découverte d’un troisième pays : elle fonce rejoindre le club de l’une de ses idoles, Gianluigi Buffon, et devient par la même occasion la gardienne la plus chère de l’histoire (50 000 euros) étant également la première gardienne transférée contre une somme d’argent dans l’histoire du football féminin. La suite ? Un Scudetto et une Coupe d’Italie. La Vieille Dame ne s’est pas trompée, et n’est pas la seule à reconnaître ses qualités d’explosivité et de jeu au pied. « Pour moi, elle est déjà probablement la meilleure du championnat italien, affirme Giorgia Brenzan, gardienne la plus capée de l’histoire de la sélection italienne. Je ne la connaissais pas, j’ai été agréablement surprise, elle est très réactive, a de la force. »

PPM a fait sienne la devise de la Juve « fino alla fine » (jusqu’au bout en VF), où elle vient de prolonger jusqu’en 2026. Le club bianconero a permis de trouver de la stabilité et surtout un cadre accueillant, comme en témoigne son père : « Pauline a besoin pour être apaisée de sentir que ça se passe bien autour d’elle. Pas d’animosité, un fleuve tranquille. Il faut qu’elle sente qu’on lui fait confiance et qu’elle est entourée. Elle est dans un club où elle se sent très bien. » Et si ce fleuve tranquille peut l’amener jusqu’au bout à l’Euro, c’est toute la France qui sera apaisée.

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Par Thomas Morlec, avec Léna Bernard en Suisse

Tous propos recueillis par LB et TM, sauf mentions.

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