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Des play-off en Ligue 1 ? Non merci !
Dans le vaste plan de réformes annoncé par la FFF, une proposition originale a essaimé : mettre en place des play-off pour titrer le champion de Ligue 1. Mais toute idée n’est pas bonne à prendre. Vraiment pas.

Quand une personnalité politique lance des idées dans le vide, on peut observer trois temps. Le premier : lancer l’idée à la presse ou à la télé. Souvent, un conseiller ou un « proche de » s’en charge. Le deuxième : observer si l’idée mord dans les médias, et dans l’opinion publique. Le troisième moment dépend du deuxième : si le sujet est accueilli favorablement, le proposer. Sinon, l’abandonner tranquillement. L’idée d’instaurer des play-off pour titrer le champion de Ligue 1 n’émane pas d’un think tank d’un parti politique, mais d’un groupe de travail consacré à l’amélioration du « produit Ligue 1. » Mené par Damien Comolli, le président de Toulouse, il aurait notamment délivré la proposition suivante : les quatre qualifiés pour la Ligue des champions se retrouveraient pour un mini-tournoi. Après des demi-finales et une finale, le futur champion de France serait désigné. En gros, Strasbourg, Nice ou Lille pourraient être champions en gagnant deux matchs contre Paris, Marseille ou Monaco. Suspense garanti ? Vraiment pas.
Vraie mauvaise idée
Le souci est constaté, et partagé : le PSG roule sur le championnat de France. Il dispose de 19 points d’avance sur Marseille cette saison. D’ici fin mai, il aura remporté onze des treize dernières éditions de la Ligue 1. Rien que sur cette période, c’est plus que n’importe quel club depuis la création de la première division française. Ce format de Final Four existe en Première Ligue depuis deux saisons. Le résultat est connu : un faux suspense, qui consacre en réalité le vainqueur de la saison régulière. Les Dijonnaises, rossées à Lyon, peuvent en témoigner. En Belgique, les play-off ont offert du suspense (Antwerp peut le confirmer), mais surtout du jus de crâne à beaucoup d’observateurs extérieurs. Après quinze saisons de services, ils seront donc logiquement abandonnés pour la saison prochaine. Sinon, en Albanie ils permettent de prolonger un peu la saison d’une première division à dix clubs. En gros, ces excroissances des championnats concernent des championnats mineurs.
L’idée derrière cette proposition est de relancer la compétitivité et l’intérêt du championnat. Les meilleures équipes s’affronteraient, ça ferait des audiences. C’est amazing ! Le modèle de la NBA, une fois de plus, plane. Autre argument en faveur de ces play-off : les joueurs de Lille et Nice seraient plus habitués à la pression des gros matchs, et seraient ainsi meilleurs en coupes d’Europe. Le classement UEFA de la Belgique ne plaide pas dans ce sens.
Reste à savoir si cette proposition relancerait vraiment le suspense en Ligue 1. En réalité, il le reporterait. Le PSG serait champion, même avec Senny Mayulu et Ibrahim Mbaye – car il faudrait imaginer de longues polémiques en cas de longue aventure en Ligue des champions et un calendrier toujours plus décalé. La tension existe également déjà dans la version actuelle du championnat : l’avant-dernière journée de Ligue 1 a vu les prétendants pour les coupes d’Europe se casser la tronche un par un à la surprise générale, et un seul match de la dernière journée (PSG-Auxerre) n’a pas d’intérêt pour le classement final. Et puis si rien n’empêche les Parisiens d’être aussi bons, rien n’empêche non plus les autres d’être aussi loin au classement, même sans jouer de Coupe d’Europe. En Bundesliga, alors que le Bayern est champion presque chaque saison, les stades sont pleins et les ambiances folles. Réfléchir à la manière dont on pourrait lutter contre ces gros clubs-entreprises est donc une meilleure manière d’atténuer le problème.
La Ligue 1 n’est pas la NBA
Croire que ces play-off pourraient relancer le suspense de la Ligue 1 relève donc du leurre. Pire, le travail de la saison, sa longueur ne sont pas récompensés. Titrer un champion sur dix mois constitue pourtant la dureté d’un parcours traversé sur 34, 36, 38 ou 46 journées, pour les tarés anglais du Championship. S’ils sont réussis, leur format de play-off d’accession n’engage pas le vainqueur du championnat (ni son dauphin d’ailleurs), mais ses poursuivants. La finale à Wembley a tout d’une apothéose, et renforce la dramaturgie d’une saison très, très longue.
Enfin, cette réflexion est une nouvelle preuve que l’histoire du football est laissée-pour-compte. Les play-off font partie de l’histoire du rugby. Ils existent en première division depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et se déroulent chaque année des plus basses divisions au Top 14. Et en rugby, sur les dix dernières années, toutes les finales pour le Brennus ont vu s’affronter les deux premiers de la saison régulière. En football, un championnat doit rester un championnat. Il a sa longueur, son suspense, ses histoires. La coupe, elle, reste une coupe. En mixant les deux formats pour la nouvelle formule de la Ligue des champions, Aleksander Čeferin et l’UEFA flouent ces concepts. Instaurer des play-off en Ligue 1 relèverait de la même absence de cohérence. Pour rendre un brin d’incertitude à la Ligue 1, il faut donc commencer par travailler. Lille et Monaco, champions dernièrement, peuvent en témoigner.
Par Ulysse Llamas