CAN 2008 : L’Algérie ayant chanté tout l’été
Seuls les crétins se seront laissés impressionner par les «défaites prometteuses» des Fennecs contre l'Argentine (3-4) et le Brésil (0-2). La réalité, c'était en fait le parcours chaotique des Algériens en éliminatoires de la CAN, achevé hier soir par une défaite fatale en Gambie (1-2). La chronique d'un désastre annoncé, la suite logique d'une autre cata : l'élimination de la CAN 2006.
Dimanche 6 septembre 2004. Annaba (Algérie), Stade du 19 Mai. 76ème minute : le Gabonais Mouyouma inscrit le 3ème but pour son pays (0-3). Le grand Rabah Madjer, co-commentateur pour la télévision algérienne, éclate en sanglots, live and direct, puis se retire du micro pour aller pleurer de détresse… L’Algérie est éliminée de la CAN 2006, qualificative également pour la Coupe du monde 2006. Double zéro pointé. Le foot algérien n’en finit pas de sombrer. Oubliée la décennie dorée 1980-90, ses deux participations aux Coupes du mondes 1982 et 1986, ainsi que sa victoire à la CAN 1990. Installée depuis dans le ventre flou du foot africain, l’Algérie ne fera pas mieux que quart de finaliste aux CAN 1996, 2000 et 2004. C’est tout.
Absente, donc, de la CAN 2006, l’Algérie comptait revenir au sommet de l’élite continentale en décrochant sa qualification pour la CAN 2008, au Ghana. Mais le résultat d’hier soir a dû contraindre Rabah Madjer à piocher encore dans la boîte à Kleenex.
Dans un Groupe 8 qui semblait « à sa portée » (Gambie, Guinée, Cap Vert), dans des éliminatoires « faciles » (qualification des premiers des 12 groupes ainsi que des 3 meilleurs troisièmes), les Fennecs ont accumulé les faux-pas (2-2 au Cap Vert et défaite 0-2 à domicile contre la Guinée de Pascal Feindouno). Le match d’hier contre la Gambie, à Banjul, n’était plus en fait qu’une course de dupes : l’Algérie devait battre les Gambiens tout en espérant une contre-performance de la Guinée qui accueillait le très faible Cap Vert. Au bout de 35 minutes de jeu, à Conakry, les Guinéens menaient déjà 2-0 ! A ce moment précis, l’Algérie devait donc gagner au minimum 4-0… Terminus ! Mission impossible. Saïfi marquera bien à la 55ème minute, mais c’est la Gambie qui plantera deux poignards dans le coeur d’un pays encore meurtri par les attentats terroristes sanglants du week-end dernier. Ex æquo avec la Gambie, derrière le premier Guinéen, mais de toutes façons pas meilleurs deuxièmes, l’Algérie et la Gambie sont out.
Comme d’habitude, c’est l’entraîneur qui servira en premier de bouc émissaire : un « étranger » , le Français Jean-Michel Cavalli. Même s’il faut bien admettre que ses options tactiques (5-3-2 : 5 défenseurs ! ! !) choisies pour aller jouer la gagne à l’extérieur laissent perplexes. Cavalli sautera, évidemment. Si ce n’est déjà fait, à cette heure. Une habitude en Algérie : depuis quelques années, elle consomme en moyenne un sélectionneur tous les 6 mois (rien que 5 en 1999 !).
On l’a compris, l’Algérie est la grande malade du football africain. Elle poursuit son long déclin à l’heure où s’affirme une nouvelle hiérarchie continentale. A savoir, les « grandes nations » (Cameroun, Sénégal, Nigeria, Tunisie, Maroc, Afrique du Sud, déjà qualifiés, comme le Ghana, pays organisateur), rejointes par les deux puissances montantes (Côte d’Ivoire et Angola, également qualifiées). D’autres pays émergent : Soudan, Namibie, Guinée, Zambie, présents eux aussi au Ghana 2008. Reste l’Egypte, en « ballottage favorable » dans le Groupe 2, ainsi que les deux autres « émergeants » , l’étonnant Mali et surtout le Togo mondialiste, qui devront en découdre dans le Groupe 9.
Depuis sa victoire à la CAN 90 et la fin de sa génération dorée (Kourichi, Dahleb, Madjer, Belloumi, Assad), l’Algérie n’a jamais préparé l’avenir. Un championnat anarchique, des stades vétustes, des terrains d’entraînement surexploités par les pros, les équipes de jeunes et les amateurs, ainsi que l’abandon de toute formation et détection. Il ne restait plus à la Fédé algérienne, totalement incompétente et prompte à écarter ses « grands Anciens » (Mekloufi, Madjer, Kourichi), qu’à se reposer uniquement sur le miracle permanent (le mirage permanent ?), à savoir des joueurs talentueux qui masqueraient son incurie et ses échecs. A la fin des années 90, le foot algérien fit encore un peu illusion grâce aux Saïb, Benarbia, Tasfaout, Belmadi ou Bouafia. Mais les années 2000 rendirent un verdict immédiatement lisible : les internationaux algériens, autrefois très présents, surtout en D1 française, squattaient désormais dans les clubs de D2. Sans commentaire.
Le soi-disant renouveau du foot algérien, symbolisé par les Belhadj (OL), Saïfi (Lorient) ou Ziani (OM) n’était en fait qu’un leurre. Le dernier cache-misère avant l’implosion ? Même la JSK (club phare du foot kabyle-algérien-maghrébin-africain) avait connu une immense désillusion en se faisant sortir début septembre en Ligue des Champions d’Afrique. Là aussi, dans une poule réputée « à sa portée » , elle a fini à la 3ème place éliminatoire, prouvant par là qu’en football de club, l’Algérie était également au plus mal.
L’Algérie est désormais devenue une autre Jamaïque : un sympathique sparring-partner reconnu et recherché par les cadors à l’approche des grands rendez-vous internationaux ou tout simplement en goguette estivale. Une équipe de touristes qu’on trimballe de Barcelone à Montpellier, en région parisienne ou en banlieue londonienne.
Chérif Ghemmour
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