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Beauvue la belle vie
Pas moins efficace qu'un Ntep ou qu'un Lucas pour le moment en L1, Claudio Beauvue a été plus décisif sur cette première moitié de saison que lors de tout l'exercice précédent. L'homme a-t-il atteint sa plénitude après des années de National et de L2 ? Peut-il encore aller plus haut ? Un ancien coach et un ex-coéquipier y croient volontiers.
Samedi 13 octobre, tout Auguste-Delaune profite d’un match-montagnes russes entre Reims et Guingamp. Des coups de canon, des joueurs plein d’abnégation et un certain temps pour chaque camp avant de faire la décision, qui doit être faite quoi qu’il arrive. L’épilogue est finalement en faveur de l’En Avant, après le double coup de rein et la frappe croisée victorieuse de son Gwada boy à suspension, Claudio Beauvue. Dans la foulée, le p’tit gars de 26 ans, à la joie de vivre qui parle d’elle-même, déclare à L’Équipe : « Le fait d’enchaîner les matchs donne de la confiance. Je commence à bien connaître le championnat. Mais je peux encore progresser, à l’image d’un Didier Drogba, arrivé sur le tard et encore en pleine forme à son âge. C’est un exemple. » Un exemple suffisamment significatif pour poser cette question : Claudio Beauvue peut-il l’imiter et continuer, en ayant amarré son bateau à haut niveau sur le tard, à empiler les buts, se faire un nom et gravir les échelons ? Et pourquoi pas un jour rejoindre un grand de France, voire réussir un exil quatre étoiles ?
Le Lacazette des Côtes-d’Armor
Le début de saison du natif de Saint-Claude, en Guadeloupe, plaide en tout cas en sa faveur. Ses huit buts marqués toutes compétitions confondues, dont six en L1, ou son nom couché systématiquement d’entrée sur la feuille de match lors des 17 journées disputées le feraient passer pour le Lacazette des Côtes-d’Armor. Ce sont autant d’indications quant à son intégration réussie dans l’élite, à peine deux ans après l’avoir découverte avec Bastia. Autre stat parlante, Claudio Beauvue figure en 7e position des joueurs déclenchant le plus de frappes. Derrière le canonnier lyonnais, Gignac, Cavani, Thauvin, Gradel ou Jordan Ayew, mais surtout devant des noms comme Ben Yedder, Diabaté, Berbatov ou Ntep.
À titre de comparaison, ses partenaires Mandanne et Schwartz en ont tenté moitié moins, avec des ratios plus propres à une équipe guingampaise classée 17e équipe du championnat en possession de balle. Patrick Rémy, son entraîneur à Troyes en National de 2009 à 2010, illustre en quoi ce que réalise son ancien poulain est grand et prometteur, lui qui l’avait déjà repéré avant de le rencontrer lors d’une mission de supervision : « Claudio, c’est un ailier pur, qui déborde, qui centre, qui percute, mais qui met aussi ses buts grâce à sa présence devant le but. Là, il en a déjà mis six, donc admettons qu’il en fasse autant sur la deuxième partie de saison et il sera quelqu’un de convoité l’été prochain. Parce qu’un pur joueur de couloir à plus de dix buts, aujourd’hui, c’est rare. »
« L’un des trois meilleurs joueurs de couloir de L1 »
Patrick Rémy, scout toujours pour La Gantoise dans le Sud de la France, garde encore aujourd’hui un bon souvenir de celui qui ne voulait pas jouer en National lors de son arrivée à l’ESTAC : « Lors de la prépa, la moitié de l’effectif se fait monter la tête par les agents pour ne pas jouer à ce niveau, dont Claudio. Mais après 15 jours en réserve, tout est rentré dans l’ordre, et ça s’est très bien passé avec lui. J’avais une super ligne d’attaque entre lui, Buengo et Lafourcade. » Une ligne d’attaque où le jeunot d’alors à peine sorti du centre de formation du FC Nantes claque les doigts dans le nez ses 11 filoches et presque autant d’assists. L’occasion de bluffer tout le monde par sa capacité à venir user de sa détente et de son jeu de tête impeccable, lui valant aujourd’hui le sobriquet d’Air Beauvue. « Il n’est pas grand(ndlr : 1,74 m), ni très volumineux en termes de musculature, mais il est très tonique, ce qui lui permet d’être explosif dans ses appuis et d’aller haut dans les airs. Et c’est ce qu’on recherche dans le football moderne » , prolonge Vincent Fernandez, l’ex-portier du PSG qui l’a côtoyé à Châteauroux avant de ranger les gants.
Voler plus haut ?
Troyes, Châteauroux, deux époques, deux contextes et niveaux différents, mais où, à chaque fois, le garçon a fait état d’un dernier attribut, sa capacité à amener du danger, mais aussi à l’incarner. Patrick Rémy explique : « Il a des qualités physiques, mais il a autre chose. À Troyes, on a travaillé pour que chacun ait en permanence quatre à cinq options de jeu offensivement, que ce soit par des courses, des passes, des centres. Il a perfectionné sa qualité de centre et s’est aussi montré capable d’être en permanence dans la surface à la réception des centres opposés, chose que tous les joueurs à ce poste ne font pas. » Vincent Fernandez, aujourd’hui gérant d’une salle de sports à Poinçonnet, près de Châteauroux : « Il rentrait très souvent vers l’intérieur et la surface, oui. Mais voilà, il a une belle détente. »
Tiéné ou Béria peuvent en témoigner, alors qu’on lui prête une détente sèche dépassant le mètre. Alors Claudio peut-il encore voler plus haut ? Jusqu’à présent linéaire dans l’effort, Beauvue a des lignes de stat’ assez semblables à mesure que le level se durcit, malgré un petit temps d’adaptation à chaque nouvelle étape. Et au vu de ce qu’il observe, Patrick Rémy ne le verrait pas ridicule dans une équipe comme le PSG, rien que ça : « Pour moi, il fait partie des trois meilleurs joueurs de couloir de L1. Il est peut-être plus efficace qu’un Lavezzi ou un Lucas(ndlr : 6 buts et 2 passes pour Beauvue, 6 et 1 pour Lucas, 2 et 1 pour Lavezzi)et joue pour Guingamp, donc n’a pas les mêmes passeurs, la même qualité autour de lui. Mais bien entouré, selon moi hein, il pourrait jouer sa carte dans une équipe comme celle de Paris. » D’alter-ego de Lafourcade et Buengo, à celui d’Ibra et Lucas, il n’y a qu’un pas ?
Par Arnaud Clement