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Argentine : Dark Leo ou Messi maradonien ?

Par Georges Quirino-Chaves à Buenos Aires
Argentine : Dark Leo ou Messi maradonien ?

Au-delà de ses performances de haut vol depuis le deuxième match face au Mexique, Lionel Messi a crevé l’écran en affichant une facette plus méconnue de sa personnalité. Contre les Pays-Bas, le septuple Ballon d’or, habituellement si respectueux, est apparu en trashtalker hors pair. En Argentine, cette version de la Pulga grande gueule, brièvement aperçue par le passé, est inévitablement associée à la figure de Maradona.

La scène se déroule quelques minutes après l’éprouvante qualification de l’Argentine face aux Pays-Bas. Dans les couloirs de l’enceinte de Lusail, Lionel Messi se présente au micro de la chaîne argentine TyC Sports. Il a le regard noir. Alors que le journaliste Gaston Edul s’apprête à lui poser une question en direct, la Pulga interpelle une personne hors caméra : « Qu’est-ce que tu regardes, idiot ? Va ailleurs, idiot ! » Surpris, l’intervieweur invite le numéro 10 à garder son calme. La fureur sans filtre de Messi vise l’attaquant Wout Weghorst, auteur des deux buts néerlandais. « Il n’a pas arrêté de nous provoquer pendant la rencontre, se justifiera plus tard le capitaine de l’Albiceleste. Pour moi, ce n’est pas ça, le football. Je respecte toujours tout le monde, mais j’aime aussi qu’on me respecte. Leur entraîneur, par exemple, ne nous a pas respectés. »

Le natif de Rosario est en colère contre Louis van Gaal pour ses déclarations d’avant-match. Deux en réalité : « Si on va aux tirs au but, je crois que nous avons des chances d’être favoris » et « Messi ne participe pas au jeu quand l’adversaire a le ballon. C’est là où nous aurons des possibilités. » C’est cette dernière phrase qui a fait vriller le septuple Ballon d’or. Van Gaal avait plus ou moins balancé la même punchline à Juan Román Riquelme quand il le dirigeait au Barça. Messi s’en est souvenu. Sinon, pourquoi aurait-il célébré son but vendredi soir en imitant devant le coach des Pays-Bas une célébration mythique de l’idole de Boca Juniors ? Les deux mains derrière les oreilles, comme pour dire : « Parle plus fort. Je ne t’entends plus. » Pour bien faire comprendre au technicien néerlandais qu’il aurait dû fermer sa bouche, la Pulga le retrouve au coup de sifflet final. Edgar Davids doit s’interposer devant son sélectionneur abasourdi par ce Messi « on fire » que personne n’a vu venir.

C’est un humain comme nous, et parfois, il lui arrive aussi de réagir. Ce n’est pas un robot. Même s’il est le meilleur de tous. Qu’est-ce que vous voulez ? Qu’il soit parfait ? Maintenant, il fait comme Diego !

Des huevos, du trashtalk et Diego

Au même moment, à Buenos Aires, devant l’écran géant installé dans un parc du quartier branché de Palermo, Gustavo, 41 ans, un débardeur de l’Albiceleste sur les épaules, se délecte, comme beaucoup des milliers de supporters autour de lui, des images de la furia du Diez. « Ça, c’est le Messi que j’aime ! Avec des huevos ! C’est notre capitaine », beugle-t-il le poing en l’air. Inarrêtable, le joueur vient de mettre un tir à l’arbitre espagnol Antonio Mateu Lahoz et contre la FIFA pour avoir choisi cet homme en noir « pas à la hauteur d’un quart de finale de Coupe du monde ». Malgré un penalty généreux donné à l’Argentine et la non-expulsion de Paredes. Peu importe. Ce soir-là, c’est trashtalk pour tout le monde.

Sur la plupart des plateaux télévisés argentins, les participants célèbrent ce Messi que beaucoup définissent comme « maradonien ». Un capitaine avec du caractère – réclamé depuis des années – qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, chante l’hymne à pleins poumons, harangue ses coéquipiers et peut parfois péter les plombs face à une injustice ou un manque de respect. « C’est un humain comme nous, et parfois, il lui arrive aussi de réagir, le défend Oscar Ruggeri, champion du monde 1986, sur ESPN. Ce n’est pas un robot. Même s’il est le meilleur de tous. Qu’est-ce que vous voulez ? Qu’il soit parfait ? Maintenant il fait comme Diego ! » Alors que dans la même émission, le Kun Agüero, qui était dans le grabuge de Lusail, reconnaît avoir vu un Messi « piquant », l’ancien attaquant Hernán Crespo a lui remarqué que le numéro 10 « extériorise beaucoup ses émotions pendant ce Mondial », rappelant notamment un échange très froid avec Robert Lewandowski lors du match de poule face à la Pologne.

 Il n’avait jamais été impoli ou irrespectueux, ces traits qui semblent si souvent en Argentine indispensables pour atteindre l’idolâtrie. Messi a longtemps résisté, mais depuis quelques saisons, il a été intoxiqué. Le footballeur le plus extraordinaire peut aussi être un homme vulgaire.

Footballeur extraordinaire, homme vulgaire et goodies

Si le monde entier a été surpris de découvrir cette version dark de Messi, les Argentins l’ont été un tout petit peu moins. En 2019, lors de la Copa América au Brésil, la Pulga s’était déjà emportée face aux micros. Après avoir été, selon lui, injustement battu par les Auriverdes en demi-finales (2-0), l’Albiceleste décroche la troisième place en s’imposant face au Chili (2-1) malgré son expulsion, la deuxième de sa carrière pour un vif échange avec Gary Medel. Le numéro 10 refuse d’aller récupérer sa médaille de bronze. « Je ne veux pas participer à cette corruption, balance-t-il en zone mixte. Cette coupe a été truquée pour le Brésil. » Pour ces déclarations, l’ancien attaquant du Barça est suspendu trois mois par la CONMEBOL. En Argentine, la sortie de Messi contre la confédération est alors considérée comme une preuve de caractère inédite de la part d’un capitaine qui était jusqu’alors souvent vu comme trop lisse. S’élever contre les institutions le « maradonise » pour certains supporters. Cette « injustice » de 2019 sera d’ailleurs l’élément déclencheur de la bande de Scaloni, sacrée deux ans plus tard au Maracanã. Dans l’enceinte carioca, alors que ses coéquipiers, Rodrigo de Paul en tête, voulaient chanter en se moquant des Brésiliens battus en finale (1-0), Messi leur avait dit de s’arrêter pour respecter l’adversaire. Comme il le demande toujours.

Alors pourquoi avoir été si méchant cette fois-ci ? En Argentine, seul le quotidien conservateur La Nación a finalement osé la critique contre un Messi devenu intouchable au pays. « Il n’avait jamais été impoli ou irrespectueux, ces traits qui semblent si souvent en Argentine indispensables pour atteindre l’idolâtrie, écrivait le rédacteur en chef de la rubrique sport Cristian Grosso au lendemain du match contre les Pays-Bas. Messi a longtemps résisté, mais depuis quelques saisons, il a été intoxiqué. Le footballeur le plus extraordinaire peut aussi être un homme vulgaire. » Dénoncé sur les réseaux sociaux par des écrivains, des politiques et des journalistes locaux, l’édito a été perçu par beaucoup comme étant un texte « anti-patrie ». Toucher à ce Leo maradonien équivaudrait presque à trahir le pays. Surtout avant une demi-finale de Coupe du monde. Il faut soutenir, revendiquer le capitaine. Plus que jamais. Encore plus s’il est critiqué à l’étranger. Le « Qu’est-ce que tu regardes, idiot ? Va ailleurs, idiot ! » balancé par Messi à Weghorst est d’ailleurs en train de devenir une phrase culte en Argentine. Elle s’affiche déjà sur des calebasses de maté, des T-shirts ou des mugs qui font fureur sur les sites de commerce en ligne.

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