- 2010
- Afrique
- Egypte/Algérie
Algérie : Qui es-tu Rabah Saadane ?
Egypte-Algérie ? Même duel d'entraîneurs que pour Eire-France : Raymond contre le Trap. Au Caire, ce sera un duel de vieux renards du foot d'Afrique du Nord. Hassan Shehata (60 ans), coach emblématique des Pharaons contre Rabah Saadane (63 ans), coach des Fennecs. Bio expresse de Saadane, challenger du grand Shehata, bien parti pour offrir une troisième qualification à l'Algérie, après 1982 et 1986...
C’était dans la semaine, en Italie, où l’équipe d’Algérie effectuait un stage de quatre jours pour préparer la rencontre décisive de ce soir contre l’Egypte. Le sélectionneur Rabah Saadane, dit le “cheik” (à la fois l’Ancien, ou le Sage, le Maître) a rassemblé ses hommes et il a pris la parole dans un silence recueilli : « Dans l’histoire du football, de grands joueurs n’ont pas eu la chance de participer à ce grand rendez-vous, alors que vous, vous êtes à quatre-vingt-dix minutes d’aller jouer une Coupe du monde, c’est le match de votre vie, je n’ai donc même pas besoin de vous motiver » . Il a ensuite parlé de l’adversaire : « Nous sommes plus forts qu’eux et ils sont les premiers à le savoir. La qualification ne peut pas nous échapper à condition que vous jouiez sur votre véritable valeur ni plus ni moins. Ne faites pas de ce match un match spécial, jouez comme vous avez l’habitude de le faire, mais surtout restez concentrés durant les 90 minutes du match car c’est cela la clé de la qualification » . Le “Vieux” a enfin conclu avec des mots très forts : « A 63 ans, je risque de ne pas supporter une désillusion. Je suis à la fin de ma carrière et je souhaite quitter le football d’une façon honorable. Faites que je ne sorte pas par la petite porte et gagnez-moi ce match car vous en avez les moyens » . Voilà, tout est dit : jouer pour le peuple, se reposer sur les fondamentaux habituels qui ont permis à la sélection de briller jusqu’ici, respect de l’adversaire et rendre au coach la confiance accordée à tous. Une causerie simple et émouvante. Dans le plus pur style de Saadane, vieux serviteur du football algérien.
Rabah Saadane est en poste depuis octobre 2007. Il avait remplacé Jean-Michel Cavalli, limogé après les éliminatoires de la CAN 2008. C’était la 5ème fois que Saadane revenait au secours de la sélection. Il était déjà du staff technique lors de la Coupe du monde 1982 en Espagne et de l’exploit historique contre la RFA (2-1) avec les Belloumi, Dahleb, Madjer. Quatre années plus tard, il est seul aux commandes pour une deuxième participation en Coupe du monde au Mexique 1986. Il reviendra en 1999, en 2003-2004 et enfin donc en 2007. Durant la longue traversée du désert du foot national, Saadane entraînera le Wydad de Casablanca, l’Etoile du Sahel et le Yemen. Rabah Saadane, ou l’éternel recours du foot algérien, quand plus rien ne va… En 2003, il est appelé en catastrophe auprès de la sélection algérienne à la dérive qu’il qualifie à la CAN 2004 où elle atteint les quarts de finale en battant l’Egypte (2-1). Tiens, tiens…
Mais l’homme est exigeant : des sempiternels problèmes d’intendance lui font claquer la porte à nouveau. Car Rabah Saadane n’est pas n’importe qui, ne supporte pas l’amateurisme et l’incurie de la Fédé algérienne. Ancien défenseur international réputé, avec une carrière dans les clubs algériens (Batna, Constantine, Blida et un passage… à Rennes !), il est un authentique technicien, diplômé du Centre national des Sports d’Alger. A ce titre, il fait partie de la génération des entraîneurs formés durant la période du « socialisme triomphant » des années 70. En 2007, il est quasiment « réquisitionné » par les Hautes autorités du pays pour les éliminatoires du mondial 2010. Il faut dire qu’à la tête de l’ES Sétif Saâdane a remporté la Ligue des Champions arabes en 2007. Le vieux Rabah accepte la sélection mais il prévient : « Je ne suis pas un magicien ! »
Pas besoin de magie. Rabah Saadane renouera tout simplement avec l’essence du football algérien, autrefois oubliée : technique, vitesse, jeu court et sens du collectif. Le dribble n’est pas interdit… même si parfois on déplore un petit côté “perso”, de la part des attaquants notamment. Mais l’essentiel est là : un jeu souvent chatoyant qui repose quand même sur une discipline tactique et un impact physique souvent appris en Europe. C’est l’autre réussite de Saadane : il a su amalgamer les joueurs locaux comme Lemmouchia ou Laïfaoui (ES Sétif), avec le gros contingent d’expatriés européens comme Matmour (Mönchengladbach), Bougherra (Glasgow Rangers), Antar Yahia (Bochum), Belhadj (Porstmouth), Ziani (Wolfsburg), Ghezzal (Sienne). Sans oublier le buteur ex-Lorientais Rafik Saïfi (Al Khor, Qatar).
Rabah Saadane est un homme simple, proche et abordable lorsqu’il se déplace n’importe où au pays. Sa casquette de vieux retraité rentré au bled en fait une figure très populaire. Une casquette populo qu’il troque pour une autre, plus “sportive”, lors des rassemblements de la sélection nationale. Son franc parler régale l’Algérie du Foot, surtout ses déclarations au vitriol qui allument la Fédé algérienne. Parlant carrément de « la mauvaise gestion de la sélection nationale algérienne » , il a même menacé de se démettre… Plus généralement, c’est l’attachement aux valeurs d’humilité et de respect qui lui valent une immense estime en Algérie. Il a ainsi exhorté avec force joueurs et journalistes à respecter le “petit” Rwanda, avant le match de Blida des éliminatoires de ce Groupe C, finalement remporté 3-1. Cheik Saadane a aussi marqué les esprits avant un match capital contre le Sénégal, en pré éliminatoires du Mondial 2010. En octobre 2008, il s’était solennellement adressé à ses compatriotes, exigeant d’eux respect absolu pour la sélection sénégalaise : « Je tiens particulièrement à ce respect. Les Sénégalais nous ont très bien reçus à l’aller. Nous avons, en plus, d’excellentes relations avec ce pays. Il faut que ses joueurs soient reçus en amis et en frères. J’insiste surtout pour le respect de leur hymne national. C’est tout de même malheureux de siffler l’hymne de l’adversaire. Je trouve cela scandaleux » . Classieux, Cheik Rabah…
Par