S’abonner au mag
  • France
  • Foot amateur

À Bellenaves, les recrues viennent de loin

Par Maeva Alliche et Florian Lefèvre, à Bellenaves
8 minutes
Partager
1.4k
À Bellenaves, les recrues viennent de loin

À Bellenaves, les caméras se pressent depuis une quinzaine de jours pour filmer ces joueurs pas toujours adroits devant le but, mais qu’importe. Ils viennent d’Afghanistan, du Soudan ou d’Érythrée, fuient des persécutions dans leur pays et résident depuis quelques mois dans ce village de l’Allier, où ils ont permis de reformer l’équipe B du club de foot local. Reportage.

Bellenaves : son château fort, son millier d’habitants et son église romane installée devant la place de la Poste ; à mi-chemin entre Vichy et Montluçon, au nord de Clermont-Ferrand. S’il l’on devait planter une punaise au milieu de l’Hexagone, alors on aurait des chances que la carte indique ce village de l’Allier, tout ce que la France rurale a de plus typique. À une exception près : depuis le mois de février, la commune accueille de nouveaux résidents venus de loin. Ils sont afghans, soudanais, érythréens, syriens. En tout, il y a une famille, avec trois enfants, et une vingtaine de jeunes hommes demandeurs d’asile, débarqués dans le Bourbonnais entre les mois de février et juin dernier. C’était une volonté du maire communiste de la ville, Dominique Bidet. « Bellenaves a toujours été une terre d’accueil. Il y a un monde associatif, ce côté humaniste » , note le maire.

Les talibans, la rue et Calais

Minza, vingt-huit ans, le sourire aux lèvres et des yeux noisette, fait partie de ces nouveaux habitants. Il vient d’Afghanistan. Pour se faire narrer son histoire, il faut franchir une première, puis une deuxième porte d’un petit gîte de la rue des Forges, avant de grimper les escaliers de l’arrière-cour. En haut : des chambres et un coin cuisine qui sert de lieu de vie à ceux qui n’ont pas encore le statut de réfugié. Une petite fiche bristol est accrochée au mur avec le planning des cours de français.

C’était trop dangereux d’emmener ma femme avec moi.

Au départ de son périple, Minza avait d’abord coché l’Angleterre sur son planisphère. « Je suis parti de chez moi à cause des talibans » , confie-t-il. L’homme est originaire de la province de Baghlân, où il gagnait sa vie en tant agriculteur. Là-bas, il a laissé sa femme. « C’était trop dangereux de l’emmener avec moi » , poursuit Minza. Avec des vêtements pour seul bagage, son périple l’embarque vers le Pakistan, l’Iran, la Turquie et l’Europe via la Grèce. Où il verra des enfants laisser la vie. 2 500 euros, c’était le prix des économies de longues années de labeur à payer pour finalement se retrouver à « dormir dans la rue à Paris » , avant de rejoindre Calais, pour tenter plusieurs fois, en vain, de franchir la Manche caché dans un camion. L’homme en garde le souvenir du « gaz » – le lacrymogène – utilisé par les forces de l’ordre. Depuis désormais sept mois, il vit à Bellenaves.

Au départ, forcément, l’arrivée de ces nouveaux habitants pose question dans le village. « Il y avait des appréhensions. Peur de quoi ? Des vols… » , souffle un commerçant qui préfère garder l’anonymat. On entend alors qu’ « ils » vont « nous piquer notre travail » et même la crainte « d’un mini Calais » . Une réunion est organisée, en présence d’une centaine de personnes. « Ça a été chaud » , se rappelle Colette, la gérante du Petit Casino.

Je les ai amenés sur le terrain de hand. Ils préféraient jouer au pied. J’ai dit : « Bon, d’accord, on va aller au foot. »

Le maire explique qu’en raison de leur statut, les demandeurs d’asile n’ont pas le droit de travailler. « Très vite s’est donc posée la question de comment allaient-ils s’occuper dans le village » , reprend Dominique Bidet. Une association est alors créée, des bénévoles donnent des cours de cuisine française, en contrepartie les demandeurs d’asile leur apprennent quelques recettes de leurs pays. À ceux qui enseignent le français, les Soudanais apprennent l’arabe en retour. « Les villageois leur ont prêté des vélos » , complète Cyril, travailleur social. « Moi, je les ai amenés sur le terrain de hand, pose Salvatore, le mari de Colette, qui prend plaisir à recevoir ces nouveaux clients dans son magasin. Ils préféraient jouer au pied. J’ai dit :« Bon, d’accord, on va aller au foot. » »

Le foot comme vecteur d’intégration

Minza et les autres veulent rejoindre le club de foot autant pour taper le ballon que pour s’intégrer un peu plus dans la vie locale. Le CADA (Centre d’accueil des demandeurs d’asile) contacte une première fois Dominique Ferrandon, le président de l’AS Bellenaves, en février. N’ayant pas de papiers à fournir pour l’établissement des licences, le club n’accueille ses nouveaux joueurs que fin septembre. Ce mercato imprévu tombe plutôt bien. Le club dispose alors de vingt-sept joueurs, trop pour une équipe, mais pas assez pour deux. L’arrivée de Minza et des onze autres demandeurs d’asile permet de former une équipe B. Ce qui n’était plus arrivé depuis sept ans. Malgré toutes les bonnes volontés, les caisses du club en prennent un coup. « Je ne dirai pas qu’on est à la rue, mais c’est difficile » , reconnaît Dominique Ferrandon, qui vient de lancer une campagne de financement participatif.

Ce mardi soir d’octobre, il fait frisquet au bord du terrain synthétique du village. Les frappes ont plutôt tendance à fuir le cadre, même si certains joueurs se distinguent par leur technique.

Il y en a même un, un Afghan, qui a été en équipe nationale junior dans son pays.

« Il y en a même un, un Afghan, qui a été en équipe nationale junior dans son pays » , lâche le président du club. Mozamil, lui, reconnaît qu’il ne s’intéressait pas trop au foot dans son pays. Avec son collier aux couleurs de l’Afghanistan autour du cou, le jeune homme de dix-huit ans avoue être plus branché cricket. À la réception de ses passes pas toujours très sûres, Minza claque des contrôles impeccables. Ce fan de Ronaldo, « le Portugais » , rembobine les fois où il jouait avec ses copains, le soir, en rentrant du travail, ou quand il regardait des matchs français, portugais, allemands et espagnols à la télé.

L’arrivée des recrues est bien vue par l’ensemble du club. Les anciens prennent en main les nouveaux venus.

On voit la différence. Avant il y avait vingt personnes sur le terrain, maintenant il y en une soixantaine.

« On est tous un peu entraîneurs » , avoue Jean-Claude, qui a fait toutes ses classes au club ; « on leur donne des conseils pour les étirements par exemple. » Engagé au plus bas de l’échelle départementale, l’équipe B de Bellenaves a commencé par une défaite avant d’enchaîner par une victoire devant son public. « On voit la différence. Avant, il y avait vingt personnes sur le terrain, maintenant il y en une soixantaine » , assure Colette. Et même les caméras se pressent au bord du terrain.

« Vous, les Français, vous êtes toujours pressés ! »

France Bleu, La Montagne, Libé, L’Huma, TF1, BFM… tout le monde s’est arraché ce petit village paisible d’Auvergne. « Il n’y a jamais eu un journaliste à Bellenaves depuis dix ans, et là, vous êtes le dixième média » , lâche Cyril, le travailleur social. « C’était vraiment la séance de cinéma, il fallait se placer comme ci, marcher comme ça. On n’est pas habitués à ce genre de choses, on n’est pas des acteurs » , complète le président de l’AS Bellenaves.

On leur a donné rendez-vous à 9h. Ils arrivent à 9h45. Nous, on tire un peu la tronche. Eux nous répondent : « Vous, les Français, vous êtes toujours pressés ! »

Cyril a peur que cette médiatisation ait des effets pervers. Il craint une éventuelle jalousie de certains habitants, du genre « il suffit qu’il y ait des réfugiés chez nous pour qu’on parle de nous » . Dans le village, la solidarité a pris le pas sur le reste malgré le choc culturel. « Ils sont tous musulmans pratiquants, il doivent prendre le bus pour acheter de la viande halal » , explique Cyril. Quand ce n’est pas en bus, c’est en vélo que les nouveaux Bellenavois avalent les 80 kilomètres aller-retour qui séparent le village de Vichy. Des habitants se proposent de les emmener faire des courses. Là encore, les différences culturelles se font sentir. « On leur a donné rendez-vous à 9h. Ils arrivent à 9h45, se marre une habitante. Nous, on tire un peu la tronche. Eux nous répondent :« Vous, les Français, vous êtes toujours pressés ! » »

Des semaines ? Des mois ? Minza et les autres ne savent pas combien de temps ils vont rester à Bellenaves. Tous espèrent obtenir le statut de réfugié, pour pouvoir travailler et démarrer une nouvelle vie. « Ils sont comme dans une immense et longue salle d’attente » , explique Cyril, le travailleur social. « Mais prenez le couple de Syriens, ils étaient architecte et professeur d’université, il n’y a quasiment aucune chance qu’ils retrouvent le même statut social en France. » En attendant, tout le monde dans le village, y compris les voix réticentes à l’arrivée des demandeurs d’asile s’accordent à dire que tout se passe bien. Au Petit Casino, Colette sollicite une cliente : « Fanny, tu n’as pas un mot à dire sur les réfugiés ? » Réponse : « C’est très bien, mais ça ne change rien à ma vie. »

Dans cet article :
Le Barça et le Real reculent sur l’interdiction du port de maillots adverses
Dans cet article :

Par Maeva Alliche et Florian Lefèvre, à Bellenaves

À lire aussi
Logo de l'équipe 07 Vestur
Foto Massimo Paolone/LaPresse
Foto Massimo Paolone/LaPresse 22 agosto 2021 Bologna, Italia sport calcio Bologna vs Salernitana - Campionato di calcio Serie A TIM 2021/2022 - stadio Renato Dall'Ara Nella foto: Lorenzo De Silvestri (Bologna F.C.) esulta con Marko Arnautovic (Bologna F.C.) dopo aver realizzato il gol 3-2 Photo Massimo Paolone/LaPresse August 22, 2021 Bologna, Italy sport soccer Bologna vs Salernitana - Italian Football Championship League A TIM 2021/2022 - Renato Dall'Ara stadium In the pic: Lorenzo De Silvestri (Bologna F.C.) celebrates with Marko Arnautovic (Bologna F.C.) after scoring goal 3-2 Photo by Icon Sport - Stadio Renato Dall'Ara - Bologne (Italie)
  • Paris sportifs
Pronostic Bologne Spezia : Analyse, cotes et prono du match de Serie A

Pronostic Bologne Spezia : Analyse, cotes et prono du match de Serie A

Pronostic Bologne Spezia : Analyse, cotes et prono du match de Serie A
Articles en tendances
03
Revivez Salzbourg-PSG (0-3)
  • C1
  • J6
  • Salzbourg-PSG
Revivez Salzbourg-PSG (0-3)

Revivez Salzbourg-PSG (0-3)

Revivez Salzbourg-PSG (0-3)
02
Revivez Sainté-OM (0-2)
  • Ligue 1
  • J14
  • Saint-Étienne-Marseille
Revivez Sainté-OM (0-2)

Revivez Sainté-OM (0-2)

Revivez Sainté-OM (0-2)
10
Revivez Brest-PSV (1-0)
  • C1
  • J6
  • Brest-PSV
Revivez Brest-PSV (1-0)

Revivez Brest-PSV (1-0)

Revivez Brest-PSV (1-0)
00
Revivez Auxerre - PSG (0-0)
  • Ligue 1
  • J14
  • Auxerre-PSG
Revivez Auxerre - PSG (0-0)

Revivez Auxerre - PSG (0-0)

Revivez Auxerre - PSG (0-0)

Votre avis sur cet article

Les avis de nos lecteurs:

Nos partenaires

  • Vietnam: le label d'H-BURNS, Phararon de Winter, 51 Black Super, Kakkmaddafakka...
  • #Trashtalk: les vrais coulisses de la NBA.
  • Maillots, équipement, lifestyle - Degaine.
  • Magazine trimestriel de Mode, Culture et Société pour les vrais parents sur les vrais enfants.
  • Pronostic Foot 100% Gratuits ! + de 100 Matchs analysés / semaine

07 Vestur

Logo de l'équipe 07 Vestur
Partido de LaLiga Santander disputado entre Real Madrid y Barcelona. En la imagen, Karim Benzema celebra el primer tanto con Fede Valverde. LaLiga Santander match played between Real Madrid and Barcelona. In this picture, Karim Benzema celebrates the first goal with Fede Valverde.
Partido de LaLiga Santander disputado entre Real Madrid y Barcelona. En la imagen, Karim Benzema celebra el primer tanto con Fede Valverde. LaLiga Santander match played between Real Madrid and Barcelona. In this picture, Karim Benzema celebrates the first goal with Fede Valverde. Photo by Icon Sport
Le Barça et le Real reculent sur l’interdiction du port de maillots adverses

Le Barça et le Real reculent sur l’interdiction du port de maillots adverses

Le Barça et le Real reculent sur l’interdiction du port de maillots adverses
Logo de l'équipe 07 Vestur
Foto Massimo Paolone/LaPresse
Foto Massimo Paolone/LaPresse 22 agosto 2021 Bologna, Italia sport calcio Bologna vs Salernitana - Campionato di calcio Serie A TIM 2021/2022 - stadio Renato Dall'Ara Nella foto: Lorenzo De Silvestri (Bologna F.C.) esulta con Marko Arnautovic (Bologna F.C.) dopo aver realizzato il gol 3-2 Photo Massimo Paolone/LaPresse August 22, 2021 Bologna, Italy sport soccer Bologna vs Salernitana - Italian Football Championship League A TIM 2021/2022 - Renato Dall'Ara stadium In the pic: Lorenzo De Silvestri (Bologna F.C.) celebrates with Marko Arnautovic (Bologna F.C.) after scoring goal 3-2 Photo by Icon Sport - Stadio Renato Dall'Ara - Bologne (Italie)
Pronostic Bologne Spezia : Analyse, cotes et prono du match de Serie A

Pronostic Bologne Spezia : Analyse, cotes et prono du match de Serie A

Pronostic Bologne Spezia : Analyse, cotes et prono du match de Serie A

France