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À Barcelone, l’acte 3 de la présidence Laporta a débuté
Ce dimanche, Joan Laporta a été élu président du FC Barcelone. Une victoire haut la main pour celui qui effectue son retour à la tête de son club de toujours. Présent au sommet de l’institution entre 2003 et 2010, le dirigeant catalan est aujourd’hui attendu comme un sauveur par une partie des socios, nostalgiques de leurs plus belles années.
C’est une éclaircie qui se dessine, au beau milieu de la tempête Barça. Le dimanche 7 mars, le verdict tombe : Joan Laporta est élu président du FC Barcelone, un succès obtenu avec 54,28% des voix. Opposé à Victor Font et Toni Freixa, l’ancien président a su regagner son trône par le biais d’un programme ambitieux, que seul lui semble pouvoir réaliser. Profitant des débris laissés par Josep Maria Bartomeu, Laporta et son expérience arrivent pour tout reconstruire. La recette a déjà fonctionné une fois, alors : pourquoi pas deux ?
Le parcours du « Kennedy barcelonais »
Retour en arrière. Joan Laporta arrive pour la première fois au pouvoir à l’été 2003. Dans la continuité des bilans mitigés de Joan Gaspart et Enric Reyna, le nouveau venu a pour but de succéder à l’historique Josep Lluís Núñez, président durant 22 ans. Fils de pédiatre, le quinquagénaire se décrit comme un « Culé de naissance ». Pourtant, ce n’est ni dans la médecine ni dans le football qu’il se lance, mais dans le droit. Devenu avocat et fervent indépendantiste, Laporta commence une carrière politique en 1996. Il participe à la formation du Parti pour l’indépendance. Une initiative louable, qui ne dure que quelques mois avant de disparaître. Aidé par son richissime beau-père, Juan Echevarría Puig, président de Nissan Motor Ibérica, le néophyte finance par la suite son projet d’élection au Barça. Dans cette course au succès, c’est finalement un léger détail qui fera la différence : un certain Johan Cruyff. Depuis une dizaine d’années, Joan Laporta n’est autre que l’avocat de la légende néerlandaise. Propulsé en haut de l’affiche, il est élu.
Les premiers succès avec Rijkaard, et les casseroles
Au moment où il débarque, le Barça n’est clairement pas dans la meilleure période sportive de son histoire. Pour cause, les Catalans n’ont plus rien gagné depuis 1999. Quatre années de disette totale : une éternité pour un tel club. Alors, dès l’été 2003, Laporta agit. Frank Rijkaard est installé au poste d’entraîneur, la jeune garde locale emmenée par Víctor Valdés, Andrés Iniesta, Oleguer et Lionel Messi impressionne, tandis que Ronaldinho, Deco ou encore Samuel Eto’o viennent renforcer l’équipe. Et après une première saison de rodage, terminée à la deuxième place, la machine Barça se remet en route. Les Blaugrana remportent le championnat en 2005 et 2006 et, surtout, soulèvent leur deuxième Ligue des champions, quatorze ans après.
C’est donc fort de ce triomphe que Joan Laporta est naturellement réélu en 2006. Sa personnalité autoritaire fait pourtant débat : « Il a incarné un personnalisme poussé à l’extrême », déclare Roger Vinton, auteur catalan, au journal Le Monde. De même, sa gestion collective est mal perçue. « En fait, j’ai commencé à penser à la succession de Rijkaard très tôt. J’étais partisan de faire une purge du vestiaire et démarrer un nouveau cycle », avait-il raconté dans un entretien à So Foot paru en 2011. De nouveau aidé par Cruyff, il installe Pep Guardiola sur le banc en 2008, et en fait l’emblème ultime de l’identité catalane. S’ensuivront trois saisons de règne absolu, où le Barça rafle tout sur son passage. Mais Laporta, lui, est contraint d’abandonner sa place en 2010, ne pouvant briguer un troisième mandat de suite.
Il va néanmoins laisser derrière lui une flopée de casseroles. Tout d’abord, cet étrange contrat signé avec le club de Bunyodkor en Ouzbékistan. En 2009, le Barça reçoit en effet un contrat de 5 millions d’euros, en provenance d’une compagnie pétrolière ouzbèke. Une somme conséquente, dissimulée auprès du conseil d’administration du club. Pour se justifier, le président rétorque : « Au début, le Barça devait encaisser 5 millions d’euros pour participer à deux événements ponctuels. Le contrat était spécial et ne prévoyait aucun type de partenariat avec Bunyodkor. Finalement, nous avons empoché 3 millions dans cette opération. » À la suite du départ de Laporta, Sandro Rosell dénonce un « partenariat illégal » et une « dissimulation de fonds ». L’affaire sera classée sans suite. Le dirigeant est également accusé d’avoir versé plus de 600 000 euros à la Fédération catalane de football ou encore de revendre des billets hors de prix à des tiers, le tout en se servant directement dans les caisses du club. Des dépenses personnelles effectuées au sein de la célèbre boîte de nuit Luz de Gas et toujours facturées au nom du FC Barcelone sont également citées.
Un menu fait maison
Pourtant, onze ans plus tard, revoilà Laporta, qui débarque comme un sauveur au chevet du Barça. Et ses recettes sont simples : rassembler des éléments qui l’ont déjà fait briller par le passé. Comme un symbole, Jordi Cruyff, fils de, est pressenti pour devenir directeur sportif, annonce Mundo Deportivo. Laporta arrive donc avec un programme entièrement axé sur le Més que un club. Le premier objectif concerne Lionel Messi : « La prolongation de Messi est notre priorité. Je suis d’ailleurs confiant. Il est venu voter, donc c’est le signe qu’il tient encore au club », a-t-il déclaré lors de son investiture. Un deuxième objectif, perdu au fil des années, vise La Masia : « Le marché des transferts a évolué, il faut arrêter de se faire piéger à ce niveau. Le centre de formation a été trop délaissé ces dernières années, nous devons le développer. Gagner des millions pour les dépenser juste après est inutile. La Masia doit être une base. »
Le beau jeu est une ritournelle inlassable, car « l’important ce n’est pas seulement de gagner, c’est comment nous gagnons ». À la prolongation de Messi vient donc s’ajouter la question de l’entraîneur. Ronald Koeman semble pour l’instant tenir la route aux yeux du président, mais un changement n’est pas à exclure : « Ronald fait un excellent travail. Désormais, il faut juste essayer de faire jouer l’équipe comme on aime le voir et remporter des matchs. » Le sujet Xavi n’a jamais été explicité, du moins pour le moment. Pour diriger le tout, un nouvel organigramme se dessine. Afin de soutenir Jordi Cruyff dans sa tâche, Mateu Alemany arrive en qualité de directeur général du club. Auteur d’un travail remarquable à Valence, l’homme de 58 ans dirigera les intérêts de l’équipe première et fera le pont avec La Masia, considérée par le président comme « l’épine dorsale des valeurs du club ». Formation, stabilité, beau jeu et Messi, des ingrédients qui nous ramènent clairement dix ans en arrière. Est-ce véritablement un bon signe ?
Un programme sur fond de Superligue
Contrairement à 2003, où le Barça semblait repartir de zéro, cette année 2021 comprend son lot de morceaux à recoller. Face à un joueur disposant d’un contrat à 500 millions d’euros et à un club affrontant une dette d’environ un milliard, le décalage semble total. Sûr de lui, Joan Laporta ne souhaite « aucunement baisser les salaires, ni faire du Barça une société anonyme ». En décembre, il déclare à La Vanguardia : « Nous sommes très préoccupés par les créances. Mais nous devons également tenir compte de ce que les tiers nous doivent. En tout cas, nous sommes optimistes, car j’ai déjà vécu cela en 2003. Ces chiffres sont récupérables. »
Un stratagème qui cache en réalité un pragmatisme inscrit dans l’air du temps. Des « solutions commerciales peuvent être utilisées dans une bien plus grande mesure. Il existe une option telle que la Superligue européenne, qui peut rapporter beaucoup de revenus au club », poursuit-il. À des années-lumière du romantisme évoqué, les conjonctures économiques ne sont jamais très loin de ce nouveau programme.
Par Adel Bentaha
Propos de Joan Laporta tirés de SoFoot n°90/4 octobre 2011, Mundo Deportivo, La Vanguardia et de ses différents discours de campagne.