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Spasic, Double Zéro

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Spasic, Double Zéro

Vous avez lu l'histoire de Woodgate, comment il s'est planté au Real ? Comment il s'est tiré ? Ça vous a plus hein, vous en demandez encore. Eh bien, écoutez l'histoire de Predrag Spasic alias l'Agent Spasic.

« Défendre dans ce club est compliqué » . Mieux que quiconque Predrag Spasic sait la difficulté d’être défenseur au Real Madrid. Lorsque la presse ibérique retrouve l’animal, il mène une existence paisible à une centaine de kilomètres de Belgrade. Loin de Madrid et du Bernabeu où sa carrière a été ensevelie. De mémoire de supporter merengue, il reste comme l’une des pires recrues que le Real ait connues. Un monstre enfanté le 19 janvier 1991, un soir de Clasico. LE match à ne pas foirer. Pourtant tout bascule à la soixante-deuxième minute. Alors que le score est d’un partout, un centre barcelonais dévié cogne la tête de Spasic, s’ensuit une perte de sang-froid et un fourrage de cuir au fond de ses propres filets. Contre-son-camp couperet dans un Camp Nou qui ne pouvait rêver mieux. 2-1, score final. « Tout a changé dans ma vie après ce fameux Barça-Madrid. C’était terrible pour moi. Je ne voulais pas la mettre au fond. Je le jure… » , s’excuse-t-il au journal AS, douze ans plus tard.

« Nous croyions qu’il était âgé à cause de sa calvitie avancée »

Pourtant le cas Spasic, c’est d’abord l’histoire d’une irrésistible ascension. Gamin de Kragujevac, il fait ses premières armes en D2 yougoslave dans le club de sa ville le FK Radnicki. Il gravit les échelons quatre à quatre. Il est d’abord chargé de consolider la défense du Partizan Belgrade, chipant au passage le brassard de capitaine, puis c’est au tour de la sélection de l’enrôler. Il est du voyage à la Coupe du monde transalpine et s’illustre surtout en huitième de finale face à l’Espagne. Presque à lui seul, il calme Julio Salinas et Emilio Butragueño. Pas une mince affaire. C’est un Di Stefano sous le charme qui souffle le nom du stoppeur aux esgourdes du président Ramon Mendoza. Cela tombe plutôt bien. A la recherche d’un défenseur, les recruteurs sèchent sévère après avoir essuyé des échecs avec l’Anglais Des Walker et le Roumain Popescu. Rétif dans un premier temps, Ramon Mendoza se laisse convaincre, scribouille un chèque de 200 millions de pesetas et va jusqu’à promettre, en contrepartie, deux matchs amicaux face au Partizan. Oui, acquérir Predrag exige cela. Pourtant l’affaire a bien failli capoter à cause d’une sombre histoire de tifs; « Pour l’anecdote, je dois dire qu’au début, nous l’avions écarté de nos choix car nous croyions qu’il était âgé en raison de sa calvitie avancée. Mais quand nous avons su son âge, nous l’avons choisi » , explique-t-il à la presse le jour de la présentation du nouveau poulain. De son côté, Spasic, 25 chandelles, n’en revient pas d’avoir un rond de serviette à la Maison Blanche : « Le Real Madrid est le meilleur club d’Europe et le rêve de tout professionnel. C’est un honneur pour moi d’être le premier joueur du Partizan à signer ici. J’avais un an lorsque le club a gagné sa sixième coupe d’Europe, contre le Partizan justement » . Il débarque donc à Madrid, entre incrédulité et scepticisme, avec son mètre quatre-vingt dix et un drôle de style vestimentaire façon KGB qui lui vaut l’indélébile surnom d’agent Spasic, accolé par le journal Marca.

« Le Camp Nou a été ma tombe »

Les choses s’enveniment vite. En tant que bras droit de Sanchis, il ne réussit pas à hausser son niveau. Dès les premiers matchs, il présente toutes les caractéristiques de l’erreur de casting. Le maillot est trop large, la pression trop forte : « Je ne peux le nier, les critiques m’ont beaucoup affecté » . Il ne ressemble en rien au solide défenseur entraperçu en Italie. Le Real doit se rendre à l’évidence : du feu de paille de la Coupe du monde ne reste chez Spasic que d’insuffisantes flammèches. Bien que soutenu par le vestiaire, il devient alors la cible des supporters, la tête de Turc dont il est de bon ton de se foutre : « Je dois reconnaître que ça ne s’est pas bien passé » . C’est que l’agent Spasic n’arrange pas son cas et deviendra vite agent double zéro en scorant contre son camp face aux Blaugranas, battant en brèche les propos élogieux du président durant la période estivale : « Il dispose d’un bon jeu aérien et d’un sens de l’anticipation » . L’autogoal s’avère extrêmement destructeur : « A ce moment-là, j’ai cru mourir. Le Camp Nou a été ma tombe comme joueur du Real. Jamais je n’oublierai le Camp Nou qui criait en chœur des ‘Spasic, Spasic, Spasic !’ » . En effet, pour remercier le défenseur yougoslave de ce sabordage inespéré, les supporters catalans passeront le reste de la rencontre à scander son nom. Après ce but seppuku, le pestiféré trouve logiquement sa place sur le banc madrilène. Ironie de l’histoire, c’est un soir de Clasico que Spasic quittera la capitale avec vingt-cinq matchs dans le porte-serviette. Il sera ovationné par le public du Bernabeu, trop content de s’en débarrasser. L’Osasuna Pampelune l’accueille trois saisons durant puis ce sera une fin en pente douce à l’UD Marbella : « L’endroit idéal pour vivre » . Spasic est mort au Camp Nou pour renaître sous le néon sordide d’une discothèque bas de gamme sur le front de mer.

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