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Raúl de Tomás, l’envol de la perruche

Par Aurélien Bayard
6 minutes
Raúl de Tomás, l’envol de la perruche

Les malheurs des uns font le bonheur des autres. La nouvelle blessure d’Ansu Fati a permis à Raúl de Tomás de s’inviter au rassemblement de la Roja. Le goleador de l’Espanyol Barcelone, actuellement sur la troisième marche du podium des meilleurs buteurs de Liga avec 7 réalisations, décroche enfin le Graal après quelques accidents de parcours. À 27 ans, « RDT » n’avait, de toute façon, pas l’intention d’abandonner son rêve.

Début octobre, Carlo Ancelotti était plus focalisé sur sa défaite face à l’Espanyol, la deuxième consécutive après celle contre le Sheriff Tiraspol du terrible Sébastien Thill, que sur le nom de ses bourreaux sur le tableau d’affichage du RCDE Stadium. Pourtant, le tacticien italien aurait bien reconnu le nom d’un joueur qu’il avait lui-même lancé dans le grand bain sept ans auparavant, avec le Real lors d’un match de Coupe du Roi contre Cornellà. L’ancien coach de l’AC Milan avait plusieurs raisons pour ne pas reconnaître Raúl de Tomás. Tout d’abord, il faisait partie de ces jeunes que les entraîneurs envoient sur le champ de bataille lorsque celle-ci est déjà gagnée (4-1 pour le Real à la 75e minute, alors que Raúl rentre une poignée de seconde plus tard). Ensuite, l’actuel buteur des Pericos ne plaquait pas autant en arrière ses cheveux d’un noir de jais, n’arborait pas son flocage particulier « RDT » dans le dos et n’était pas encore le joueur qu’il est devenu aujourd’hui.

Fabriqué par la Fábrica

Les Merengues n’ont pas été poignardés par un joueur de passage, mais par une véritable pupille de la Maison-Blanche. Élevé à Algete, dans le nord-est de la capitale espagnole, Raúl de Tomás s’imagine vite suivre les pas de son père, attaquant de deuxième division dans les années 1980, sous le regard aimant de sa mère d’origine dominicaine. Le gamin est talentueux et attire l’œil d’un Míchel pas encore affublé du titre de pire entraîneur de l’OM de tous les temps. L’ancien maître à jouer de la « Quinta del Buitre » le ramène à la Fábrica en 2004 après l’avoir vu jouer contre des clubs locaux. Rapidement étiqueté comme joueur le plus talentueux de sa génération, RDT semble arrogant. Son langage corporel balle au pied l’indique clairement : port altier, sourcils toujours froncés et léger rictus seulement lorsqu’il réussit les gestes qu’il entreprend. Une façade pour mieux cacher sa timidité ainsi que sa vulnérabilité. « C’est de la distance, de la méfiance… Mais quand je rencontre quelqu’un, je m’ouvre beaucoup, rassure-t-il. Je suis très humble, ma famille l’a toujours été. Depuis que nous sommes petits, mon père nous a inculqué que pour avoir certaines choses, il faut se battre et travailler. »

Un Stakhanov du travail qui lui vaut rapidement le surnom de « mini Cristiano Ronaldo » lorsque celui-ci débarque à Madrid à l’été 2009. D’ailleurs, à l’instar du natif de Funchal, De Tomás devient une machine à marquer au fur et à mesure de ses prêts : 6 à Cordoue, 14 à Valladolid, puis 24 au Rayo Vallecano, tous en Segunda Division. Au sortir de cette dernière escapade chez les Franjirrojos, Julen Lopetegui lui propose le défi de se faire une place au soleil derrière Karim Benzema et CR7, offre qu’il s’empresse de refuser. « Je sentais que je n’allais pas disputer beaucoup de matchs. Ma présaison était mauvaise, et j’ai besoin d’enchaîner les rencontres pour me sentir bien. À Madrid, j’ai senti que ce n’était ni le lieu ni le moment », avoue-t-il à As. Conscient qu’il n’y aura qu’un seul Raúl au Real, il retourne dans la banlieue de Vallecas pour enquiller 14 nouveaux pions en Liga – qui n’empêcheront pas le Rayo d’être relégué – et s’offrir le droit d’avoir une deuxième chance dans un club huppé : Benfica.

Flop chez les Aigles, top chez les Perruches

Débauché pour la somme faramineuse de 20 millions d’euros lors du mercato estival 2019, Raúl de Tomás ne sera rentable que grâce à sa vente. En 6 mois chez les Águias, il enchaîne plus facilement les blessures que les buts (seulement 3 en 17 matchs), le propulsant sur la liste des indésirables. L’Espanyol Barcelone toque alors à la porte et récupère le flop pour le même montant utilisé pour le faire traverser la frontière hispano-lusitanienne. Les Pericos se sont lancés dans une – vaine – opération maintien en Liga et le natif de Madrid ne se dérobe pas. Si arriver au niveau de González Blanco était impossible, atteindre celui d’un autre Raúl lui semble possible. L’attaquant se présente donc comme le sauveur : « Il me suffit de faire comme Tamudo, car ce qu’il a accompli est très difficile. » Mais face à la médiocrité générale, il ne fait illusion que les quatre premiers matchs en marquant autant de fois, puis part faire un tour à l’étage inférieur avec ses autres coéquipiers.

À contre-cœur, il reste dans l’antichambre de l’élite espagnole, mais pour mieux exploser. Un peu plus de 300 jours plus tard, le rival du FC Barcelone retrouve la Liga, et surtout, De Tomás obtient le titre de Pichichi. Une première dans l’histoire des Perruches, que ce soit en première ou en deuxième division. Un rythme qu’il n’a pas perdu, car il est actuellement sur la troisième marche du podium des meilleurs buteurs de cette Liga millésime 2021-2022 avec sept réalisations, dont deux face aux cadors que sont l’Atlético et le Real.

Chevaux, coach personnel et amitiés profondes

À l’instar des chevaux qu’il affectionne tout particulièrement – « c’est ma passion depuis tout petit, ils m’apaisent » -, heureux propriétaire d’un dénommé Lord Sunshine, RDT court maintenant au galop pour rattraper le temps perdu. Même s’il n’a aucun regret sur le déroulement de sa carrière : « Si je n’étais pas allé à Benfica, je ne serais pas à l’Espanyol aujourd’hui. Les choses arrivent parce qu’elles doivent arriver. Pour être heureux maintenant, quelque chose de mauvais devait arriver là-bas. » Il doit son niveau de performance à deux amitiés. La première, son coach personnel Pablo. Depuis six ans, celui qui fait également office de nutritionniste aide à canaliser le buteur, lorsqu’il a des coups de mou ou quand il subit des moqueries sur les réseaux sociaux à cause de ses peintures durant l’arrêt du championnat espagnol.

« Je l’ai fait avec un tel enthousiasme que c’était déprimant de voir tout le monde se moquer de moi. Mais j’ai fini par rire de ces tweets, même si j’ai promis de ne plus toucher un pinceau de ma vie », confie-t-il avec humour. La seconde est évidemment le coach actuel de l’Espanyol Barcelone, Vicente Moreno. L’attaquant avoue n’avoir jamais eu une aussi bonne relation avec un entraîneur : « Je suis très reconnaissant pour la manière dont il a pris soin de moi dès la première minute parce que j’avais besoin de soutien, il est l’une des personnes qui m’ont le plus aidé. » La réciproque est également vraie, et l’ancien milieu défensif n’a pas hésité à lui rendre la pareille : « C’est un gars fantastique, totalement différent de l’apparence qu’il donne en public. » De Tomás va dorénavant à l’amble et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Maintenant qu’il a attiré l’attention de Luis Enrique, il n’a plus qu’un objectif en tête : devenir le buteur régulier de la sélection espagnole.

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Par Aurélien Bayard

Propos de Raúl de Tomás et Vicente Moreno tirés d'AS.

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