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On était à la Bombonera

Par Léo Ruiz, à Buenos Aires
6 minutes
On était à la Bombonera

Match de haut de tableau hier soir entre Boca Juniors et Newell's Old Boys, mais match très moyen (0-0). Bon, c'était quand même l'occasion de prendre des nouvelles de Gaby Heinze et de Lucas Bernardi, de voir à l'œuvre l'héritier de Riquelme et de prendre la température de la Bombonera. Le stade préféré de Robert Pires.

La Boca. Quartier pauvre et touristique à la fois, étendu autour de l’embouchure du fleuve Riachuelo. La journée, les étrangers défilent dans ses rues, achètent ses peintures et photographient ses danseurs de tango. La nuit, il est déconseillé de s’y aventurer. Les tours, le bidonville, les maisons colorées et d’autres abandonnées. Mais la Boca est aussi un quartier charmant. Vivant, contrasté, décoré. Populaire, comme le montre Coppola dans l’excellent Tetro. En son cœur, surgit un immense édifice jaune et bleu. La Bombonera. Ce stade mythique dont n’importe quel amateur de foot dans le monde connaît le nom. Et la réputation. « Je suis très respectueux, donc je ne vais pas aller au stade. Ce n’est pas le bon moment. C’est un super match, tout le monde aimerait y aller. De nuit, en plus, quand le stade de Boca est le plus beau du monde. Ça va être impressionnant, mais je vais devoir rester chez moi. » Riquelme, de retour dans les médias, est l’actualité de la semaine à Boca Juniors. L’idole du club est disposée à rechausser les crampons, et ça, c’est une sacrée bonne nouvelle pour les Xeneizes, en terrible manque de fonds de jeu. Cette semaine est d’ailleurs décisive pour Boca, qui enchaîne les deux leaders du championnat en quatre jours. La première étape, c’est donc Newell’s Old Boys. L’équipe hype du moment.

Miss Boca et pom-pom girls

À deux heures du coup d’envoi, c’est le grand calme aux alentours du stade. Les machines à empreintes digitales anti-IDS sont bien en place, mais vu l’absence de collaboration des dirigeants du club, elles ne servent pas à grand-chose. Il y a comme une forte odeur de viande grillée. Le stade est encerclé de parrillas (le barbecue local) ambulantes. Quinze pesos le hamburger, douze le choripan. L’autre option, c’est la « cantine communautaire » , dans un vieux garage aménagé, où des cours d’alphabétisation, de soutien scolaire, de tango ou encore d’échecs sont donnés en semaine. Chaque match à domicile accueille entre 40 000 et 50 000 supporters, une source de revenus conséquente pour la centaine de familles du quartier qui fout son barbec’ devant la maison, à deux pas du stade. Sur les tracts distribués dans et en dehors de la Bonbonnière, une info importante. Les dernières entrées pour le repas-show de l’élection de Miss Boca sont à saisir.

Román disait juste : de nuit, la Bombonera est un spectacle. Cette tribune jaune et bleu à trois étages aux airs d’amphithéâtre géant, qui fait face à cet édifice blanc tout bizarre, la tribune présidentielle, qui, avec ses grandes antennes, ressemble plus à un vieux poste de radio qu’à autre chose. Tout en haut, les 4500 fans de Newell’s, venus de Rosario, apportent leur touche rouge et noir. Le stade commence à se garnir de spectateurs locaux, de drapeaux et de tambours. Les danseuses en string CABJ préparent la haie d’honneur pour le onze de Boca, qui déboule sur la pelouse dans un beau vacarme. Pour ce match qui pourrait relancer son équipe dans la course au titre, Falcioni mise sur la jeunesse, avec Paredes, Erbes et Fernandez, 20 ans de moyenne à eux trois. En face, c’est le contraire. Une bande de vieux briscards rentrés à la maison, dont le trio Heinze-Bernardi-Maxi Rodríguez.

Double contact, coup du foulard et Grégory Thil

Poussés par leurs fans, les Bosteros mettent d’entrée une grosse pression sur le but de Guzmán. Plus Santiago Silva et ses potes s’approchent, plus la Bombonera chante fort. Premier rugissement, une petite main de Gaby dans sa surface, oubliée par M. Vigliano. Les vendeurs de coca commencent à galérer pour s’infiltrer dans les rangées, malgré toute leur détermination. La starlette locale, c’est Paredes. L’héritier de Riquelme, paraît-il. Double contact, coup du foulard. Aimé Jacquet dirait qu’il exagère un peu. Le stadier, lui, s’en tape complètement, de la tribune à surveiller. Il se déplace d’une rangée à l’autre pour prendre les meilleures photos possibles, voire une vidéo 360°. Pendant ce temps-là, le journaliste d’à côté a comme simple mission de mettre une croix dans la case « cartons jaunes » de la feuille de match à chaque fois que l’arbitre met la main à la poche. Peinard. Le quart d’heure de folie passé, Newell’s prend le contrôle du ballon, mais se contente de le faire tourner. Profitant de la période de calme, un vendeur de coca se lance dans la tribune populaire. Pas de chance, Paredes se procure dans la foulée la meilleure occasion du match, une frappe dans la surface joliment sortie par Guzmán. Ça lui apprendra.

Allez, c’est la mi-temps, et toute la tribune de presse se rue vers le buffet. T’as cinq minutes pour choper tes petits sandwichs jambon-fromage et ton verre de coca light, sinon c’est mort. Du coup, les mecs des radios locales n’hésitent pas à faire leur résumé dans la cohue des escaliers. « Malgré un Leandro Paredes toujours aussi à l’aise dans son jardin, Boca n’a pas su faire la différence lors de ces 45 premières minutes » , crie l’un d’entre eux. La définition de la concision. De retour à son pupitre, le journaliste spécialiste des cartons jaunes n’a pas l’air débordé. Il retourne donc la feuille et dessine la composition des équipes. Avec la légende à côté : croix=Boca, rond=Newell’s. Encore un putain d’addict au morpion. Ce que personne ne comprend, c’est ce que fait le mec au milieu de la tribune, avec le combo maillot de Manchester City-lunettes de soleil, dos au terrain l’essentiel du temps. Sinon, les maillots rouge et noir et l’énorme banderole « Boulogne » pourraient faire croire au jubilé de Grégory Thil, mais il paraît qu’il joue encore. À Dijon, en plus.

Le boss, c’est Bernardi

En attaque, la paire Silva-Acosta navigue dans le vide. À propos, Santiago Silva, faudrait lui filer l’adresse de Mérano. C’est quoi ce bide, sérieux ? Ce bon vieux Lucas Bernardi doit bien faire 15 kilos de moins, et ça se sent. L’ancien Monégasque, capitaine de la Lepra, est plus propre et efficace que jamais. C’est d’ailleurs par lui que passent tous les ballons. « On est à 8 points sur 24, vous êtes au courant ? C’est Boca ici, faites au moins le pressing, bordel ! » Les journalistes-supporters commencent à fatiguer. Newell’s domine, occupe beaucoup mieux le terrain, est plus précis, plus expérimenté. Boca est franchement affreux, impuissant. Sur le banc, Lucas Viatri, jugé « meilleur attaquant du championnat » par son pote Riquelme, doit se demander ce qu’il fait là. Heureusement pour les locaux, Scocco, meilleur buteur du championnat, n’est pas dans un grand soir. Lui aussi égal à lui-même, Heinze fait sa classique en découpant Silva, avant de se prendre la tête des deux mains comme si la faute était scandaleuse.

Boca doit gagner pour continuer à espérer, Newell’s pour ne pas laisser s’échapper Vélez en tête. Mais apparemment en Argentine, à 0-0 à la 70e, le match s’arrête. Mieux vaut ne pas prendre le risque de perdre, finalement. D’autant qu’au vu de son niveau et malgré les belles occasions du début de match, Boca Juniors sait que le titre est perdu, et que le plus important est d’assurer la qualification pour la prochaine Copa Libertadores. Newell’s, lui, a aussi un maintien à assurer. La Lepra se procure quand même une dernière grosse occasion par Urruti, sauvée sur la ligne par Sosa. La Bombonera évacue sa frustration dans une dernière série de chants superpuissants. Anti-River Plate dans un premier temps, puis pro-Riquelme quand Falcioni quitte le terrain. « Qu’il arrête de nous emmerder, qu’il prenne le 152 (le bus qui amène à la Boca, ndlr) et qu’il revienne vite, celui-là. » Peu importe le moyen de transport, son retour ne ferait pas de mal.

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Par Léo Ruiz, à Buenos Aires

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