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Mason Greenwood, Wonder Boy inespéré

Par Hayden Saerens
7 minutes
Mason Greenwood, Wonder Boy inespéré

Au sein d’un Manchester United dont le déclin semble irréversible année après année, son visage poupon offre une lueur inattendue. Du haut de ses dix-huit ans, Mason Greenwood frappe déjà les esprits. Parce qu’il est surdoué, prometteur et porteur d’espoir. Et si l’Anglais était vraiment l’élu censé ramener les Red Devils en haut de l’affiche ?

À l’heure où le présent ne se conjugue plus au plus-que-parfait et que la nostalgie a pris le pas sur un avenir incertain, les mots des héros prennent un peu plus de sens. Ceux du dernier en date de l’époque glorieuse de Manchester United, Robin van Persie, revêtent même un écho singulier quand il s’agit d’adouber en personne son présumé successeur. « Je pense qu’il sera très bon, car il essaye de me copier à chaque match, révélait récemment sur Instagram le jeune retraité néerlandais, artisan majeur de la dernière couronne nationale glanée par les Red Devils en 2013. Mon style, ma technique, mon pied gauche, ma manière de conclure les actions… Donc je suis sûr qu’il réussira. » L’heureux élu se nomme Mason Greenwood, à peine majeur, et semble s’ériger comme la réincarnation de l’esthète batave. La même gestuelle élégante, l’aisance technique des privilégiés, les bras infiniment longs, le port altier et cette sensation aérienne qui se dégage à chaque prise de balle. Quatre ans plus tôt, l’Angleterre et l’Europe prenaient en pleine face le talent soudain de Marcus Rashford. Cette fois, c’est un sentiment à part qui domine. Plus de la virtuosité que de la soudaineté. Peut-être parce que United tient là un talent encore plus vertigineux.

Précocité insolente, Une du journal à six ans et ambidextrie

Dans l’imaginaire anglo-saxon, un « Wonder Boy » désigne un homme pour qui rien n’était gagné d’avance et pas prédestiné à scintiller. C’est ce qu’expliquait, en novembre dernier, Olivier Rousteing, directeur artistique et démiurge inspiré de la maison de couture française Balmain, à l’occasion de la sortie du documentaire qui lui était consacré. Pour Mason Greenwood, la définition s’avère tout autre. Comme Van Persie, qui regardait « un terrain de football comme si c’était (s)a toile » afin d’y étaler son art, le gamin du quartier de Wibsey, à Bradford, a rapidement fait du rectangle vert sa plus belle œuvre. La découverte du joyau dans sa banlieue prouve d’ailleurs que son itinéraire n’aura rien de commun. « Dès qu’il a eu six ans, nous nous sommes assurés d’avoir quelqu’un pour regarder son premier match, contait récemment à Sport Bible Mark Senior, ex-coach au sein de l’académie mancunienne. L’équipe pour laquelle il a joué n’avait jamais gagné un match, je ne suis même pas sûr qu’ils aient marqué un but. Puis, Mason est arrivé. Il a marqué 16 buts pour sa première, et son équipe l’a emporté 16-1. Et un enfant de six ans a fait la Une du journal local. »

Et l’éducateur de poursuivre son récit, empreint d’une anecdote éclairant un trait de la personnalité du prodige : « Il est arrivé au centre de développement la nuit où ses exploits sont apparus dans la presse. Je lui ai demandé : « Alors, tu es ce fameux Mason qui a marqué 16 buts ce week-end ? C’était un peu facile pour toi ? » Il m’a regardé et m’a dit : « Sans moi, nous aurions perdu 1-0. » » Dans la foulée, il rejoint Manchester United et fait ses gammes dans une école en partenariat avec le club, à Halifax. Déjà, les premières foulées déconcertent autant qu’elles fascinent. « Lorsque Mason est arrivé à six ans, il pouvait déjà utiliser les deux pieds, détaillait Mark Senior, en mars dernier, au Manchester Evening News. Quand il frappait, c’était comme un gamin de treize ans. Il comprenait rapidement. Dès que vous lui aviez montré des nouveaux exercices ou mouvements, trente secondes à une minute plus tard, il les faisait déjà. » Précoce et pressé, donc.

La « Ville Lumière » comme entrée en scène

La suite de la trajectoire de Greenwood, d’abord milieu puis attaquant au sein de la cité mancunienne, est à la hauteur du talent qu’on lui prête. À seize ans, surclassé, il intègre les rangs des U18 de United pour finir meilleur buteur de la Premier League North avec 17 buts en 21 matchs. Lors de la cuvée 2018-2019, le phénomène prend encore davantage d’épaisseur en brillant dans chaque compétition à laquelle il prend part (26 pions en 26 apparitions, en PL U18 et U23, FA Youth Cup et UEFA Youth League). Suffisant pour venir taper à la porte de l’équipe première. Sur le banc avec José Mourinho contre Valence en Ligue des champions (1-2, 12 décembre 2018), Ole Gunnar Solskjær lui offre sa grande première sur un plateau, en mars 2019. Trois minutes de bonheur. À Paris. Où le jeune Britannique deviendra – avec un improbable flocage du PSG dans le dos – le symbole de la débâcle des hommes de Tuchel (1-3).

« Quelle nuit fantastique pour mes débuts à Manchester United. Une nuit inoubliable, un rêve devenu réalité pour moi et ma famille » , se réjouissait-il à l’époque, devenant ainsi, à 17 ans et 156 jours, le deuxième plus jeune joueur après Norman Whiteside à représenter United dans l’histoire de la plus prestigieuse des coupes européennes. Quatre jours plus tard, celui qui recevra en fin de saison le trophée Jimmy Murphy Young Player of the Year, récompensant le meilleur joueur dans les catégories jeunes du club, connaît son baptême du feu en Premier League face à Arsenal. Là encore, il devient le deuxième plus jeune Red Devil à débuter dans l’élite après Angel Gomes, en mai 2017.

Not arrogant, just better

La route est jalonnée, presque toute tracée. Et Solskjær, qui perpétue la tradition de United en s’appuyant sur les jeunes à l’instar de Sir Matt Busby et Sir Alex Ferguson (un joueur formé au club figure sur la feuille de match depuis 1937), lui facilite depuis encore plus la tâche. Cet été, après s’être séparé de Romelu Lukaku et d’Alexis Sánchez, le manager norvégien a refusé de recruter pour compenser ces départs. Pour que la jeunesse prenne le pouvoir en ces temps troubles et brumeux. Et si la saison mancunienne s’avère à la fois inconstante et décevante, l’attaque affiche quelques motifs de promesses, contrairement au milieu en éternel chantier et à une défense toujours aussi brinquebalante. Avec Martial, Rashford et la révélation Daniel James, Greenwood apporte ses qualités. Celles d’un finisseur naturel hors pair. Froid et clinique dans la zone de vérité. Qui dégaine et exécute prestement. « Il a tout ce qu’il faut. Je pense que nous ne verrons pas le meilleur de Mason avant quelques années. Mais je me souviens que quand j’avais 18 ans, je n’étais pas du tout au niveau de jeu qu’il avait, l’a encensé Solskjær, après son but contre Newcastle (4-1) lors du Boxing Day. Il n’est pas seulement 50-50 avec les deux pieds, mais probablement 60-60 ! Cristiano Ronaldo peut en marquer autant avec son gauche et ce sont de bonnes frappes. Mais Mason peut enrouler le ballon avec les deux pieds, c’est un finisseur exceptionnel. »

Reste que, derrière cette pluie de louanges, celui qui est atteint du syndrome Ousmane Dembélé n’a pas encore eu véritablement le terrain d’expression idoine. Sur ses 24 apparitions, pour cinq titularisations toutes compétitions confondues cette saison, il a la plupart du temps évolué sur le flanc droit. Loin de sa zone de prédilection, l’axe, où le poste d’avant-centre est revendiqué par Martial et est fréquemment occupé par Rashford. Pour l’instant. Car, comme Mbappé, on ne parle pas d’âge à Greenwood. Malgré un temps de jeu limité (1103 minutes de jeu), malgré un United enlisé dans un lugubre marasme, le jeune attaquant lié jusqu’en 2023 avec United a déjà fait trembler les filets à huit reprises. C’est déjà plus que les échecs retentissants Sánchez, Depay, Falcao ou encore Di María. « Les gens affirment qu’il est comme le nouveau Van Persie, mais je ne sais pas, s’épanchait, encore, Mark Senior au sujet du bambin. Je pense qu’il est unique. Je n’ai vu aucun autre joueur comme lui. » Le pays de Sa Majesté est prévenu, la prochaine décennie pourrait appartenir à Mason Greenwood.

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