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Les leçons tactiques de Lyon-Juventus

Par Maxime Brigand
10 minutes
Les leçons tactiques de Lyon-Juventus

En profitant d'une Juventus provisoirement réduite à dix, l'OL s'est imposé à la maison et s'est offert le luxe d'aborder son huitième de finale retour avec un avantage léger, mais précieux. En face, la Vieille Dame a plongé exactement sur les failles affichées depuis le début de saison. Problème : avec cette mamie, tout est encore possible.

Il faut les voir retourner le moindre centimètre, fouiller le moindre carton et chasser, depuis de longs mois, en vain, ce petit quelque chose impossible à palper physiquement. Il se murmure que ce quelque chose est difficile à décrire, mais peut, lorsqu’il est trouvé, être assez facile à deviner. En marchant vers ce huitième de finale aller face à la Juventus, Rudi Garcia ne cachait pas son excitation personnelle, gravir un tel sommet étant toujours un bon moyen de s’échapper du quotidien morose de la Ligue 1, mais appuyait aussi précisément sur un élément clé, indispensable à la réussite d’un rendez-vous comme celui-ci : « La notion de plaisir est forcément importante. Il va falloir en prendre pour attaquer, emballer le match, mettre des moments de folie, sinon, on n’arrivera pas à les bousculer. Mais il faudra surtout prendre du plaisir ensemble, rattraper le coup pour le copain, être solidaire… On veut jouer en équipe et il faudra le faire face à une équipe d’un tel niveau. » On parle ici d’une chose qui peut tout changer (elle avait par exemple bousculé l’ordre des choses lors de la brillante victoire de l’OL à Manchester City la saison dernière) et que l’Olympique lyonnais, qui affiche seulement le 16e bilan à domicile en Ligue 1 (quatre victoires, quatre nuls, quatre défaites) et qui débarquait à cette soirée sans offrir la moindre garantie offensive et défensive, a finalement réussi à dégainer au meilleur des moments : la force collective. Alors que la Ligue des champions offre un enfer aux chasseurs d’espaces et exige de n’en laisser aucun, la bande de Garcia a répondu à l’enjeu et a poussé ses limites pour obtenir le luxe d’aborder la manche retour, à Turin, avec un léger avantage au terme d’une bataille aussi tendue qu’animée par un déséquilibre quasi continu. Bataille qu’il faut déplier en trois périodes bien distinctes pour comprendre comment l’OL a réussi son coup.

Le roi Guimarães, la mise sous silence de Pjanić et le jeu des espaces

Alors que la nuit vient de tomber sur le Groupama Stadium, un premier souffle vient parcourir la nuque des supporters lyonnais. Car sur le papier, Rudi Garcia a bien décidé de bousculer les choses et de poursuivre avec la défense à trois installée à Metz vendredi dernier (0-2). « Ce que je voulais, c’était installer Bruno Guimarães en sentinelle pour pouvoir ressortir les ballons et utiliser le volume de jeu de Lucas Tousart, afin d’aller de l’avant et d’aider Léo (Dubois) et Jason (Deneyer) à défendre sur Cristiano Ronaldo et Alex Sandro » , décortique l’entraîneur français après la rencontre, lui qui, contrairement au match en Moselle, a davantage animé son système en 3-5-2 avec un Houssem Aouar installé entre les lignes. En face, Maurizio Sarri ne surprend pas et dessine un 4-3-3 affiché depuis une victoire contre Parme mi-janvier (seule exception, un déplacement à Naples, où la Juventus a été battue 2-1 en 4-3-1-2), où Adrien Rabiot est préféré à Blaise Matuidi. De par ce qu’elle propose depuis le début de saison, la Vieille Dame n’a rien d’un monstre tactique et semble déshabillable, encore faut-il y mettre les formes, en prenant par exemple la Lazio, qui a fait sauter l’actuel leader de Serie A à deux reprises cette saison avec une animation similaire à celle affichée par l’OL et en le faisant péter dans tous les sens dans les interlignes, pour référence. Avant la rencontre, Sarri, qui est tout sauf un homme de compromis, prévient que son équipe « alterne les moments » et affiche une grise mine : celle de l’entraîneur qui peine à faire intégrer à ses joueurs ses concepts, mais qui s’entête, malgré tout, avec ses idéaux. Schématiquement, le début de rencontre ne livre alors aucune surprise : en phase de construction, la Juventus avance sous la forme d’un 3-5-2 où Alex Sandro et Cuadrado sont chargés d’étirer au maximum le bloc adverse alors que Cristiano Ronaldo se recentre et que Danilo vient former une défense à trois aux côtés de De Ligt et Bonucci. L’une des clés de la rencontre, pour l’OL, est de gérer la connexion entre Alex Sandro et la paire Dybala/CR7 et de contrôler les nombreux décrochages de Paulo Dybala (ce qui implique de l’empêcher de se retourner). C’est justement là que Lyon a d’abord excellé.

Le film du match scène par scène rappelle malgré tout l’inégalité de la prestation lyonnaise, qui tient essentiellement sur une énorme séquence s’étirant de la 17e à la 45e minute de la rencontre. Car si le premier quart d’heure laisse apparaître les ambitions de Garcia – un Tousart installé en chasseur de seconds ballons et en premier déclencheur du pressing, l’international espoirs agressant à de nombreuses reprises Bonucci et freinant la transition turinoise -, l’OL est d’abord trop laxiste dans sa gestion des espaces et dans sa gestion de Dybala. À la 6e minute, après une bonne intervention d’Alex Sandro sur Toko-Ekambi, l’Argentin, libre de toute pression, se retourne et trouve facilement Rabiot dans le rond central. Heureusement pour les Lyonnais, le Français, en vrac tout au long de la rencontre, déclenche dans le mauvais timing et laisse Cornet revenir sur Cuadrado. Quelques minutes plus tôt, un autre élément a servi d’alerte : décalé par Sandro, Ronaldo tente de trouver Cuadrado au second poteau et laisse apparaître les failles de Denayer, souvent trop loin du Portugais mercredi soir et qui a défendu à plusieurs reprises en reculant, laissant ainsi un terrain d’expression trop important à son adversaire, qui n’en a, miraculeusement, que trop peu profité. Lyon observe, laisse le ballon à la Juve (72% du temps) et se montre imprécis dans ses sorties de balle (73% de passes réussies sur le premier quart d’heure). Rassurant malgré tout, la Vieille Dame ne réussit pas à combiner dans la surface lyonnaise et ne va pas tirer une seule fois au cours de cette séquence de domination. Garcia a compris : le salut de ses hommes passera par la réussite de leurs projections.

C’est là que tout s’enclenche, Denayer décidant (enfin) de sortir sur Ronaldo à la 17e minute de jeu et le show Bruno Guimarães venant de débuter. Posé à la création des circuits lyonnais et armé d’une vision panoramique, le milieu brésilien organise le réveil de l’OL grâce à une qualité situationnelle ultra-fine. Guimarães est alors partout (12,5 kilomètres parcourus au cours de la rencontre, 4 interceptions) et offre une solution permanente à ses potes. « Il voit clair, note Garcia. Il ne perd pratiquement aucun ballon et a cette capacité de fluidifier le jeu. » Tousart, lui, insiste sur le « bon équilibre » enfin trouvé par le milieu lyonnais. Plus important encore, le Brésilien alterne jeu court-jeu long et sécurise l’ensemble (les Turinois ne lui ont pris qu’une fois le ballon) alors que Tousart et Aouar commence à s’éclater dans les half spaces. Ce sursaut de l’OL s’explique également par le fait que le bloc s’est soudainement resserré, le trio défensif (Denayer-Marcelo-Marçal) acceptant de monter d’un cran pour enfin mettre la pression sur la Juve et inverser l’équilibre. La dernière demi-heure lyonnaise de la première période est la deuxième séquence de lecture de la rencontre et sans aucun doute la plus importante, car c’est là que l’OL a réussi à mettre à mort le milieu turinois, notamment Miralem Pjanić, limité à 38 passes mercredi soir (on parle d’un joueur qui tournait à 84 passes par match en moyenne depuis le début de la compétition et à 66 en Serie A). Comment ? Grâce à un énorme maillage et aussi, en phase défensive, au rôle exercé par la paire Toko-Ekambi-Dembélé pour briser la relation entre l’arrière-garde turinoise et le milieu bosnien, qui sera finalement remplacé à l’heure de jeu, Bentancur récupérant son rôle et faisant enfin respirer la Juve. Globalement, Lyon a surtout profité d’une faille affichée par la Vieille Dame depuis le début de saison : son incapacité à resserrer les lignes une fois que son premier rideau de pressing a été effacé. Aouar (principal détonateur des offensives lyonnaises), Tousart, Toko Ekambi et Dembélé se sont longtemps régalés dans l’espace entre le milieu et le carré défensif turinois. Et ils ont piqué ainsi, même s’ils ont aussi profité d’une Juventus réduite provisoirement à dix (De Ligt se faisait poser une charlotte sur la tête) : parti d’une belle sortie de balle, le but lyonnais est en effet le résultat d’une passivité incroyable de la défense italienne, Aouar ayant tout le loisir de combiner avec Cornet (Cuadrado et Bentancur font tout en retard sur l’action) avant d’aller trouver un Tousart qui a été tout au long de la rencontre le milieu de l’OL le plus avancé et qui a ici dévoré les mésententes adverses. Partant, il a été l’homme décisif du soir avec Bruno Guimarães.

« J’ai du mal… »

Cette belle séquence est aussi ce matin une période qui pourrait donner naissance à de nombreux regrets tant les hommes de Rudi Garcia ont eu les cartouches pour enfoncer une Juventus qui s’est brutalement délitée. Trois minutes après le but de Tousart, Cuadrado a ainsi offert un ballon en or à Toko Ekambi que Moussa Dembélé a envoyé dans un panneau publicitaire. Puis, à quatre minutes de la pause, c’était au tour de Pjanić se remettre mollement à Bonucci et de laisser Toko-Ekambi allumer au-dessus. En face, la Juve ne s’est quasiment pas rebellée, l’OL affichant une excellente gestion de la profondeur, même si Denayer a de nouveau laissé CR7 s’approcher sans broncher (35e). Surtout : on a vu la Vieille Dame être essentiellement dépendante des décrochages réussis de Dybala et s’essayer à de nombreux longs ballons, systématiquement perdus. Que faire ?

Cette question, Garcia se l’est évidemment posée, mais ses joueurs ont préféré répondre à leur manière : en seconde période, l’OL a décidé de se recroqueviller (28% de possession de balle) et s’est dangereusement exposé face à une Juventus qui aurait dû profiter du moins bon respect des distances lyonnaises alors qu’elle a commencé à réussir à créer ses premiers décalages, notamment grâce à Bentancur, qui a enfin fait reculer un peu Marçal. Lors des 45 dernières minutes, Sarri a alors vu ses joueurs limiter les projections lyonnaises (67% de passes réussies), De Ligt et Bonucci monter d’un cran, réussir 106 passes (!) dans le dernier tiers adverse et une grosse dizaine de passes dans la surface de l’OL. Pour quoi ? Une reprise à côté de Dybala sur un bon centre de Sandro, quelques secousses provoquées par Higuaín, entré à vingt minutes de la fin à la place de Cuadrado, deux situations de potentiel penalty (dont une qui aurait dû conduire à un vrai penalty, le contact entre Guimarães et Dybala en fin de match), et du rythme, au moins le minimum requis par une rencontre d’un tel niveau. « En première période, on faisait tourner trop lentement le ballon, a grogné Sarri après la défaite de son équipe. Il manquait de la vitesse et de l’agressivité devant. (La défense de l’OL a longtemps pu relancer sans trop forcer, N.D.L.R.)On a pris un but à dix… La seconde période a été mieux, mais ce n’est toujours pas assez pour un match de Ligue des champions. J’ai du mal à faire passer un concept à l’équipe : celui de faire tourner rapidement le ballon. Ça va devoir rentrer à un moment ou à un autre. » Ou Maurizio Sarri prendra la porte, il le sait, car si la Juventus a été le chercher, c’est pour son approche du jeu et seulement pour ça.

« En deuxième mi-temps, on a vu la vraie Juve » , a alors tenté de rassurer après coup Bonucci, conscient d’être aujourd’hui à la relance de ce qui est peut-être la Vieille Dame la plus boiteuse de la dernière décennie. Une Vieille Dame qui aurait malgré tout pu repartir de Lyon avec un nul, ce qui en dit quand même pas mal du recul lyonnais lors d’une seconde période où Toko-Ekambi a commencé à tirer la langue, où Dembélé n’a pas aidé son bloc à respirer (il ne l’a aussi que trop peu fait en première période) et où les décalages créés par le trio Dubois-Guimarães-Tousart n’ont plus été possibles. La vérité est ce matin aussi chiffrée : mercredi soir, l’OL n’a concédé aucun tir cadré de la Juve et laisse son adversaire du soir avec ses frustrations et ses doutes. S’il n’existe aucun score parfait en Ligue des champions, les Lyonnais s’offrent ici une chance grâce à une force collective enfin trouvée et un milieu royal pendant 35 bonnes minutes, savent qu’il faudra retrouver cette attitude à Turin et non celle d’un second acte où l’OL n’a ni réussi à récupérer le ballon, ni à l’utiliser correctement, alors que Garcia a dû, avec contrainte, sortir ses deux latéraux. C’était alors le foot d’ailleurs : celui du cœur et de la solidarité. Des ingrédients qui étaient hier chers à la Juve et que la Vieille Dame doit absolument retrouver si elle veut se relever. Spoiler : ça ne se trouve pas en brocante, mais bien souvent dans les tronches.

Dans cet article :
Un espoir lyonnais s’envole vers la Juventus
Dans cet article :

Par Maxime Brigand

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