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Le guerrier Cana est de retour
Un an et demi après son arrivée à Roma, Lorik Cana montre enfin à tous de quoi il est capable. Ce soir, celui qui a disputé une saison sous le maillot de Galatasaray fait son grand retour à Istanbul, face à ses anciens rivaux de Fenerbahçe.
A Rome, pendant plus d’un an, les adjectifs concernant Lorik Cana n’ont pas vraiment été très glorieux. « E ‘na pippa » . C’est un nullos, pouvait-on souvent entendre à son sujet dans les discussions entre tifosi laziali. Il faut dire que l’Albanais n’a jamais rien fait pour contredire les critiques. Lorsqu’il débarque, lors de l’été 2011, les supporters l’accueillent pourtant avec un grand enthousiasme. Mais Cana ne va pas du tout s’imposer. Edy Reja, le coach de la Lazio, le fait rarement jouer, et lorsqu’il entre sur la pelouse, c’est plus un désastre qu’autre chose. A tel point que l’été suivant, on évoque un retour à l’OM, club où il a passé quatre saisons et qu’il n’a jamais oublié. Finalement, l’Albanais décide de rester. Grand bien lui en a pris. Le nouvel entraîneur, Vladimir Petkovic, lui donne petit à petit du temps de jeu. Surtout, le Bosnien prend une décision : reculer Cana au poste de défenseur central, comme en équipe nationale. Profitant des blessures d’Andre Dias, de l’exclusion du groupe de Diakité, et du fiasco Michael Ciani, il s’impose comme un véritable titulaire. Enfin, les supporters changent d’avis à son propos, et découvrent le guerrier que, jusqu’ici, ils n’avaient vu qu’en vidéo avec d’autres maillots sur les épaules. Il était temps.
Avant-goût du derby
Son repositionnement au centre de la défense a été décisif. Au milieu de terrain, Cana n’a jamais réussi à exprimer ses capacités. Trop de fautes, trop d’erreurs d’inattention qui ont souvent coûté cher, et trop peu d’apport sur le plan d’offensif. Mais depuis que Petko l’a mis en défense (un peu par choix, un peu par nécessité), c’est un nouveau joueur qu’il a à disposition. Impérial en défense, il réussit également à se projeter vers l’avant pour venir filer un coup de main à ses attaquants. S’il n’a pas encore marqué cette saison (il avait inscrit deux buts la saison dernière, dont un chef d’œuvre pleine lucarne contre l’Atalanta), il ne peut s’en prendre qu’à la malchance. Juste avant la trêve, face au Torino, son coup de tête rageur avait heurté le poteau. Samedi, contre Catane, rebelote. Au terme d’une magnifique action personnelle, il heurte la barre avec un tir dévié. Cela finira bien par rentrer.
D’ailleurs, le bon Lorik rêve d’ouvrir son compteur cette saison lors des quatre prochains matches : l’aller-retour contre Fenerbahçe, le derby romain, et le choc face à la Juventus. Quatre rencontres qui représentent un tournant dans la saison de la Lazio, et que le guerrier ne veut en aucun cas manquer, à commencer par ce quart de finale aller face à ses anciens rivaux. « Fenerbahçe a des joueurs de niveau international comme Sow, Kuyt ou Meireles, mais si nous voulons arriver au bout de cette compétition, ce qui est notre grand objectif, nous devons les battre » a-t-il affirmé lors d’une interview à Eurosport. Le Fener, Cana les a déjà affrontés. C’était lors de la saison 2010-11. Son Galatasaray était sorti indemne du Şükrü-Saracoğlu, 0-0, mais s’était incliné à domicile (1-2) au match retour. L’Albanais sait donc mieux que quiconque ce qui attend la Lazio, ce soir. Une sorte d’avant-goût du derby romain, que son équipe disputera lundi soir contre la Roma.
L’expression de sa grinta
Récemment, Cana s’est raconté lors d’une longue interview au quotidien norvégien Nettavisen. L’occasion pour lui de revenir sur une enfance marquée par l’horreur de la guerre au Kosovo, ce qui a, en grande partie, forgé son caractère de guerrier. « J’avais 7 ans lorsque nous avons quitté le Kosovo avec ma famille. Une situation vraiment irréelle. L’aspect le plus dur, c’est que pendant les huit années suivantes, nous aurions pu revenir en arrière, mais nous ne l’avons jamais fait. Une fois arrivés en Suisse en tant que réfugiés politiques, nous n’avions plus d’endroit où aller. Ce fut une période vraiment difficile, qui a duré près de huit ou neufans » a-t-il confié. La suite, on la connaît un peu mieux. Cana débarque au PSG en 2000, et y reste cinq ans, avant de rejoindre l’OM. A Marseille, il devient l’idole des supporters, en plus de porter le brassard. Et peu importe si, encore aujourd’hui, il détient le record de cartons jaunes (54) reçus par un joueur marseillais en championnat de France. Disons qu’il s’agit de l’expression de sa grinta.
Pas vraiment dans les plans de Didier Deschamps, Cana quitte la Canebière lors de l’été 2009, direction Sunderland. Il reste une année en Angleterre, puis rejoint Galatasaray, « pour se rapprocher de ma famille » . Une année également en Turquie, et le voilà qui rejoint l’Italie et Rome. Au vu de ses premiers mois passés là-bas (voire même sa première année), on imagine alors que Cana va être une énième météore qui passe en Serie A sans y laisser la moindre trace. Mais depuis le début de l’année 2013, le vrai Lorik, celui que les supporters marseillais et stambouliotes connaissent, a refait surface. Celui qui se bat sur tous les ballons, qui tacle, qui attaque, qui défend, qui « mouille le maillot » , comme on dit dans le jargon. Ce soir, l’ancien Marseillais sera bien au centre de la défense romaine dans un stade qui ne lui fera pas de cadeaux par rapport à ses douze mois passés chez l’ennemi Galatasaray. Mais qu’on se le dise : il en faut plus pour intimider l’Albanais.
Par Eric Maggiori