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Ils sont jeunes, italiens, et déjà tacticiens

Eric Maggiori
5 minutes
Ils sont jeunes, italiens, et déjà tacticiens

Un entraîneur de 42 ans leader de Serie A, un autre de 41 ans en finale de Ligue des Champions : les jeunes coachs italiens sont véritablement en train de prendre le pouvoir. Revue d’effectif de cette nouvelle génération de techniciens.

Il semble bien loin, le temps où Marcello Lippi, Fabio Capello et Arrigo Sacchi guidaient les plus grands clubs d’Italie. Aujourd’hui, les anciens techniciens se sont mis de côté, et laissent place à une nouvelle génération d’entraîneurs qui marchent bien. La moyenne d’âge des coachs a considérablement baissé, et ce n’est pas un hasard si les deux leaders du championnat sont aujourd’hui guidés par des hommes de 42 et 44 ans, qui étaient encore sur les pelouses il y a quelques années. Outre Antonio Conte et Max Allegri, la « nuova generazione » est complétée par Vincenzo Montella, qui réalise une superbe saison à Catane, et par la dernière découverte en date, Andrea Stramaccioni, qui est en train de sauver la saison de l’Inter. Mais qu’ont donc en commun ces entraîneurs, à part le fait d’être italiens et jeunes ? Une chose : ils osent. Ils osent révolutionner une équipe qui n’a plus rien gagné depuis 2006, ils osent répondre à Silvio Berlusconi, ils osent transformer une équipe de bas de tableau en une équipe capable d’aller lutter pour l’Europe, ils osent redonner leur chance à des joueurs que l’on disait perdus. Mieux encore, un autre coach, de l’autre côté de la Manche, a même osé se dresser face au grand Barça, et réussir là où un maître comme Guus Hiddink avait échoué. A l’heure où l’Italie peine à trouver des talents en mesure de prendre la relève des Totti, Del Piero et autres Inzaghi, ce serait donc les entraîneurs qui mettraient en marche la révolution. Le monde à l’envers ?

De la Primavera à l’équipe première

En réalité, même si l’Italie n’ose l’avouer qu’à demi-mots, cette émergence de jeunes entraîneurs transalpins a une date de commencement. En 2008, un tout jeune Pep Guardiola prend les rênes du FC Barcelone. Dès la première année, il remporte tout et son Barça impressionne l’Europe entière. Réaction immédiate en Italie : « Et pourquoi pas nous ? » . Le temps de terminer certains cycles (celui d’Ancelotti au Milan AC, par exemple), et voilà que de jeunes entraîneurs, qui ont tous terminé leur carrière de joueur dans les années 2000, font la queue pour être promus sur le banc d’une équipe de Serie A. Massimiliano Allegri, après deux bonnes années à Cagliari, arrive sur celui du Milan AC, et remporte le Scudetto dès la première saison. Là encore, cela donne des idées aux autres. Après les échecs encaissés par Zaccheroni ou Del Neri, la Juve remet les clefs de son jeu à Antonio Conte, un ancien de la maison, qui a raccroché les crampons en 2004. Encore une fois, le succès est au rendez-vous : la Juve, malgré son match nul concédé hier soir contre Lecce, est en passe d’aller remporter le Scudetto, avec le bonus d’être invaincue cette saison.

Les exemples peuvent s’étendre jusqu’à Vincenzo Montella et Andrea Stramaccioni. Les deux techniciens proviennent directement de l’équipe Primavera, et ont été promus en équipe première suite au limogeage de l’entraîneur. Coïncidence : aussi bien pour l’un que pour l’autre, le coach en question était Claudio Ranieri. Et leur fraîcheur a fait du bien. Montella a fait de belles choses en fin de saison dernière à la Roma, et confirme cette saison à Catane, tandis que Stramaccioni a pris 14 points en sept matches à la tête de l’Inter (malgré une première défaite hier soir). Évidemment, impossible de ne pas ajouter Roberto Di Matteo à cette liste. Le jeune coach, qui dit avoir tout appris de Zeman (même si contre le Barça, on n’a pas franchement assisté à une tactique zemanienne), réalise des miracles à Chelsea, avec une finale de C1 et une finale de FA Cup. A côté de cela, certains, à vouloir commencer trop tôt, se brûlent les ailes. L’ancien de la Roma, Eusebio Di Francesco, a été viré au bout de 13 matches du banc de Lecce pour mauvais résultats. Devis Mangia, quant à lui, n’a pas tenu beaucoup plus longtemps sur celui de Palerme. Ce qui est déjà un peu plus normal.

Faire du neuf avec du vieux

Cet essor des jeunes entraîneurs à la tête de grands clubs n’est pas simplement un effet de mode. S’il peut énerver les coachs qui se farcissent cinq clubs de Serie C avant d’arriver enfin sur le banc d’une équipe de deuxième partie de tableau en Serie A, force est de constater que la recette marche. Antonio Conte, par exemple, est sans nul doute l’artificier numéro 1 du potentiel futur Scudetto de la Juve. C’est lui qui motive ses troupes, c’est lui qui inculque la grinta, c’est lui qui, tactiquement, n’a pratiquement commis aucune erreur cette saison. Un entraîneur jeune qui a su rendre moderne une équipe qui, depuis sa descente forcée en Serie B, ne l’était plus. Le jeu de cette nouvelle Juve est effectivement bien différent du football italien de ces 20 dernières années. Conte a appris des grands maîtres du passé (à la Juve, il a eu Trapattoni, Lippi et Ancelotti), et sait désormais se servir de tous ces enseignements, en y apportant cette touche de modernité indispensable pour réussir au XXIe siècle.

Même discours pour Vincenzo Montella, à qui la Roma a préféré cet été Luis Enrique. Choix pas forcément judicieux : la Louve a dépensé cet été 73,8 millions d’euros, Catane seulement 4,3. Pourtant, les deux équipes ne sont séparées que de cinq points. Le mérite revient incontestablement à Montella, qui a su inculquer un jeu offensif à son équipe. La preuve : Catane a déjà marqué cinq buts de plus que la saison dernière, alors qu’il reste deux journées. Quant à Stramaccioni, il semble avoir eu un rôle assez proche de celui de Di Matteo à Chelsea : celui de psychologue-entraîneur. Avec les mêmes joueurs qui étaient en train de sombrer avec Ranieri, il a réussi à redonner une nouvelle dynamique, en relançant notamment certains éléments en totale perte de confiance (Zarate, Alvarez et Sneijder par-dessus tous). La preuve que l’on peut faire du neuf avec du vieux, à condition d’avoir une vision nouvelle dans son esprit. Cette même vision nouvelle qui portera peut-être un jeune coach italien, le 19 mai prochain, à soulever le plus prestigieux des trophées européens. Comme le symbole d’une nouvelle époque ?

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Eric Maggiori

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