- Les pelouses du Tour
- Étape 9
- Nantua > Chambéry
Chambéry, la Savoie libre
Ce dimanche, une étape décisive entre Nantua et Chambéry. L'occasion de revenir sur le club de foot savoyard, héros de la Coupe de France il y a six ans, et au fond du trou financièrement depuis.
Comment Aissa Yahia-Bey peut-il se douter qu’il précipite la fin du SO Chambéry, en ce 2 février 2011 ? Autour de lui, tout le stade est en délire et ses coéquipiers ne cessent de lui sauter dessus pour le féliciter et le remercier. En tentant sa chance à 25 mètres du but et en trouvant la lucarne de Pierrick Cros, il permet alors au club savoyard d’accomplir un véritable exploit : se qualifier pour les quarts de finale de la Coupe de France. En l’emportant 2-1 face au FC Sochaux – après avoir été mené 1-0 – le SOC devient la première équipe de CFA2 à éliminer trois clubs de Ligue 1 lors d’un même parcours en Coupe de France. Monaco, Brest, et enfin Sochaux se sont fait piéger par l’enthousiasme et la détermination des Savoyards. Le parcours s’arrêtera finalement au tour suivant face à Angers, alors pensionnaire de Ligue 2. Pas grave, l’histoire est déjà tellement belle. Sauf que depuis ce but d’Aissa Yahia-Bey, le Stade olympique de Chambéry s’est lentement liquéfié.
La terrible gueule de bois
En parallèle de cette formidable aventure en Coupe de France, Chambéry fait le boulot en championnat. Après un sévère 5-0 contre Valence le 4 juin, le club valide sa première place du groupe D en CFA2. Sur le terrain, la montée en CFA est donc acquise. Mais la comptabilité ne suit pas. Malgré l’épopée en Coupe de France, un déficit de 400 000 euros contraint le gendarme financier de la FFF à invalider l’accession du SOC en CFA. Pire, le parcours a même participé à creuser ce déficit. Un peu trop de champagne peut-être, mais surtout un loyer élevé à payer pour les modestes économies du club savoyard. Car pour jouer ce fameux quart de finale quelques mois plus tôt, le stade municipal chambérien n’était pas suffisant.
Il a fallu déménager au stade des Alpes de Grenoble le temps d’un match – juste à côté d’Echirolles où Aissa Yahia-Bey a tapé ses premiers ballons -, moyennant une location de plus de 30 000 euros. Ironie du sort, l’année suivante, c’est le GF 38 qui est promu de CFA 2 en CFA dans la poule de Chambéry. Pendant ce temps-là, le SOC ne se remet pas de cette immense déception. L’entraîneur, David Guion, et le président, Patrick Davoine, quittent le navire. Le successeur de ce dernier, Jean-Luc Nogent, ne parvient pas à inverser la courbe. Si, sur le terrain, Chambéry survit en se maintenant chaque année en CFA2, le déficit financier continue de se creuser jusqu’à la liquidation judiciaire en 2015. Le club est rétrogradé administrativement en DHR.
« Promis, demain, j’arrête de boire »
Pourtant, en 2005, lors des cérémonies commémoratives des 80 ans du club, l’une des figures du SOC, André Fustec, avait prévenu : « Un club qui n’a pas de mémoire et qui ne tire pas de leçons de son histoire est un club dont l’avenir est incertain. » Par le passé, le club de Chambéry s’était déjà brûlé les ailes plus d’une fois. Né d’une fusion entre le Chambéry Football Club et l’AS Chambéry, le SOC se distingue rapidement au niveau régional puis national. Dans les années 1960, il devient clairement le porte-étendard du football savoyard en devenant notamment champion de France Grands Amateurs en 1962 (l’équivalent du National, ndlr). Puis en dix ans, à la suite notamment d’une fusion mal sentie avec un nouveau club de Chambéry-le-Haut, le SOC trouve le moyen de redescendre jusqu’en District au début des années 1970.
Pendant trente ans, le club se reconstruit donc petit à petit et se stabilise en DH. Et c’est exactement pour cela qu’André Fustec met tout le monde en garde lorsqu’il sent, à raison, que le club peut retrouver la CFA 2. Deux ans plus tard, en 2007, Chambéry remonte enfin dans ce championnat. Quarante ans après l’avoir quitté, le club redevient le fleuron du football savoyard, car la Savoie était jusqu’alors le seul département français à ne compter aucune équipe en niveau national. Dès la première saison, Chambé’ passe à deux doigts de la double montée jusqu’en CFA. Puis arrivent les succès, les parcours en Coupe de France, les bons résultats en championnat. Et le conseil avisé d’André Fustec finit par être oublié.
Le coup du phœnix
Mais Chambéry n’abandonnera pas. Même si la ville est déjà gâtée par le handball et dans une moindre mesure par le rugby, la préfecture de Savoie ne peut se passer d’un véritable club de football. Tout de suite après la liquidation judiciaire en 2015, une structure se remonte rapidement afin de ne pas laisser les 400 licenciés sur le carreau. Le club repart sous un autre nom, Chambéry Savoie Football (CSF), en Division d’Honneur Régional, donc. Sur de toutes nouvelle bases, le club commence tout doucement à repartir de l’avant. En 2015-2016, le CSF est tout de suite remonté en DH. Les Savoyards seront-ils capables de renaître à nouveau de leurs cendres ? Si c’est le cas, André Fustec, disparu en 2014, reviendra hanter les esprits.
Par Kevin Charnay