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Caiazzo : « Lyon est en fin de cycle»
Avant de se rendre à Bordeaux pour le lancement de la saison, Bernard Caïazzo, le président du conseil de surveillance des Verts, revient sur le mercato stéphanois et parle aussi des choses qui fâchent : Pastore, mais aussi Aulas, évidemment...
Vous faites un énorme bénéfice sur ce mercato….
Pour ceux qui ne savent pas compter, oui ! Regardez l’Olympique Lyonnais, il faudrait qu’il vende pour 50 millions de joueurs pour équilibrer ses dépenses et ses recettes. Et le Losc, 30 millions. Dans 90% des clubs, les dépenses sont supérieures aux recettes spectateurs, sponsoring et droits télé. Chez nous, si vous cumulez, vous arrivez aux alentours de 42 millions d’euros, pour 52 millions de dépenses, ça veut dire que sur la saison dernière il manque 10 millions d’euros, il faut bien trouver un moyen de les compenser, avec la vente de joueurs par exemple. Mais croire que quand on vend ça sert uniquement à acheter, non, c’est toute la difficulté de gestion d’un club. La vente de Payet nous a servis à équilibrer les comptes du club. Celle de Rivière a servi à acheter Ruffier et Mignot. Par ailleurs, Romeyer, qui est quelqu’un qui veut construire et travailler dans la durée, a estimé que racheter notre centre de formation et le moderniser, était un investissement plus intelligent que d’acheter comme à l’été 2009 des joueurs très chers, ce qui créé en plus ensuite une distorsion dans le vestiaire au niveau des salaires.
Eviter de trop gros écarts est donc devenu un principe fondamental ?
Oui, on a édicté un système de rémunération basé sur des fixes et des variables qui explique d’ailleurs que des gars comme Frau ou Wendel ne sont pas venus, ce qui est leur droit. On ne s’est pas mis d’accord parce que chez nous on a un système de prime qui fait que vous pouvez gagner 50% en plus de votre fixe, mais c’est sur la performance. Moi je suis persuadé que le vrai modèle pour Saint Etienne, c’est le LOSC d’il y a quatre ou cinq ans. On ne veut pas que quelqu’un vienne à l’ASSE pour l’argent en priorité, on veut une adhésion au projet sportif, avec donc un intéressement au résultat. On veut aussi un outil de travail, d’entraînement et de formation du meilleur niveau possible. Et surtout on ne veut pas de problème de vestiaire parce que tel joueur estime qu’un autre gagne beaucoup trop par rapport à lui. Or le plus souvent les problèmes de vestiaire viennent de là. Wendel il ne comprend pas pourquoi quand lui il est resté à 120 000 par mois d’autres comme Fernando sont passés à 200 ou 250 000. Tous les problèmes de Bordeaux depuis 18 mois viennent de ces distorsions de rémunération, idem à Saint Etienne quand le salaire de Gomis était deux fois supérieur à celui de Feindouno. Donc je trouve que Romeyer mène une gestion de bon père de famille, que les choix faits par Dominique Rocheteau et Christophe Galtier sont mesurés, malins, intelligents. J’aime bien quand des gars qui ont quitté notre championnat jeune y reviennent, comme Malbranque ou Sinama-Pongolle. On parle d’El Arabi ou de Toulalan qui partent, oui, mais il y en a qui reviennent, et non pas pour l’argent mais pour le projet sportif. Donc le recrutement on verra si il marche, mais il correspond à nos principes, les joueurs correspondent au profil de club que l’on est. On n’a pas dépassé 7 ou 8 millions sur un joueur qui deviendrait LA star. Regardez Gourcuff à Lyon l’an dernier, on est jamais sûr de réussir ce genre de coup, Gignac aussi à l’OM, et c’est toute la problématique aujourd’hui au PSG avec Pastore…
Pastore, justement… Quand on pense qu’en 2007 vous auriez pu l’avoir pour pas un rond…
C’est tout le problème du partage et de l’ego dans un club… Quand vous avez des gens qui écoutent et qui partagent il n’y a jamais de problème… J’avais demandé à ce que l’on fasse venir des jeunes d’Amérique du Sud en post-formation, parce qu’en France on est vraiment mauvais là-dessus comparé notamment aux Portugais, quand on voit Porto, Benfica, Braga… Et pourquoi on est nul ? Parce que les gens qui les jugent quand ils viennent faire un essai, ce sont les gens de la formation. C’est comme si vous demandiez à quelqu’un qui fabrique du pain de juger du pain italien, il vous dira toujours que le sien est meilleur. Et à l’époque c’est ce qu’on m’a dit, « on a mieux chez nous » . J’avais dit à l’époque « pourquoi vous ne prenez pas les droits économiques, ça vous coûte zéro, et derrière ça vous les prêtez et on ne sait pas ce qui peut se passer » . On m’a répondu « les gars du centre disent qu’ils ne passeront jamais pro » . Ça m’a beaucoup énervé pour deux raisons. D’abord, on parle souvent des quotas, mais moi j’ai l’impression que c’est l’inverse. On est ségrégationniste vis à vis des Sud Américains, contrairement aux Portugais, aux Espagnols ou aux Allemands, c’est eux qui nous les piquent en post-formation. Guarin, chez nous, c’est le gars qui n’allait jamais réussir alors qu’aujourd’hui Porto refuse 15 ou 20 millions pour le vendre ! Ça m’énerve parce que ça dénote un manque d’ouverture d’esprit et Dominique Rocheteau est en train de changer tout ça en développant le concept de post-formation, il n’y a pas qu’en France qu’on trouve des footballeurs, pourquoi pas en Asie même ? Chez nous on a Boyang qu’on a acheté à 18 ans en Afrique 300 000 euros, le meilleur joueur de la CAN des 17 ans. Il a été blessé l’an dernier mais bon…
« Un duel PSG-Marseille »
Donc si aujourd’hui un Pastore passe faire un essai, vous ne le raterez pas ?
Sur l’affaire Pastore il faut aussi dire une chose, c’était symptomatique de ce qui se passait en 2007, en France. La DTN vous disait « il faut prendre des grands, costauds, qui courent le 100m en neuf secondes » . Souvent, donc, des gars originaires d’Afrique… Ça a eu des conséquences terribles sur le niveau qu’on a aujourd’hui, et c’est pour ça qu’un Pastore, très technique mais avec un physique frêle, il ne correspondait pas à l’époque aux principes édictés au niveau des centres. Aujourd’hui, ça a changé.
Comment vous voyez évoluer le championnat ?
Le foot français va de plus en plus se résumer à un duel PSG-Marseille. Ils ont tous les deux un actionnaire très costaud financièrement. Aulas ou Seydoux ne sont pas riches à plusieurs milliards d’euros. Je vous fait remarquer que Margarita Louis Dreyfus, depuis qu’elle a pris le club, a investi autant que les Qataris, en trois ans certes, mais on atteint les 100 millions d’euros. Les systèmes des barrone italiens est en train de se mettre en place en France, avec des gens extrêmement riches qui sont propriétaires d’un club de foot. Si demain il faut mettre 100 millions d’euros, PSG et Marseille le peuvent, Lille et Lyon non, et encore moins Saint Etienne. On peut appeler ça l’ultra capitalisme, approuver ou non, c’est une vérité.
L’arrivée du Qatar sur le marché français, c’est une bonne nouvelle ?
Incontestablement ça profite à l’ensemble du foot français, ne serait-ce que sur les droits télé. Mais ça signifie surtout que des club comme nous, on doit être astucieux, imaginatifs, originaux, créatifs… Porto est moins riche que Paris ou l’OM mais Porto est aussi costaud parce qu’ils ont des principes d’organisation, de post-formation, etc… qui sont très intéressants. Il faut que nous on s’inspire de ce qui se fait ailleurs de mieux mais dans les clubs qui ont les mêmes moyens financiers que nous, pas la peine de regarder ailleurs, faire un chèque de 42 millions d’euros, on ne pourra jamais le faire. Les principes érigés chez nous sont basés sur le fait qu’on ne sera jamais les plus riches, on ne se bat pat sur le terrain de l’argent… Vous êtes un journal, vous êtes moins riche que les autres, mais vous avez trouvé une orientation créative et originale et ça marche, Saint-Etienne doit faire comme SoFoot !
Loulou Nicollin disait dans l’Equipe qu’il y a en L1 quinze clubs qui peuvent descendre…
Oui, et nous on le sait depuis 4 ou 5 ans. et c’est la raison pour laquelle on veut faire en sorte que, comme en Angleterre, un club qui descend reçoit pratiquement le même montant de droits télé que quand il était en Premier League. Si Lens redescend cette année c’est à cause de la première descente. Il est remonté sportivement mais économiquement il ne s’en est pas remis. Ça veut dire qu’on peut tuer un certain nombre de clubs importants qui ont des stades, des centres de formation, qui font des investissements, parce qu’à un moment donné il y a un accident industriel, c’est à dire comme à Lens, où il y a trois joueurs – Hilton, Rémy et Dindane – qui se blessent dans les deux derniers mois. Il faut donc réfléchir à une forme de solidarité de manière à ce que la descente ne soit pas une petite mort. A Monaco, il y a un actionnaire puissant mais pour tous les autres…
« Il reste de bonnes opportunités »
Reste qu’il y a plus de suspense pour le titre, et pour la relégation, et c’est bon pour le spectacle…
Le championnat est plus passionnant qu’à l’époque où tout le monde savait qu’il était pour Lyon, qui était le plus puissant financièrement. Ça, c’est fini, ça fait deux années de suite qu’il perd une cinquantaine de millions d’euros, il n’arrive plus à vendre ses joueurs… Moi j’ai trouvé extraordinaire une phrase d’Aulas qui n’a été relevée nulle part et je m’en étonne. Il disait en gros : « On est dans une situation délicate financièrement parce qu’on a essayé de gagner la Champion’s League, on aura réussi chez les femmes, pas chez les hommes » . Elle est magnifique cette phrase, non ? Vous dites ça à un cheval de bois il vous donne un coup de pied ! La Champion’s League féminine il y a trois clubs pro en Europe, et il a un budget de 5 millions d’euros, c’est lui qui le dit (chez nous c’est 200 000, c’est pas des professionnelles…). Tous les ans ils prennent les meilleurs joueuses et ils leur filent 20 000 euros par mois, il y a des clubs de Nationale ou de L2 qui ont à peine ce budget. Je pense que Lyon est en fin de cycle, en tout cas dans un tournant, avec son stade, sa politique de faire appel aux jeunes, qui n’est pas mauvaise d’ailleurs, si on forme c’est pour en tirer profit sur le terrain. Mais les jeunes il faut les faire jouer, et pendant quelques temps vous êtes un peu moins bons, il faut qu’ils prennent la mesure de la L1… Après, si on regarde bien, ce sont les jeunes qui les ont sauvés ces dernières saisons même sur le plan financier, les Ben Arfa, Rémy, Benzema. Ils l’ont bien compris, et c’est pour ça qu’ils ont pris Garde…
Et vous voyez qui remporter le titre ?
Je pense que l’OM est bien armé. Vincent Labrune s’investit bien, il connaît bien le football. Paris serait parti un mois plus tôt, pourquoi pas, mais je pense qu’ils vont accuser un certain retard. Ça nous a à la fois dérangés et arrangés parce qu’ils auraient pris Payet plus cher que Lille ne l’a fait, mais ils auraient aussi pris Ruffier plutôt que leur goal italien…
Et si les Qataris n’étaient pas venus, vous n’auriez pas vendu Matuidi à ce prix là, en tout cas en France…
C’est certain. Surtout que les prix qui sont donnés dans la presse ne sont pas les bons, mais Paris nous a demandé de respecter la confidentialité…
Et Janot à Evian, alors ?
Jérémie s’il reste on est content. S’il veut faire une année à Evian pour lui ça peut être une expérience intéressante, de toutes façons il a une reconversion à Saint Etienne, une année ou deux. Il fera comme il a envie, il a beaucoup apporté au club, on suivra son souhait.
Justement, il a eu le temps de mûrir l’arrivée de Ruffier ou bien c’était une surprise totale ?
C’est un garçon intelligent, il sait que Ruffier fait partie du top 5 en France, vous verrez qu’il sera bientôt en Equipe de France. Jérémie il est dans le top 10, il sait que Ruffier lui est supérieur, et on l’a fait parce que c’est une opportunité qui ne se serait pas représenté dans deux ans. Donc on aurait été très embêté pour trouver un successeur à Jérémie parce que chez les gardiens il y a des années où il n’y a pas de marché… Cette année, Lloris devait partir à Manchester et ils ont fait un autre choix. Mandanda, l’OM en voulait 15 ou 20 millions mais personne ne leur a proposé ça sinon ils auraient pris Ruffier, c’est ce qu’ils nous ont dit. Lille a Landreau, Bordeaux a Carasso, Paris a pris Douchez quin e leur suffit pas apparemment, bref, les places sont prises, les marchés soit c’est le jeu des chaises musicales soit c’est figé et là pour Galtier l’objectif c’était de consolider son axe central-gardien. D’où Ruffier donc, et Mignot-Paulao. Ca aurait pu être Congé de Toulouse ou Coulibaly d’Auxerre mais ça ne correspondait pas à nos moyens financiers. L’autre objectif c’était des joueurs plus adroits devant le but : Donc Sinama-Pongolle, le jeune Saadi que Galtier veut promouvoir, et Bergessio qui a bien fonctionné en Italie pendant sa demi-saison.
Les emplettes sont finies ?
Non ! Ce mercato démontre qu’il y a des sur-effectifs dans les clubs, donc encore de bonnes opportunités. Il est curieux ce mercato d’ailleurs : Féret pour 3 millions, Coutadeur 3,5, N’koulou 3… A part Rivière sur le marché franco-français aucun joueur non international n’est parti à plus de 4 millions d’euros. Et il y a moins de mouvement de L2 à L1 parce que la L2 a mis haut le niveau de ses joueurs. Les Alessandini, Mendès, si ça bloque, c’est parce que les clubs de L2 sont trop gourmands…
Propos recueillis par Vincent Riou
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