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Bernd Dürnberger, la star oubliée
Il a été pendant longtemps le joueur allemand ayant disputé le plus de matchs en Coupe d'Europe. Trois fois vainqueur (entre autres) de la C1 avec le Bayern Munich, Bernd Dürnberger est le Teuton le plus titré à n'avoir jamais porté la tunique de la Nationalmannschaft. Une anomalie qui s'explique par des rendez-vous manqués, mais aussi par la discrétion du bonhomme.
17 mars 1976. Le Bayern Munich, double champion d’Europe en titre, reçoit le Benfica Lisbonne en quarts de finale retour de la C1. À Lisbonne, les deux équipes s’étaient neutralisées (0-0). Beckenbauer, Hoeness, Müller et compagnie galèrent face aux Lisboètes, et savent pertinemment qu’un but encaissé contrarierait fortement leurs projets de triplé. Le Bayern tremble, et finit par encaisser un but de Jordao (47e), refusé pour un hors-jeu douteux. Et finalement, quelques secondes plus tard, la délivrance va venir d’un joueur improbable : Bernd Dürnberger. En sept minutes, l’ailier reconverti milieu va trouver la faille par deux fois (49e, 56e) et mettre son équipe sur de bons rails. Le Bayern finira par s’imposer 5-1 et se qualifiera pour le dernier carré. Alors que l’entraîneur Dettmar Cramer loue la polyvalence et l’activité de son joueur, Dürnberger la joue modeste devant les micros : « Marquer deux buts ne fait pas de toi une star. »
Le coéquipier modèle
Une phrase à l’image du bonhomme, en somme. Originaire de Kirchanschöring, un bled situé non loin de la frontière autrichienne, Dürnberger est repéré par le père de Paul Breitner (qui s’appelle aussi Paul) et signe au Bayern Munich en 1972. Sans faire de bruit, le jeune homme fait très vite son trou au milieu d’un effectif de stars, avale les kilomètres et s’installe durablement dans l’entrejeu bavarois. L’Arbeitsbiene (abeille travailleuse) est de tous les succès de l’époque : cinq Meisterchale (73, 74, 80, 81, 85), deux Pokale (82, 84) et, bien sûr, trois succès de rang en Coupe d’Europe des clubs champions. Pour mesurer l’importance du joueur au sein d’une équipe avec des joueurs parmi les plus importants des années 70, il suffit de se pencher sur l’épopée de 1976 : après avoir montré la voie face au Benfica, Dürnberger mettra Netzer sous l’éteignoir en demies. Résultat : le Bayern domine le Real Madrid (2-0, 0-0) avant de devenir le cauchemar des Verts en finale et de concrétiser son rêve de triplé.
Avec une telle influence sur le jeu bavarois et un tel palmarès, Dürnberger aurait dû avoir sa chance en équipe nationale. À vrai dire, il a failli l’avoir. En effet, il faisait partie des joueurs qu’observait Helmut Schön, le sélectionneur de l’époque, et avait même disputé quelques rencontres en équipe B. Après la C1 de 1976, Dürnberger faisait partie des favoris pour aller à l’Euro. Seulement, une sale blessure au genou le contraindra à déclarer forfait. Dur. D’autant plus que, lorsqu’il reviendra sur les terrains, son ménisque ne le laissera pas tranquille. Dürnberger est obligé de s’arrêter une nouvelle fois. Et alors qu’il est sur le point de tout laisser tomber, il s’accroche, et finit par revenir et regagner sa place de titulaire. Pour le plus grand bonheur de tous ses coéquipiers, qui l’adorent. Grand amateur de jeux de cartes, Dürnberger plumait régulièrement ses coéquipiers quand le Bayern jouait à l’extérieur. « Je crois que c’est avec l’argent gagné au Schafkopf [jeu de cartes très prisé des Allemands] qu’il a pu se construire une maison » , plaisantera son grand copain de l’époque, Paul Breitner.
Le triomphe modeste
Au début des années 80, le Bayern Munich reconquerra le titre de champion d’Allemagne et débutera une nouvelle ère, grâce – entre autres – à l’abattage de Dürnberger. Mais l’équipe nationale n’est plus d’actualité. Il reste à ce jour comme le joueur le plus titré n’ayant jamais porté le « vrai » maillot frappé de l’Aigle. Mais au final, il s’en fout. Interrogé à ce sujet lors de son 60e anniversaire par le quotidien TZ, Dürnberger répondra qu’il était « déjà heureux de pouvoir revenir avec le Bayern Munich [après sa grave blessure au genou] » . Un homme simple, qui n’aimait pas trop le devant de la scène, et qui se contentait de faire son travail, de courir partout pour ses coéquipiers. Aujourd’hui retiré dans son village de Kirchanschöring, Dürnberger n’a plus vraiment de lien avec la « famille » Bayern. Il discute avec les anciens quand il les croise au stade, mais c’est tout. De toute façon, comme disait de lui l’immense Max Merkel, « il n’aime pas le champagne. Il préfère soulever des Maße de bière avec ses vieux copains maçons » . Un homme au triomphe modeste.
Par Ali Farhat