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WWI : le premier prisonnier de guerre était un footballeur

Par Nicolas Kssis-Martov
WWI : le premier prisonnier de guerre était un footballeur

4 août 1914, répondant à l'appel de la Belgique envahie par les troupes allemandes, le Royaume-Uni déclare la guerre à l'Allemagne, entrant dans un engrenage sanglant et impitoyable. Si la guerre ne réjouit pas grand monde en soi, cette déclaration fait directement le malheur d'un homme : Steve Bloomer, un ancien joueur de Derby County venu se reconvertir entraîneur à Berlin et devenu un des premiers prisonniers de guerre anglais…

1914. Le foot commence modestement à s’internationaliser. Toutefois au sein de cette nouvelle religion, l’Angleterre en reste l’épicentre, le seul pays qui peut se targuer alors de posséder un foot digne de ce nom, avec une pratique de masse, y compris dans les milieux populaires, et un professionnalisme déjà bien installé depuis son premier championnat en 1888. En Allemagne, en revanche, si ce sport connaît un essor indéniable, il se heurte aux puissantes sociétés de gymnastique, les Turnen, qui comptent près d’un million de membres et qui regardent ces pratiques anglophiles avec une suspicion toute nationaliste. Toutefois, malgré cela, et en s’appuyant sur quelques pionniers issus de la bourgeoisie juive ou les premiers clubs ouvriers, le ballon rond gagne du terrain. À la veille de la guerre, pas moins de 200 000 footeux sont rassemblés dans la DFB (Deutscher Fußball-Bund), fondée en 1900. Dans un souci de reconnaissance et de sérieux, quelques associations commencent même à recruter en perfide Albion des anciens pros, qui viennent y porter la bonne parole et se reconvertir sans grosse pression (la MLS n’a rien inventé !).

C’est ainsi qu’en plein mois de juillet 1914, Steve Bloomer débarque pour venir diriger l’équipe première de Britannia Berlin 92, vénérable institution locale qui, comme son nom l’indique, est une pure projection de l’influence anglaise sur le Vieux Continent. Cet ancien joueur et international (à l’époque, une cape s’avère un peu moins prisée qu’actuellement) qui fit les beaux jours de Derby County – il fut le meilleur buteur de première division en 1896, 1897, 1899, 1901 et 1904 – prend donc son bâton de pèlerin pour venir aider à bâtir la domination, alors fragile, du foot chez ce brave Guillaume II. Par ailleurs, auréolé de sa petite renommée (après tout, il demeure encore le second meilleur buteur de l’histoire du championnat anglais), il pense aussi couler des jours heureux et tranquilles sur les bords de la Spree en attendant, à l’instar du reste de l’Europe, que ces sempiternelles remous dans les Balkans se calment et que tout le monde retourne se disputer son bout d’empire en Afrique ou en Asie.

En cellule avec le futur coach des Bleus

Malheureusement, l’histoire a décidé de changer de cap. C’est ainsi que lui et tous les Anglais résidant du mauvais côté du front se retrouvent internés dans des camps pour civils, avant parfois que les Tommies aient tiré un seul coup de feu. Il atterrit de la sorte dans les baraquements de Ruhleben, un ancien relais de diligence à l’Ouest de Berlin. Au sein de cette petite ville, qui accueillera jusqu’à 5000 âmes, certains habitants ne sont pas non plus totalement des inconnus. D’autres joueurs pros anglais, ou même sportifs (l’époque est encore assez portée sur l’omnisport, et notre Steve Bloomer fut un excellent joueur de base-ball et de cricket, ce qu’il pourra démontrer au sein du camp) y prennent aussi désormais une petite retraite forcée. Pour en revenir aux footeux, Steve Bloomer peut donc apprécier la compagnie de Fred Spiksley, ex de Sheffield Wednesday et qui avait les reines du FC Nuremberg au moment du début des hostilités, Samuel Wolstenholme d’Everton et qui s’occupait de la sélection de la Norddeutscher Fußball-Verband, l’Écossais John Cameron des Spurs, John Brearley qui veillait sur Viktoria 89 Berlin, et bien sûr Fred Pentland de Middlesbrough et futur coach en 1920 l’équipe de France olympique avant de réaliser une belle carrière d’entraîneur en Espagne (notamment à l’Athletico Bilbao)…

Tout ce beau monde décide de recréer à l’intérieur du camp une « football association » et un championnat à l’identique de ce qu’ils ont connu chez eux. Ce sera l’un des paradoxes de la première guerre d’ailleurs. Loin de freiner le développement du foot, la mobilisation générale et de masse, avec cette jeunesse rassemblée que ce soit au front et bien sûr dans les camps de prisonniers – l’inaction aidant – va constituer une immense caisse de résonance pour le ballon rond, dont les Anglais engagés dans les conflits ne seront pas les derniers agents de propagande (la France en sera également un bon exemple entre l’envoi de « cuirs » au front et la naissance en 1918, avant même la fin du conflit, de la Coupe de France actuelle, nommé Charles Simon en hommage à un dirigeant du foot catho tombé au champ d’honneur).

Retraite en Espagne

Donc quelque part dans le district de Spandau, alors qu’au pays le championnat est interrompu, on peut donc applaudir les exploits de teams portant les noms des grands clubs prestigieux de l’époque, avec mêmes certaines de leur anciennes gloires dans l’effectif. Steve Bloomer endossera de son coté le rôle de capitaine éphémère d’un Tottenham Hotspur XI. Quand la guerre se terminera, il partira lui aussi en Espagne profiter justement de l’essor de son sport durant le conflit. Il emmènera notamment le Real Unión de Irun rafler la victoire en Copa del Rey à la barbe du Real de Madrid en 1924. Finalement, ce ne fut pas une mauvaise idée de passer – involontairement – la guerre à l’arrière. Même chez l’ennemi…

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