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Vugar Huseynzade : « Football Manager m’a apporté des connaissances basiques »

Propos recueillis par Nicolas Jucha
Vugar Huseynzade : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Football Manager m&rsquo;a apporté des connaissances basiques<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Vugar Huseynzade avait défrayé la chronique fin 2012 alors qu'il était intronisé directeur sportif du FC Bakou par Hafiz Mammadov - le proprio de Lens - à 21 ans et une décennie d'exploits sur Football Manager au compteur. L'expérience a pris fin en janvier 2014, il raconte.

C’était l’un des buzz de fin 2012 : en Azerbaïdjan, un jeune homme de 21 ans venait d’être nommé directeur sportif du FC Bakou sur la seule foi, selon la presse, d’une expérience d’une décennie sur Football Manager. Dans les faits, Vugar Huseynzade était également un jeune diplômé en business management et un proche du propriétaire du club, l’homme d’affaires Hafiz Mammadov, le même qui a donné des sueurs froides à Gervais Martel et aux supporters du Racing Club de Lens. Quelques mois après son départ du club azéri en janvier dernier, Vugar Huseynzade a accepté de livrer sa version pour So Foot. S’il reconnaît que jouer à Football Manager l’a légèrement aidé, il s’agace de cet effet d’annonce qui masque les vrais raisons de sa nomination : du talent et de l’instinct. Tel un Mourinho au plus haut de sa forme, il se sent « Special » .

So Foot : comment es-tu arrivé à la tête du FC Bakou ?

Vugar Huseynzade : Au départ, j’étais arrivé dans le club comme assistant du vice-président, Anar Mammadov, accessoirement le frère du président Hafiz Mammadov. Mon boulot consistait à m’occuper de tout ce qu’il n’avait pas le temps de gérer au club, car il était également vice-président de l’une des entreprises de son frère (Baglan Group FZCO). Quelques mois après, j’ai eu l’opportunité de passer directeur sportif. Ce n’est pas tous les jours qu’on a une telle opportunité, j’ai accepté le poste.

La légende raconte que tu as obtenu le poste après avoir rencontré le président dans un hôtel en Lituanie…

Cette rencontre avec Hafiz Mammedov s’est déroulée quand j’avais 16 ou 17 ans, c’est mon premier contact. Son frère Anar était là également. Le job, je l’ai obtenu sur décision du président, c’est sa signature sur le contrat… Mon profil n’était pas tant sportif mais économique, j’ai un cursus orienté business management, plus précisément un diplôme de « business administration » (ndlr : équivalent à un DEUG) à l’université de Boston. Ensuite, j’ai rapidement commencé à travailler pour différentes entreprises, notamment en Suède, car il y avait beaucoup d’offres et opportunités. Mais ces jobs n’étaient pas forcément ce qui me permettait de m’épanouir : pas forcément passionnants, pas forcément bien payés… Quand l’opportunité de rejoindre le FC Bakou s’est présentée, c’était différent : un univers qui me passionne, une place relativement importante, et puis le salaire…

Tu étais payé combien ?

Mon salaire de directeur sportif était grandement indexé sur des bonus. Je n’ai pas envie de le dévoiler, mais pour l’anecdote, un jour je discutais avec Jocelyn Blanchard, du RC Lens, à propos de ces choses-là. Même en France, mon salaire était très intéressant…

Pourquoi quitter le FC Bakou ?

Au départ, j’avais l’opportunité de rejoindre un club de première division en Suède. Le salaire était moins élevé qu’à Bakou, mais je sentais que c’était mieux pour ma carrière, me rapprocher de l’Europe de l’Ouest. J’avais besoin de rentrer là où se trouvaient ma famille, mes amis, j’étais resté loin de la Suède pendant quatre ans : deux ans aux États-Unis et deux ans en Azerbaïdjan. J’étais persuadé que c’était une bonne chose de rentrer, et comme j’avais une bonne relation avec Hafiz, je savais qu’il comprendrait. On s’est quittés en bons termes, mais malgré tout, dans le club, certains l’ont mal pris. Je resterai toujours reconnaissant envers le président Mammadov pour l’opportunité qu’il m’a offerte. En janvier, on a eu une réunion, j’ai expliqué ma situation, et le président m’a souhaité bonne chance. Preuve que tout va bien entre nous, on était au téléphone il y a moins de deux semaines. (Sourire aux lèvres) « I am still his guy » , tu comprends ?

Dans le job, quelles étaient tes qualités principales ?

Je crois en mes capacités, j’ai de bonnes connaissances, mais surtout, j’ai un excellent instinct pour les affaires. Pour moi, l’instinct est le plus important parce que parfois tu dois prendre des risques dans tes projets, mais tu as seulement le droit de prendre le bon risque…

Un bilan de ton action comme directeur sportif ?

Je vais te dire les choses clairement : quand tu installes dans une telle posistion un mec qui revient à peine de deux ans d’études aux États-Unis, c’est obligé qu’il fasse des erreurs. J’en ai fait plein. Ce qui me gêne, c’est de ne pas avoir obtenu toute l’aide que j’espérais obtenir au départ. Pas mal de personnes étaient jalouses de moi, notamment parce qu’elles étaient en mesure d’obtenir le poste avant que je n’arrive. On m’a mis pas mal de bâtons dans les roues, mais je me suis adapté. Ma première recrue, Marius Pena, il a fait la fin de la préparation avec l’équipe première, seulement trois ou quatre entraînements dans les jambes, il a marqué un doublé pour son premier match et a enchaîné, preuve que je ne m’étais pas trompé.

Tu aurais évalué le joueur sur Football Manager avant de le recruter… C’est vrai ?
(Désabusé)Ok, laisse-moi donner ma version. Je l’ai d’abord supervisé, et ensuite, seulement ensuite, j’ai regardé ses notes dans Football Manager… Je me souviens l’avoir vu pour la première fois lors d’un match de Champions League entre Otelul Galati, son club, et Manchester City. Je précise, un match de Champions League dans la vie réelle, pas Football Manager… Il était très bon ce soir-là, et ce match, je l’ai vu avant de devenir directeur sportif du FC Bakou. Un jour, on a eu besoin d’un avant-centre, Pena avait le profil parfait. Si tu regardes ses faits d’armes, cela a été une bonne acquisition pour nous (ndlr : 5 buts en 9 matchs en 2013, un seul en sept matchs en 2014).

Tu parles de bâtons dans les roues, tu peux t’expliquer ? Il se dit notamment que les joueurs te manquaient de respect…

Les joueurs ont des personnalités très spéciales. Ils s’entraînent énormément, doivent s’impliquer plus que je ne l’imaginais afin de préparer un match. N’importe quel détail dans un grand club de football peut devenir un gros problème. Mais je suis quelqu’un qui a le souci des détails, je ne vais pas dire qu’il n’y avait jamais de problèmes, mais quand il y en avait, je les réglais autant que possible. Le plus gros souci, cela a été que certains ne m’ont pas accepté, ne voulaient pas travailler avec moi selon mes conditions. J’ai une forte personnnalité, on m’aime ou on ne m’aime pas, mais c’est rarement entre les deux. Certains ne voulaient pas travailler avec moi aussi à cause de mon jeune âge. Mais avec le temps, j’ai prouvé que je prenais ce job au sérieux et qu’il ne fallait pas me juger sur mon âge. Mais au final, on a eu une équipe avec une bonne ambiance, même si les résultats n’ont pas été exceptionnels la première saison. Je m’entendais très bien avec le premier entraîneur que j’ai cotoyé, Božidar Bandović. Surtout que les choses étaient claires : à lui le terrain, à moi le business, c’est-à-dire les négociations de transfert, le branding, les relations presse…

Quels ont été tes plus grands moments d’émotion ?

Quand j’ai été nommé directeur sportif, l’équipe était 11e du championnat sur douze, au mois de novembre. On a terminé la saison 5e. Mon premier match, on l’a gagné 2-1, le deuxième, on le gagne 3-1, tout le monde était euphorique. Le troisième, on le perd face à une équipe de haut de tableau à cause de l’arbitrage : on menait 1-0, puis on a pris deux rouges et un penalty à la 94e minute… Là, c’était fort émotionnellement, car on avait tout pour gagner et finalement on perd à la toute fin. C’est la première fois que j’ai vraiment senti la frénésie du football. La mienne, mais aussi celle du staff technique, des joueurs, j’étais aux premières loges pour voir leur déception. Avant ce jour, j’étais un mec lambda qui regardait le football à la télévision le soir. Ce jour-là, j’étais dans le vestiaire, au milieu de joueurs de plein de nationalités différentes… La plus grosse émotion reste cependant une demi-finale de Coupe d’Azerbaïdjan contre l’équipe de John Toshack, Khazar Lankaran. On avait gagné le premier match 1-0, en manquant une bonne cinquantaine d’occasions. Le retour, on l’a perdu 2-0 sur des petites erreurs défensives. Mon but était d’atteindre la finale afin de nous qualifier pour la Ligue Europa. Cela restera mon plus grand regret à la tête du FC Bakou.

Par rapport aux joueurs, y a-t-il eu de gros défis à relever dans leur gestion ?

Je n’ai pas eu de conflit avec un joueur durant mon expérience de directeur sportif, mais j’ai dû arranger des situations difficiles entre joueurs. On avait des gars de 16 pays différents, et crois-moi, faire en sorte que des personnes issues de 16 pays différents s’entendent, c’est un challenge. Cultures, religions, les différences sont nombreuses. Une simple blague peut tourner au drame. Mais bon, on avait une bonne équipe, une bonne atmosphère. Une anecdote : la plupart de mes primes, je les dépensais pour inviter les joueurs et le staff au restaurant ou à des événements. Mon idée était de créer une vie de groupe, de faire en sorte que nous passions du bon temps ensemble. J’ai ainsi développé une bonne relation avec l’ensemble des joueurs.

La vie était belle à Bakou ?

Ce n’était pas un club pauvre, on avait un bon budget, et à chaque fois que l’on avait besoin de quelque chose, on l’obtenait. Pour les déplacements, on avait les meilleurs hôtels, nos structures d’entraînement comme notre centre de formation étaient au top par rapport aux standards régionaux. Difficile de trouver mieux dans la région. On avait de grandes possibilités financières.

Sur le plan personnel, tu vivais comme un VIP ?

(Rires) J’étais consacré à l’équipe 24 heures sur 24, 7 jours sur 7… Je n’avais pas tellement de temps pour aller flâner et m’amuser tout seul. J’ai bossé à fond pendant deux ans. Les gros problèmes comme les petits, j’ai tout géré, je suis quelqu’un de responsable. C’est cool de vivre en Azerbaïdjan, le pays de mes parents, mais je bossais énormément.

Le jour où tu as été nommé, l’attention médiatique a été énorme, cela t’a choqué ? On a mentionné ton âge, et ton expérience sur Football Manager

(Agacé) Cela a été le réel choc pour moi. Je ne sais pas pourquoi les médias ont écrit que j’avais obtenu le job à cause de Football Manager, parce que ce n’est pas la réalité ! Ok ? La vérité c’est qu’un journaliste m’a demandé quelle expérience j’avais dans le football, et j’ai voulu répondre avec humour, et j’ai donc dit « ma seule expérience en football, je la dois à Football Manager » . Tu vois ? Cela a l’air plutôt marrant et ce n’est pas sérieux. Mais les journalistes l’ont pris au premier degré et on commencé à écrire que j’avais obtenu le job à cause de Football Manager… Ce n’est pas la réalité.

D’après toi, pourquoi as-tu eu le poste ?

D’après moi, j’ai eu le poste parce que quelqu’un a cru en moi, je suis spécial par rapport à mon âge, j’ai de l’instinct. J’ai aussi étudié le management, et je pense que ce sont ces compétences-là qui m’ont valu d’être intronisé directeur sportif.

Football Manager ne t’a pas aidé un peu dans ton travail quotidien ? Quelques réflexes utiles dans la gestion du club ?

Quand j’ai obtenu le poste, on n’a pas parlé de mes connaissances footballistiques, ce sont mes compétences en business qui ont été considérées, on a évalué mes capacités en management et en administratif. Je n’avais rien à faire avec le terrain, je n’étais pas entraîneur. J’aurais pu occuper le même poste dans un club de hockey sur glace, c’était le même métier. Je n’avais rien à voir avec la préparation tactique, l’entraînement, moi je gérais le quotidien du club et de l’équipe : les transferts, mettre en place une cellule de recrutement, l’administratif… Football Manager m’a apporté des connaissances basiques. Par exemple, si j’ai trois bons gardiens, pourquoi devrais-je en acheter dix de plus ? C’est très basique, mais c’était toujours utile de le savoir. Dans Football Manager, il y a beaucoup de détails, cela peut aider d’une certaine manière. Je pense notamment aux négociations avec des agents. Négocier avec un agent, c’est totalement différent d’une négociation dans un autre secteur d’activité : ils vous offrent un « produit » , et ce « produit » , peu importe qu’il soit bon ou mauvais, la seule chose qui compte c’est qu’il a été bon avant la négociation. Acheter un joueur, c’est un investissement. Dans ma mission comme directeur sportif, ce n’est pas Football Manager qui m’a le plus aidé, mais cela m’a aidé un peu quand même…

Propos recueillis par Nicolas Jucha

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