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Arthur Pontet, victime d'une commotion : « J'ai perdu des capacités cognitives »
Formé à Lyon à côté des Barcola, Cherki et Lukeba, Arthur Pontet menait tranquillement sa carrière. Jusqu'à ce jour d'octobre 2023, où le défenseur d'Annecy est victime d'une commotion à l'entraînement. Âgé de 24 ans, il a renoncé à reprendre le foot en raison des symptômes persistants. Entretien à tête reposée avec un homme forcé de se réinventer.

Te souviens-tu précisément de ce qu’il s’est passé, ce 13 octobre 2023 ?
J’étais à l’entraînement avec l’équipe première du FC Annecy, j’avais la balle et on m’a taclé : en retombant, ma tête a tapé le sol. Sur le coup, j’étais un peu sonné. Mais il restait dix minutes de jeu, donc je suis revenu sur le terrain et j’ai terminé l’entraînement : ça allait. Une fois que l’entraînement s’est terminé, par contre, je me suis senti un peu dans le flou et au ralenti : c’est là où j’ai commencé à ressentir des symptômes. Je vois un kiné qui me fait quelques tests, il me dit de le tenir au courant si jamais j’avais des nausées ou si je ne me sentais pas bien. J’ai été arrêté quelques jours, mais j’avais encore des maux de tête au moment de reprendre. Depuis, ils ne sont pas partis.
Quand tu vois que tes maux de tête s’installent plusieurs jours, ça t’inquiète ?
Au début, pas forcément : je me dis que ça va partir. Mais au bout de deux ou trois semaines, je commence à me dire que ce n’est pas normal. Même quand je ne fais pas de sport ou que je suis seul chez moi à ne rien faire, j’ai des maux de tête contraignants et je suis très fatigué. Je me dis qu’il y a un truc bizarre.
Tu as essayé de forcer les choses pour revenir ?
Au début, je n’avais pas conscience des risques que je pouvais prendre. Un neurologue m’avait prescrit un médicament en m’assurant que les maux de tête allaient diminuer, qu’il n’y avait pas de contre-indication. Ça m’avait rassuré, donc j’ai repris les entraînements au bout de deux ou trois mois. J’ai fait quelques matchs de championnat, mais ça ne passait toujours pas. J’ai consulté le médecin du LOU rugby qui est spécialisé dans les commotions, et il m’a alerté : « Là, ça fait déjà quatre mois et il y a des risques que ça s’aggrave si tu prends un impact. » J’ai réalisé que c’était vraiment sérieux, j’ai d’ailleurs fait des tests qui ont montré que j’avais perdu des capacités au niveau cognitif. J’avais perdu en traitement de l’information, en mémoire et en concentration. J’ai vu la différence avec la rééducation.
J’étais allé voir un match à Lyon et en sortant, j’avais la tête en feu. Tout ce qui est boîte de nuit ou bar, c’est pareil : j’essaie d’éviter.
Tu ressens toujours des symptômes, aujourd’hui ?
Oui, toujours des maux de tête, quasiment en permanence. J’ai toujours, au moins, un petit fond. C’est accentué par l’effort cognitif quand je suis trop sollicité par du bruit, de la lumière, les écrans, le sport à trop haute intensité.
Ça t’a obligé à modifier ton comportement ou tes habitudes ?
Forcément. J’étais allé voir un match à Lyon et en sortant, j’avais la tête en feu. Tout ce qui est boîte de nuit ou bar, c’est pareil : j’essaie d’éviter. Je n’en fréquentais pas trop, de base. Mais c’est clair qu’aller en boîte de nuit, c’est impensable. Au niveau du sport, j’arrive à refaire certaines choses : je cours et je fais de la musculation, mais ça s’arrête là. Le foot, ce n’est pas encore envisageable.
Même pas de passes avec des potes ?
Je pourrais, mais ce serait encore plus frustrant. Tu as envie de faire plus, et tu te rends compte que tu as des limites. S’entraîner en groupe avec une équipe, ça n’a rien à voir. Ça ne donne pas envie quand tu vois que physiquement, tu n’es pas capable. Je me contente de faire de la musculation, de la course… Des choses qui changent un petit peu, mais qui font du bien au corps et à la tête.
Tu as ressenti un vide en étant privé de foot dans ton quotidien ?
Au début, c’était très bizarre. C’est brutal, tu passes du tout au tout. Très vite, je me suis ouvert à d’autres domaines. Il fallait que je profite de cette période pour faire autre chose, je n’allais pas rester là à attendre que ça passe. J’en ai profité pour faire des formations, m’intéresser à d’autres domaines : c’est la partie positive. Aujourd’hui, je n’ai plus le foot. Mais j’arrive à trouver du plaisir, de la satisfaction et du challenge ailleurs.
Quelles formations as-tu suivies ?
Dans un premier temps, j’ai suivi une formation en immobilier avec l’UNFP. Ça m’a bien plu, donc j’ai créé ma propre structure dans laquelle je fais de l’investissement immobilier. J’ai aussi suivi une formation en nutrition sportive, ce domaine m’intéressait déjà et j’ai amélioré mes compétences. Ça m’a donné une légitimité, puisque j’ai obtenu un diplôme. Cuisiner ne me déclenchait pas de maux de tête, au contraire : ça m’apaisait. J’ai écrit un livre en rapport avec la nutrition, avec des recettes de cuisine pour sportifs (Les plaisirs healthy, 2024). Ça m’a permis de m’échapper de cette routine, de compenser le fait d’être privé de sport. Depuis quelques mois, je me rapproche aussi d’une agence de joueurs qui a toute une partie assurance/investissements et je viens apporter mon expérience pour développer cette structure.
Je me suis fait baptiser pendant cette période, j’ai pu suivre un cheminement. Dans mon quotidien de footeux, je ne l’aurais jamais fait avec mon emploi du temps.
Cette longue période d’arrêt t’a permis de te réinventer ?
Exactement, j’ai pu me rendre compte que j’étais capable de faire des choses en dehors du foot. Dans un quotidien à toujours s’entraîner, on est dans une bulle et on ne s’ouvre pas forcément au monde extérieur. J’ai pu faire plein de choses que je ne pouvais pas faire avant. Moi qui suis très croyant, j’ai entamé des démarches et je me suis fait baptiser pendant cette période. J’ai pu suivre un cheminement. Dans mon quotidien de footeux, je ne l’aurais jamais fait avec mon emploi du temps.
À quel moment as-tu définitivement renoncé à poursuivre ta carrière ?
Il y a quelques mois, j’ai fait la balance bénéfices/risques : est-ce que ça vaut vraiment le coup que je réessaie de jouer et que je prenne des risques pour ma santé, que j’en paie potentiellement les conséquences plus tard ? En ayant ces autres projets à côté, le choix s’est fait naturellement. Je le vis très bien parce que j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir, il y a des choses qu’on ne maîtrise pas et je suis déjà fier de mon parcours jusqu’à présent.
Quels sont les grands moments que tu retiendras de ta carrière ?
À l’OL, je signe dans le club dont je suis fan. Puis je joue des grosses compétitions comme la Youth League, avec des joueurs qui sont aujourd’hui au top niveau : Bradley Barcola, Malo Gusto, Castello Lukeba, Pierre Kalulu, Amine Gouiri, Rayan Cherki, Maxence Caqueret… On a été formés ensemble. Le centre de formation, les amitiés que j’ai créées : toutes ces choses, même à Nîmes en Ligue 2, sont des souvenirs incroyables.
Pas de regret de ne pas avoir pu jouer en Ligue 2, alors que tu en étais tout proche avec Nîmes en 2021-2022 ?
Si, c’est mon seul regret. Je sais que je le méritais, tout le monde au club était unanime là-dessus. Il y a un tas d’histoires saugrenues sur la politique du président à l’époque… Mais bon, au fond de moi, je sais que je le méritais et je ne pouvais pas faire plus.
Le monde du foot commence tout juste à se saisir du sujet des commotions, qu’est-ce que tu voudrais dire là-dessus ?
J’encourage ceux qui en sont victimes à prendre conscience qu’il y a des risques, à être hyper vigilants dans les premières semaines et à ne retourner sur le terrain qu’à partir du moment où ils savent que c’est derrière eux. On voit des joueurs commotionnés qui forcent parfois pour revenir sur le terrain, ce n’est pas la solution. Florent Duparchy, avec qui j’ai joué à l’OL, a été victime de ça lui aussi et il a dû arrêter sa carrière. Ce serait bien si les instances pouvaient s’inspirer de ce qui se fait dans le rugby et le foot américain pour faire avancer les choses, pour protéger les joueurs. Ils ont plus de recul et des tests beaucoup plus précis, des capteurs dans les protège-dents… Dès qu’il y a une commotion, ils mettent le joueur de côté. Dans le foot, il faudrait que le joueur soit analysé par un médecin pendant vingt minutes à la moindre suspicion. On pourrait envisager qu’il soit remplacé pendant ce laps de temps, pour que l’équipe ne soit pas en infériorité numérique.
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