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Ultras niçois : le chant des méprisants ?

Par Nicolas Kssis-Martov
Ultras niçois : le chant des méprisants ?

Devant l’immense émotion suscitée par leur chant moquant la mort d’Emiliano Sala, les ultras niçois de la Brigade Nice Sud ont fini par répondre avec un long communiqué argumenté. Si on y devine des regrets, si des excuses y sont formulées, le plus intéressant ne réside peut-être pas dans les contre-feux allumés, mais dans la manière dont, pour une fois, un groupe assume collectivement et se défend.

Il ne s’agit évidemment ni d’excuser ni de chercher des justifications à un dérapage qui sonnait faux et insultant (et dont la raison d’être ce soir-là nous échappe largement). Toutefois, il n’est pas inutile de lire avec un peu d’attention ce que les supporters de la Populaire Sud ont tenté d’expliquer. D’une certaine façon, tout leur argumentaire révèle le décalage entre le vécu ou les codes des tribunes et le reste de la société, y compris au sein du petit monde du football. En témoigne d’ailleurs le passage contre Galtier, qui avait fustigé ceux qui doivent « rester chez eux », une « sortie médiatique de notre entraîneur et communication à la hâte du club avec des mots acerbes pour jeter le discrédit sur tout un groupe ». Le groupe réitère « une nouvelle fois ses plus sincères condoléances à la famille d’Emiliano Sala ». Il en profite pour pointer du doigt « la mémoire sélective de certains » les empêchant « de se souvenir(qu’ils lui avaient) rendu hommage lors de sa disparition et (qu’ils avaient) fait de même lors de la finale ».

De fait, la culture et le vécu des ultras semblent inconciliables avec l’ampleur de l’indignation qui a suivi ce refrain, de la ministre des Sports au maire de Nice. Deux temporalités qui ne se rencontrent pas. « Des erreurs ont été faites tout au long de notre existence bien évidemment. Mais êtes-vous tous parfaits ? Qui êtes-vous pour juger et critiquer à la moindre occasion ? Pourquoi relever uniquement ce qui peut choquer la morale et ne pas dénoncer les autres dérives ? Peines de prison démesurées, interdictions de déplacements, interdictions de stade, tirs de flash-ball dans le visage, passages à tabac, gardes à vue abusives, contrôles absurdes, parcages comme des animaux sans buvette ni toilette.[…]En réalité ? Vos indignations sont fausses et vous donnent bonne conscience. » Quand les réseaux sociaux ou les plateaux télé dénoncent l’indécence de leur chant, les ultras posent sur la table leur foi et leur engagement en faveur du club au cours de « 37 ans de bons et loyaux services ». Dialogue sourd entre le temps long des déplacements en car et la réactivité d’une société les yeux rivés sur ses écrans.

Brûlure au second degré ?

Second point, le groupe assume en son nom. La démarche est suffisamment rare dans ce genre de situation pour être notée. « Si nous comprenons évidemment l’émoi que peuvent susciter les paroles de ce chant, le second degré est partie intégrante de la culture ultra », peut-on lire. Ce gap émerge régulièrement, autour des insultes homophobes et sexistes envers les fans adverses. Ce fameux second degré avait déjà défrayé la chronique autour d’une banderole parisienne ciblant les Lensois ( « Pédophiles, chômeurs, consanguins : bienvenue chez les Ch’tis » ) lors d’une finale de Coupe de la Ligue en 2008. Cette réalité n’est pas spécifique à l’Hexagone, et en Angleterre, par exemple, Manchester United subit longtemps des chants rappelant avec ironie le crash de 1958 qui décima les Red Devils. À l’heure où Elon Musk rachète Twitter au nom de la liberté absolue d’expression, ce type de débat ne se limite en outre pas aux seules limites du stade. En revanche, si l’obscène ritournelle de mercredi soir n’avait rien d’illégal, elle était terriblement déconnectée. Cet épisode déplorable survient paradoxalement alors que tout le monde s’était réjoui de l’ambiance « de feu » mise par les supporters lors de la finale de la Coupe de France, réveillant un match plutôt terne sur le terrain. Tous ces paradoxes s’entrechoquent et rendent la séquence clivante.

Enfin dernier point, très politique finalement, les ultras retournent vers leurs contempteurs les leçons de morale. Extrait : « M. Galtier parle d’une tribune comme du reflet de la société, mais cela serait bien qu’il regarde autour de lui avant de parler de notre tribune. (…) On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui… Que les indignés et autres donneurs de leçons s’insurgent pour de vrais sujets. » Et là, évidemment, un boulevard de contre-exemples s’ouvre alors. Au premier chef, un « vous êtes humanistes, mais muets quand il s’agit de parler des morts pour construire vos stades géants au Qatar ». Beaucoup y verront une digression opportune ou un artifice rhétorique afin d’éviter de se justifier, mais impossible de ne pas y déceler en retour un peu de vrai. Ce qui ne dédouane pas la Brigade Sud Nice, et tous les ultras du pays, après un tel scandale, de s’interroger sur ce qu’implique leur fameux « second degré » en matière de responsabilité…

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