Tombé dans le Trezeguet-apens
David Trezeguet est mort. Son ratio extraordinaire sous le maillot tricolore a été prié de rejoindre le vide-ordures. Deux ans de coma forcé, et hop, David a décidé de se débrancher tout seul, comme un grand. Escalettes peut se frotter les mains, la confiance accordée à Domenech a déjà porté ses fruits. Chercher à savoir si France 98 existe encore n'a pas vraiment de réponse, et tant mieux. En revanche, la retraite du jeune trentenaire de la Juve coïncide clairement avec la disparition de la pimpante France version Euro 2000, dont Trezegol était le dernier véritable ambassadeur.
C’était donc lui, la rançon d’Ingrid…34 pions en 71 sélections, niveau moyenne de buts par match, ça fait quand même du 0,48. Pour faire court, quand David joue deux matchs avec le maillot tricolore, il plante environ une fois. Certes, les statisticiens affirmeront que Trezegol n’arrive pas à la cheville de Just Fontaine (1,43 – 21 capes, 30 buts). Mais à l’époque où Justo enquillait les bûchettes comme un dingue, les gardiens n’avaient même pas de gants…Et Sidney Govou, c’est pas Raymond Kopa !
Platoche aussi a fait un peu mieux que Trezeguet (0,57 – 41 buts en 72 mains sur le cœur). Mouais, il tirait les pénos, ça compte pas.
Plus perturbant, Henry a fait (à moitié) mieux. Voleur de poulpes ! Plus de buts, mais une moyenne moins gonflée (0,44 – 45 buts en 102 Marseillaises). La comparaison entre Trezeguet et Henry est interminable, mais surtout nécessaire pour comprendre pourquoi, à seulement 30 piges, le mother fu**k’ goleador bleu-blanc-rouge a décidé de mettre un terme à sa carrière internationale.
A l’époque où Thierry arborait une moustache et des rastas, il courait dans l’herbe, et marquait à 20 reprises en 105 apparitions sur les pelouses hexagonales. Sous le même maillot monégasque, et avec la même passion, David ne boxait pas vraiment dans la même cour, perçant alors 52 filets en 93 rencontres.
Au-delà de cette stat significative qui compare deux joueurs, sous le même maillot, à la même période, il est de notre devoir de s’interroger sur les raisons qui ont poussé Raymond à ne jamais dissimuler sa préférence pour le meilleur ami de Tony P. et de José Bové.
Malgré une saison folle sous le maillot de la Juve l’an dernier, le natif de Rouen a été écarté de la course à l’Euro. Son sort était scellé depuis belle lurette, mais David a espéré en cachette l’inenvisageable, avec toutefois un peu moins de certitudes qu’un Djibril Cissé. Pourtant, cinq mois avant l’annonce de la liste des 23, Domenech envoyait quelques bastos en direction du Turinois.
A un journaliste qui lui demandait « pourquoi ne pas avoir retenu David Trezeguet, pourtant actuel meilleur buteur de Serie A ? » (Ndlr : pour le match amical en Espagne), le grand méchant Dom répondait ironiquement : « De Serie A ou de Serie A’ ? »
David Trezeguet n’a pas mis un terme à sa carrière internationale, c’est Domenech qui s’en est chargé. Raymond l’a flingué progressivement, réduisant Trezegol à un attaquant comme les autres. Une conclusion inévitable qui répond à une logique raymondémoniaque.
Raymond, c’est le retour au football chiant-bagne, sans bulle et avec un goût de flotte. Le but doit être marqué par un sprinter, basta ! Surtout pas de centreurs (Sagnol n’est pas un centreur. Sagnol = ‘’ballon dans la boîte »), donc pas de buteur. La blague de Domenech, reprise par de nombreux chroniqueurs un peu partout et avec des variantes parfois risibles, consiste à dire que Trezeguet n’est pas complémentaire avec les joueurs qui constituent l’Equipe de France aujourd’hui. Deux interrogations anéantissent cette thèse en carton : ça veut dire quoi être complémentaire avec Malouda ? Zidane et Henry étaient-ils vraiment complémentaires (1 passe dé’ du premier nommé pour le second en 8 ans de vie de couple) ?
A l’Euro 2008, les Bleus n’avaient aucun type capable de venir cogner le cuir du crâne sur une action de jeu. Ailleurs, les Toni, Klose, Torres, van Nistelrooy ou Pavlyuchenko ont réussi à monter à une hauteur suffisante pour passer le cap des poules, quitte à parfois se crasher en plein vol, mais toujours la tête haute.
La France a vomi son Euro. Pas de résultats et surtout pas de jeu. Or, lorsque l’on prend la décision de refuser de jouer au football, on peut au moins se dire que planter l’homme le plus efficace au monde dans la surface adverse ne peut foncièrement pas réduire les chances de marquer des buts.
Avec la retraite de David Trezeguet, le “buteur français” est désormais une appellation qui se situe quelque part entre l’oxymore et l’anachronisme. Fuck !
Quant aux nostalgiques qui réussissent à mettre leur amertume dans la poche de leur bermuda, ils pourront se dire que Trezeguet en Bleu, c’est d’abord un mec de 20 piges qui marque son péno en ¼ du Mondial 98. C’est aussi une reprise de volée en or qui permet de montrer que la France est capable de gagner ailleurs que sur son sol. Etc.
Euros et Coupe du mondes confondus, Trezeguet aura croisé 3 fois la route des Italiens en phase finale. Après avoir trompé Pagliuca (1998) et troué Toldo (2000), le meilleur buteur français des années 90-2000 a échoué sur l’obstacle Buffon (2006). Un péché trop grand pour être pardonné.
David Trezeguet s’apprête à débuter sa 9e saison sous le maillot de la Juventus Turin. D’ici à la fin de sa carrière, Buffon ira chercher plusieurs milliers de ballons de David au fond de ses filets.
Matthieu Pécot
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