« Thuram », triste Licographie
"Thuram" par Thierry Demaizière et Alban Teurlai. Où Canal Plus verse dans le cliché.
« Je crois que mon histoire, finalement, c’est celle d’un petit garçon qui veut faire plaisir à sa maman » . On pourrait presque résumer la vie –et partant le documentaire que lui consacrent Thierry Demaizière et Alban Teurlai- de Lilian Thuram à cette confession-maxime qui conclut le film. Mariana, la maternelle, est au cœur de l’existence de l’ancien central de Parme. Mère célibataire (elle a eu cinq enfants de cinq pères différents), elle est la seule vraie surprise du doc’ et l’explication majeure de l’itinéraire singulier de “Lico”, le surnom dont l’affuble sa mère. Pour le reste, on navigue en territoire connu, voire archi balisé. Le racisme, l’esclavage, la Coupe du Monde 98, les banlieues et le France-Algérie de 2001, jusqu’aux inévitables figures tutélaires (Wenger, Jacquet, Domenech)… rien ne nous sera épargné. Même pas les larmes, de toute évidence sincères, du recordman des sélections chez les Bleus au moment de l’élection de Barack Obama, qui ouvrent le film.
Footballeur étonnant et homme rare, Lilian Thuram méritait mieux que ce catalogue de clichés. On aurait aimé entendre ses potes d’enfance, d’Anse Bertrand (Guadeloupe) à Avon (Seine-et-Marne), ses coéquipiers italiens (Cannavaro, Buffon) ou français (Mendy, Dumas, Vieira). On aurait préféré l’écouter lui sur des sujets moins courus (sa passion pour la musique par exemple : pendant la coupe du monde, il affirmait écouter à la fois NTM et Miles Davis). On aurait kiffé être simplement surpris…
Comme souvent dans les docs de Canal Plus (cf. Intérieur sport), les réalisateurs manquent cruellement d’une vision. D’ailleurs, le terme est impropre, Thuram tient plus d’un strict reportage falot long de 80 minutes qui ne transcende à aucun moment son sujet. Les angles d’attaque ne manquaient pas pourtant : comment un jeune banlieusard gracile et peu doué, qui se destinait à être pasteur, a-t-il réussi à renverser la vapeur et à devenir un compétiteur hors-norme ? Comment un footballeur a priori comme tant d’autres s’est-il mis à tout intellectualiser au point d’intégrer le Haut Conseil à l’immigration et de se voir proposer un portefeuille ministériel ? Comment-a-t-il composé avec l’absence du père, la mort d’un frère, le déracinement à l’âge de neuf ans… Autant de thèmes vite évacués ou carrément ignorés. “Lico” va finir va devenir comme ces groupes de rock ou de rap militants, une icône obligée d’une certaine forme de rébellion ou de désobéissance sociale, à qui on pose ad nauseam les inévitables mêmes questions. Triste !
“Thuram” un film de Thierry Demaizière et Alban Teurlai (80 minutes)
Canal Plus : dimanche 30 mai à 21h00
Canal Plus Sport : mardi 2 juin 18h05 /samedi 6 juin 20h45/dimanche 7 à 15h05/
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