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Tactique : et le Real est tombé dans les vagues

Par Maxime BRIGAND
Tactique : et le Real est tombé dans les vagues

Au bout d’une saison où il n’aura filé que des miettes à ses prédateurs, le Manchester City de Pep Guardiola a offert une leçon de football, mercredi soir, au Real Madrid (4-0). Si la rencontre sera probablement à ranger au chaud parmi les plus belles démonstrations de l’histoire de la Ligue des champions, sa première période, où le tenant du titre s’est retrouvé coincé au beau milieu d’un manège infernal, restera un chef-d’œuvre de contrôle total.

Il fallait le voir, mardi après-midi, avec son bec grand ouvert, ses yeux exorbités, sa langue pendue et son rire nerveux. Questionné sur l’emplacement réservé à cette demi-finale retour de Ligue des champions dans son armoire personnelle, Pep Guardiola a soufflé, puis lâché sans trembler : « Mon héritage est déjà exceptionnel. Nous ne sommes pas stupides, nous connaissons l’importance de ce match, qui est peut-être l’un des plus importants que l’on a à jouer depuis que je suis arrivé à Manchester City. Nous ne pouvons pas le nier, mais j’ai dit aux joueurs de le vivre comme une grande opportunité. C’est entre nos mains, tout dépend de nous, et nous ne devons pas faire quelque chose d’exceptionnel. Nous devons juste être nous-mêmes. » Il fallait ensuite le voir, mercredi soir, se gratter nerveusement le crâne après seulement sept petites minutes de jeu et mouliner des bras pour faire exploser le couvercle d’un Etihad Stadium qui ne demandait que ça. Une semaine après une demi-finale aller où chacun avait d’abord cherché à ne pas prendre froid avant le retour (1-1), tout le monde était dans le même état d’esprit : cette fois, il fallait que ça pète, que la folie soit de sortie, que les deux navires acceptent de se secouer et c’est, bien sûr, exactement ce qu’il s’est passé.

À une variable près : un seul bateau a ramassé les vagues et il a même chaviré en grand sous les yeux ébahis de l’Europe du foot, spectatrice de ce qui restera sans aucun doute comme l’une des plus belles démonstrations de l’histoire de la Ligue des champions. Plus de neuf ans après avoir vu le Real Madrid de Carlo Ancelotti détrousser son Bayern à Munich (0-4), Pep Guardiola tient sa revanche et a vu sa troupe sortir un chef-d’œuvre de contrôle et de personnalité qui sera peut-être considéré comme le pic de l’aboutissement d’un projet de jeu démarré à l’été 2016, qui a encore connu des ajustements cette saison et qu’il est possible de résumer à la première période de cette manche retour. Soit 45 minutes durant lesquelles City a fait agoniser le Real en sortant l’intégralité de ses tours et qui auront suffi à crever le suspense (4-0).

Réservoir vidé et dilemme

Mais comment en est-on concrètement arrivé à l’installation d’un manège aussi infernal ? Il faut d’abord se pencher sur le plan sans ballon de Carlo Ancelotti, un plan qui n’a d’ailleurs pas été si différent de celui proposé la semaine dernière au Bernabéu. Face à un Manchester City qui a cette fois continuellement construit en 3+2 avec Rúben Dias qui a davantage pris le temps de fixer ses proies et Stones grimpant aux côtés de Rodri, on a ainsi vu le Real déplier un 4-2-3-1 en bloc bas/médian où Rodrygo, Modrić et Vinícius ont cherché à couper l’accès au duo Stones-Rodri et où Kroos et Valverde se sont associés pour contrôler les déplacements incessants de De Bruyne et Gündoğan. Problème rapide : ce carré bleu, en supériorité numérique face au trio de milieux adverses, a fait naître un dilemme sur plusieurs étages pour un Real bousculé dans les couloirs par les montées d’Akanji et Walker, mais surtout constamment aspiré par les appels profonds et les rotations de De Bruye et Gündoğan, ce qui a, entre autres, offert des zones à exploiter pour les artilleurs mancuniens (Rodri et Stones) à l’entrée de la surface, soit pour tirer, soit pour renverser le jeu. Les deux relayeurs de City n’ont, eux, cette fois pas évolué à la même hauteur – De Bruyne a été assez libre pour aider à créer le surnombre à droite comme à gauche et Gündoğan a davantage accompagné Haaland dans la surface – et la plupart des situations de la première période sont arrivées par ces circuits, électrisés par un duo Grealish-Silva plus tranchant. Le but du 1-0 aussi.

Le 4-2-3-1 du Real sans ballon où l’on voit bien ici l’idée d’un trio intérieur qui s’occupe de l’accès au duo Stones-Rodri et la paire Valverde-Kroos qui gère De Bruyne et Gündoğan. Pour City, la porte de sortie va donc être les deux centraux extérieurs (Walker et Akanji).

C’est ce qu’on va d’ailleurs voir sur cette première séquence, où Stones va toucher Akanji, sur qui Rodrygo va coulisser…

… Rodri a alors plongé dans le dos de l’ailier brésilien, mais Valverde va rapidement jaillir et repousser le ballon en touche. Problème, cette discipline ne va pas être tenue tout le match.

À plusieurs reprises, les offensifs madrilènes se sont arrachés dans le vide, ce qui a naturellement affecté leur réservoir. Exemple ici, où Stones va d’abord rester dans une ligne de quatre…

… chassé par Vinícius, Walker va alors rechercher le numéro 5 de City…

… Stones a de l’espace devant lui et va s’en servir pour s’appuyer sur Rodri et profiter d’un Modrić coincé face à deux proies…

… et il va ensuite pouvoir remonter le ballon jusqu’au dernier tiers adverse. C’est de cette séquence que va naître la première occasion de la tête d’Haaland. 

Autre situation ici où le Real a été chercher City haut…

… face au 4-2-3-1, Dias sort avec Akanji côté gauche, écartant naturellement Rodrygo…

… Gündoğan va alors venir en appui pour placer Rodri face au jeu…

… Stones peut être lancé dans le couloir axial…

… libéré par le marquage individuel des deux récupérateurs madrilènes, mais il foire ensuite son ouverture.

Enfin, avant la pause, on a aussi vu cette séquence avec Gündoğan, Stones et Akanji…

… qui a débouché sur cette merveille de passe intérieure d’Akanji vers De Bruyne.

Preuve des rotations et du casse-tête posé par le 3-2-5 en possession : ici, Stones a plongé pour aider à fixer la défense du Real, De Bruyne a dézoné côté gauche et va être trouvé par Akanji. La structure de City lui permet de créer un avantage numérique ce que nous pouvait pas permettre le 2-3-5 de la saison dernière… 

… au bout, après le décalage, De Bruyne peut dégainer un centre très dangereux.

Autre conséquence : sur cette situation, après avoir travaillé côté droit et vu De Bruyne tenir l’attention de Kroos, Rodri va pouvoir être trouvé plein axe par Walker…

… Kroos va alors sortir sur lui, mais va être effacé d’un crochet court, alors que De Bruyne va venir faire un petit écran sur Modrić…

… que Rodri va utiliser pour frapper à côté.

Autre exemple de la première période où l’on voit la multiplicité des possibilités : ici, Grealish va frapper (au-dessus), mais aurait pu lancer Gündoğan dans le demi-espace ou ressortir avec Rodri, voire avec De Bruyne.

Enfin, le 1-0 avec, au départ, le 4-2-3-1 du Real bien visible et bien compact. Rodri va ici tourner le jeu au large vers Bernardo Silva…

… Stones a déjà démarré pour étirer le bloc défensif madrilène…

… il va ensuite ressortir avec Walker…

… Bernardo Silva a pris l’information, le mouvement peut s’enclencher avec un De Bruyne qui fait sortir Modrić…

… et qui va trouver cette superbe passe dans la petite profondeur, un peu claquée pour la rendre difficilement contrable : au bout, ça fera 1-0.

Un pressing ajusté

Cette rencontre n’a évidemment pas été qu’une histoire de tableau noir. Manchester City l’a aussi fait disjoncter en faisant grimpant le tempo des échanges de plusieurs niveaux par rapport au match aller, ce que Guardiola a d’ailleurs encouragé en rendant plusieurs fois à toute vitesse des ballons sortis en touche. Dans les chiffres, la domination a été colossale et après 30 minutes de jeu, le Real, d’abord sauvé par un Courtois héroïque qui a dégoûté Haaland, n’a touché que huit ballons et réussi que deux passes dans le camp de City. À la pause, seul Kroos aura su sortir une flèche du feu. Cette dernière s’est fracassée contre la barre d’Ederson, mais aurait pu sauver la face d’un premier acte où Carlo Ancelotti a vu ses hommes – Modrić et Kroos aux premières loges – se faire dévorer physiquement (61% des duels au sol remportés), techniquement et tactiquement.

Pour y arriver, City, notamment toujours protégé avec ballon par le marquage préventif impeccable de Walker sur Vinícius, qu’il a su éteindre au moment où il le fallait (32e), avait une idée bien précise derrière la tête quand il ne l’avait pas : pousser le Real à sortir long (19 dégagements – 5 réussis – pour Courtois sur 31 passes tentées) ou mi-long, Karim Benzema étant toujours accueilli à la retombée du ballon par Rúben Dias, John Stones ou Rodri (encore 11 ballons récupérés par le général espagnol, une nouvelle fois impérial dans tous les domaines, à commencer dans son contre-pressing) ; ou l’emmener sortir côté gauche, où le Real aime construire ses sorties pour rire en meute, afin de mieux l’enfermer. Sur ces dernières phases, où Bernardo Silva a brillé face à Camavinga ciblé, Pep Guardiola a demandé à ses défenseurs d’assumer le trois contre trois, à Jack Grealish d’arrondir sa course en direction de Militão et à Gündoğan d’assurer la prévention. En guise de réponse, le Real Madrid, également attrapé à la gorge par un contre-pressing adverse ciblé sur les créatifs espagnols (Modrić, Benzema et Vinicius ont particulièrement été matraqués), a bien tenté de bouger quelques pions, mais jusqu’à la pause, rien n’y a vraiment fait.

Premier exemple de l’orientation du pressing de City : sur cette situation, le Real tente de sortir court côté gauche. Rodri sort sur Modrić, accompagné par Bernardo Silva et Haaland…

… Camavinga va réussir à sortir long de ligne avec Vinícius, suivi par Walker, alors que Bernardo Silva continue son effort…

… et va récupérer le ballon pour enclencher une nouvelle phase de possession.

Deuxième exemple : sur cette situation, Courtois veut sortir avec Carvajal…

… Grealish va coulisser, alors qu’Akanji et Gündoğan contrôlent une potentielle course verticale de Valverde. Carvajal est obligé de ressortir avec Militão…

… la machine peut alors se mettre en place…

… et au bout, Haaland va contrer le dégagement d’Alaba.

Moins de deux minutes plus tard, le Real veut reconstruire côté gauche, mais City, installé en bloc médian avec son 4-4-2, le coince et le force à reculer… 

… Haaland va poursuivre le pressing et pousser Courtois à dégager…

… Rodri va être à la retombée, mais City va vite reperdre le ballon…

… sauf que tout est déjà en place : Bernardo Silva va sortir fort sur Alaba pour l’empêcher de combiner dans les zones intérieures…

… après le ballon contré par le Portugais, Gündoğan va se retrouver en position de lancer Haaland, mais le ballon sera trop long.

On va aussi retrouver ce pressing sur le point de départ du 2-0. Le Real va cependant réussir à le déjouer, Kroos réussissant à écarter vers Militão…

… dix secondes plus tard, Kroos va alerter Camavinga à l’intérieur, mais Bernardo Silva va le suivre…

… le Real va cette fois être enfermé de l’autre côté et Carvajal va devoir allonger en urgence…

… Stones sera à la retombée devant Benzema et derrière, le mouvement offensif va s’enclencher.

Sur cette touche du Real, on peut aussi voir la volonté d’étouffer le côté gauche madrilène par City.

Dans la première période à 72% de possession de balle de City, tout a presque été parfait, sauf certaines passes en profondeur qui ont été parfois mal ajustées. La seconde a été jouée sur un autre rythme, les locaux laissant le Real faire circuler le ballon sans se montrer vraiment dangereux si ce n’est sur un coup franc ou une double occasion à dix minutes de la fin. En gestion, Pep Guardiola, qui s’est quand même accroché avec De Bruyne, a eu le bonheur de voir ses joueurs tripler, puis quadrupler la mise en fin de match afin de solder la revanche de la saison dernière : « Nous avons dû avaler le poison et toute la douleur que nous avons ressentie pendant un an s’est retrouvée aujourd’hui. Je pense que pendant un an, nous avons eu la peur au ventre à cause de ce qui s’est passé la saison dernière, mais nous avons su sortir tout ce que nous avions en nous. Les gens ont dit la saison dernière que les garçons avaient manqué de caractère. Ils ont montré aujourd’hui à quel point ils sont spéciaux. » Ce que l’on retiendra est avant tout ce premier acte de boxeur, où un City transcendé et plus que jamais en route pour un triplé historique a réglé tout ce que son coach attendait de le voir régler par rapport au match du Bernabéu (les appels dans la profondeur, l’apport du surnombre par Akanji et Walker, le rythme…). Face à ce constat, Vinícius a houspillé Ancelotti pour avoir de l’aide dans le chaos. Dans sa zone technique, groggy, l’Italien n’a pas réussi à arrêter un manège où plusieurs hommes bleus (Walker, Rodri et Bernardo Silva en tête, mais aussi Grealish, Stones et De Bruyne) ont brillé pour faire un peu plus que juste qualifier leur club pour sa deuxième finale de C1. Ils l’ont fait en touchant la perfection et en dessinant ce qui est peut-être à ce jour le meilleur match du City de Guardiola. L’Inter, plus à l’aise en défense placée que le Real, est prévenue.

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