Super Liga portugaise : putes, ménage à trois et futurs cracks
Au Portugal, le championnat ressemble à un triangle amoureux qui se tape sur le système depuis 73 ans, mais ne supporte pas qu'un incrustator fasse le quatrième. Belenenses en 1946, Boavista en 2001, voilà pour les coups d'un soir. Ce week-end, la Super Liga et les engueulades ont repris. Tout est en place, le nouveau charter de Brésiliens pas chers et les jeunes pousses qui cherchent à valider un billet simple pour la Liga ou la Premier League. Mais le foot portugais devrait surtout faire causer en se décidant enfin à laver ses dessous sales. Dans la machine à laver de la justice tournent le Président de Porto et celui de la Ligue. Parce que proposer des putes à des arbitres – même pour service rendus – c'est mal !
Une fois évoqué son partage en trois, que connaît-t-on vraiment du championnat portugais ? Quelques clichés rassurants, peuplés par des géniaux accapareurs de ballons poursuivis par des stoppeurs équarisseurs. Un Brésil à deux heures d’avions Paris, où le bavardage technique prend encore son temps. Sauf qu’en réalité la Super Liga a plus à voir avec le Ligue 1, une couveuse pour les grands championnats, avec des matchs relativement fermés, toujours rugueux et un meilleur buteur à 15 buts.
A l’export, le Portugais garde une sacrée cote et s’envole pour des sommes extravagantes. La formation tourne à plein régime pour exploiter un vivier de population assez réduit (10 millions d’habitants). Mais le prix de vente des Nani ou Simão ne garantit pas la qualité d’un championnat.
En dehors des trois grands, dont les rencontres ne sont pas toujours des sommets de jeu, les autres équipes vivotent en se répartissant les rôles secondaires. Dans le casting de cette saison, on devrait retrouver Braga, Belenenses, Leiria ou n’importe qui qui tient dans le cadre. La quatrième place, tout le monde y a droit au moins une fois.
Au Portugal, peu importe d’où vous venez, à la naissance, il faut se déterminer : Porto, Sporting ou Benfica…surtout Benfica. Pas facile alors pour les autres d’exister, sur les seize stades de la Super Liga, beaucoup sonnent creux. La faute à la concentration des pouvoirs par le trio, mais aussi à une politique qui relève de l’indécence dans certains petits clubs, quand on sait que le smic local émerge à 500 euros par mois.
Le championnat portugais demeure si méconnu, que lorsqu’une affaire crapuleuse – à faire passer Moggi pour une ceinture jaune de corruption – éclate, personne ne moufte plus que ça. Pourtant, le procès sifflet doré à venir vaut le détour.
Sur le banc des accusés, c’est la pêche aux gros avec avec Pinto da Costa, président historique du FC Porto, figure omnipotente toute en sauce et relations. Pour l’accompagner, son grand copain Valemtim Loureiro, Major des sales guerre coloniales, ancien président de la Ligue, de Boavista et maire (de droite) de Gondomar, près de Porto. Si vous prenez Patrick Balkany, Gérard Bourgoin croisé avec le Général Aussares, vous êtes encore loin du compte sur le pedigree du personnage. Pinto exigeait un arbitre, Loureiro lui accordait, Pinto demandait un ami à la tête de la commission arbitrale, Loureiro le nommait. En bon premier magistrat, Loureiro se commandait aussi les arbitres de son choix pour favoriser une montée de Gondomar en deuxième division. Il n’y a pas de petites magouilles. En ce qui concerne le FC Porto, le dossier d’accusation porte sur trois matchs. C’est léger, quand on sait que la moitié des arbitres portugais en activité sont mouillés dans l’affaire.
L’histoire prend une tournure plus trash quand la jeune cocue s’en mêle. Carolina Salgado, l’ex-femme de Pinto da Costa – rencontré dans un bar à hôtesses – dévoile dans son autobiographie déjà culte au Portugal Moi Carolina , les arrangements de son baiseur de mari. On y apprend que Pinto da Costa n’aimait pas savoir les arbitres seuls à hôtel la veille d’un match de son club, d’où le recours à des jeunes filles de son carnet d’adresse pour agrémenter leur séjour. Mais l’histoire devient plus grave encore quand Carolina Salgado affirme que son Pinto se trouverait derrière l’agression d’un conseiller municipal socialiste de Gondomar, qui se serait pris pour le chevalier blanc du coin en dénonçant les magouilles de nos duettistes. Vous n’avez pas tout compris ? Le film adapté du livre est en préparation…
Si la justice ne lâche pas l’affaire malgré des pressions en tout genres, sportivement Porto ne risque pas grand-chose. A côté, les sanctions infligées à la Juventus risquent d’apparaître inhumaines. Sporting Lisbonne et Benfica Lisbonne les yeux dans les yeux toute une année ? Inimaginable. Personne ici ne veut d’un championnat écossais.
Et comme si de rien n’était, Porto et son prédisent inculpé visent un troisième titre d’affilée. Pepe parti au cimetière merengue des défenseurs centraux, le fantasque Quaresma et le très classe Lucho Gonzales qui ne désespèrent pas de tailler leur route, le bateau navigue à vue et mise sur une cargaison de jeunes pousses débarquées d’Argentine et d’Uruguay.
De son côté, Benfica se pointe avec la grosse pancarte marseillaise de champion du mercato. Zoro est arrivé en défense, mais le sauveur annoncé s’appelle Freddy Adu, venu pour la phase 1 de sa conquête européenne. Les supporters benfiquistes attendent le messie, alors les sceptiques guettent le gadin. L’Américain a la pression, bienvenue en Europe. L’autre gros coup, c’est le buteur paraguayen Oscar Cardozo, arrivé pour 9 millions d’euros.
Les dirigeants du club ont par ailleurs licencié lundi leur coach avec fracas, l’obscur Fernando Santos, et ce dès la première journée de championnat. Un match nul contre la modeste escouade de Leixões (1-1) aura eu raison de son rêve rouge…Si on chuchote ces jours-ci en coulisse l’arrivée imminente de Jose Antonio Camacho, c’est pour l’instant le fantasque Fernando Chalana (le droitier qui tirait des pénalties du pied gauche, remember Dniepr’) qui assure l’intérim sur le banc lisboète…
Chez le voisin du Sporting, le cycle naturel se répéte encore. Le club forme les meilleurs jeunes du pays, puis les vend très vite, de peur que la cote ne redescende. Nani parti, il reste en magasin le paire de milieux maison Moutinho-Veloso, du haut niveau bientôt disponible à la vente. Dans les buts, Stojkovic, en pleine réhabilation après son passage nantais, remplace Ricardo, qui de toutes façons sort des arrêts seulement pour l’Euro et la coupe du Monde.
Bref, la guerre des trois aura encore lieu. Mais quoi qu’on en pense, trois, ça offre pas mal de possibilités. Comme de ramener six coupes d’Europe à la maison, soit trois fois plus qu’un grand pays comme la France. Trois, on y revient toujours.
Par Alexandre Pedro
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