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  • France – National – Strasbourg/Colmar

Strasbourg à rebours

Par Arnaud Clément et Régis Delanoë
Strasbourg à rebours

Alors que le RC Strasbourg restait sur une dynamique positive et deux montées consécutives du CFA2 au National, revoici la formation alsacienne dans la mouise, avec la menace d’une relégation en CFA qui se précise à l’issue de la saison. Simple couac temporaire ou fin du doux rêve de revoir ce club historique en élite à moyen terme ? État des lieux avant le derby de la dernière chance ce vendredi contre Colmar.

Épinal, dimanche 2 juin 2013. Après des semaines de tractations et de polémiques sur le lieu où doit se dérouler la « finale » du groupe B de CFA entre Raon-L’Étape et Strasbourg, c’est le stade de la préfecture des Vosges qui a été choisi. Les données de la rencontre sont claires : tout autre résultat qu’une victoire de Strasbourg et c’est son adversaire du jour qui conserve in extremis sa première place au classement et valide sa montée en National. Les joueurs de Raon-L’Étape, qui devaient initialement recevoir au cours de cette dernière journée, sont déstabilisés par cette décision prise de jouer sur un terrain neutre pour des raisons de sécurité, quand en face, leurs homologues en maillot bleu sont survoltés. Ces derniers l’emportent 3-2 et officialisent du même coup un peu miraculeusement leur remontée à l’échelon supérieure ! Deux ans seulement après le dépôt de bilan et la relégation administrative en CFA2, voici donc déjà le RC Strasbourg de retour au troisième échelon national. Un vrai conte de fée pour les Alsaciens, en avance d’au moins une saison sur leur plan de reconquête du monde du foot pro. Rappelons que le RCS s’en était fait éjecter en 2011, après des années de gestion financière bancale, avec le truculent président Jafar Hilali pour clouer les derniers clous du cercueil. Voir ce club historique repartir de l’avant avait tout d’une chouette nouvelle. Et il y avait moyen pour les supporters de continuer à rêver en début de cette saison d’une troisième montée consécutive. Oui, mais au final, non. Alors qu’approche le générique de fin, la perf’ serait déjà que les Alsaciens se maintiennent en National. Avant le derby de ce soir face à Colmar, ils figurent en effet à la 19e et avant-dernière place.

Ce bon vieux Jacky Duguépéroux de retour

« Il reste sept journées et on est à 7 points du premier non-relégable, Boulogne. Il faut être réaliste, on n’y croit plus » , se désespère le responsable des Ultra Boys 90, Olivier Kost. Toujours de l’aventure dans les gradins depuis la dégringolade, celui-ci n’a pourtant rien vu venir : « On s’imaginait passer une saison tranquille, on espérait même tous plus ou moins secrètement la L2, mais sans euphorie. Une telle déconvenue, ça nous a tous surpris. » Le Racing a pourtant toujours occupé la seconde partie de tableau cette saison. Jusqu’en décembre, jamais le club, trop irrégulier, ne s’éloigne de la ligne de flottaison. Mais il se donne un peu d’air avec une série de cinq matchs sans défaite, à cheval sur la trêve. Puis l’ensemble s’étouffe comme George Bush s’enfilant un bretzel et enchaîne six revers pour un seul petit score nul, qui l’ont fait basculer en terre instable. Cette spirale infernale a coûté sa place à François Keller, entraîneur artisan de la double montée, limogé et remplacé en urgence à huit matchs du terme par l’historique de la maison, Jacky Duguépéroux. Le coach est respecté par ses titres (champion 1979, Coupes de la Ligue 1997 et 2005), mais n’a pas fait de miracle pour sa première, avec la treizième défaite de ses ouailles à Carquefou (0-1) en toute fin de match.

Le meilleur joueur recruté dans un supermarché

Le mal est donc profond, en témoigne ce huis clos médiatique installé mercredi en vue du derby de ce soir contre Colmar et une impossibilité de contacter qui que ce soit, y compris le coach déchu. Comment joueurs et dirigeants sont-ils tombés si bas ? Une fois n’est pas coutume, c’est avant tout sportivement que le Racing s’est bien planté. Première raison invoquée : un état d’esprit moins commando qu’en CFA, où il a fallu lutter avec vaillance pour triompher, comme l’assure un confrère qui suit de près l’institution présidée par Marc Keller : « On dirait qu’il y a eu un relâchement. J’ai même l’impression de revivre la dernière saison de L2, avec Gilbert Gress, puis Pascal Janin (2009-2010). Toute l’année, on a dit qu’avec l’équipe qu’on avait, on ne pouvait pas descendre. Et finalement… » Second motif : un effectif sans doute pas aussi armé que prévu. Retouché au mercato hivernal, les petits nouveaux n’ont pas apporté grand-chose, à l’instar de Sebastián Ribas, ancien meilleur buteur de L2 avec Dijon bloqué à 2 buts à l’étage en dessous. Ajoutez à cela une faillite des cadres comme Stéphane Noro, Guillaume Gauclin ou Milovan Sikimić, et vous obtenez un cocktail explosif. « Pour te dire, notre meilleur joueur est notre buteur Dimitri Liénard (ex-Mulhouse), qui vient du CFA » , poursuit Olivier Kost, oubliant au passage de mentionner que le garçon en question mettait en rayon dans un supermarché l’an dernier. Alors forcément, cela semble un peu juste pour bien figurer dans une troisième division française où ça bastonne sévère.

Le National, la terre de l’entre-deux

Loin du regard des grands médias nationaux, ce championnat National est en effet une sacrée foire d’empoigne. Une sorte de fight poisseux à souhait avec pour ring, bien souvent, un terrain des sports de sous-préfecture à pelouse bosselée et tribunes dégarnies. Plus vraiment rattachée au milieu purement amateur mais pas encore vraiment pro, cette terre de l’entre-deux est un maelström de concurrents que rien ne rapproche, si ce n’est le fait de devoir s’affronter tous les week-ends, d’un bout à l’autre de la France, avec le plus souvent d’harassants déplacements en bus : d’anciennes valeurs sûres de L2 comme Amiens ou Boulogne, des briscards de la D3 comme Fréjus, Orléans ou Colmar, ainsi que des équipes issues du milieu amateur telles Carquefou, Le Poiré-sur-Vie ou Colomiers. Niveau individualités, même topo : le gros des troupes est composé de gaziers trop bons pour jouer chez les amateurs mais pas assez pour jouer sous les caméras de beIN, Canal +, ou même Eurosport. Bienvenue chez les Matthieu Scarpelli, Kevin Lefaix, Antoine Ponroy, Aurélien Faivre, Nicolas Raynier, Julien Valéro and co. « Ça joue plus physique, plus rapide, plus tactique qu’en CFA » , observe le boss des UB. Les débats sont aussi plus tendus en dessous, où figurent certaines réserves d’équipes pro, qui ne viennent pas sur un terrain pour jouer le 0-0 mais bien pour jouer au ballon. « Il y a quatre ans, le Racing était déjà en National mais le niveau à l’époque était moins homogène qu’aujourd’hui, assure le confrère interrogé. Quand tu vois Luzenac tout en haut, largement devant d’ambitieuses équipes du début de saison, comme Amiens qui joue le maintien… »

En cas de descente, une dynamique inversée

De maintien, il est encore question à Strasbourg avant le derby de ce soir face à Colmar. Mais attention, tout autre résultat qu’une victoire et ce sera cette fois bel et bien fini des espoirs de rester en National la saison prochaine. À partir de cette hypothèse de plus en plus probable d’un retour en CFA, se pose une première interrogation : le Racing pourrait-il s’en remettre ? A priori, la réponse est oui, car il ne s’agirait pas, comme le club en avait donné l’habitude ces dernières années, du résultat d’une énième crise de gouvernance extra-sportive. Cette fois, comme expliqué plus haut, le couac serait purement sportif. Olivier Kost, par rapport au niveau actuel de l’équipe : « Je me demande si elle n’est pas en fait au taquet et mérite de descendre le plus logiquement du monde… » D’après notre confrère, « Marc Keller n’a pas l’intention de lâcher l’affaire, même en CFA » . À l’état de ruine il y a encore deux ans, le fleuron du football alsacien paraît avoir reconstruit sur des fondations solides, avec le soutien du tissu économique local, une stratégie du long terme intelligente et qui lui garantit une certaine assise, y compris au niveau amateur. Deuxième interrogation : peut-on espérer revoir le Racing en élite à moyen terme ? Là, cette fois par contre, on serait tentés d’être nettement moins optimistes. Problème de dynamique qui s’est inversée et d’engouement populaire qui pourrait sérieusement en pâtir. Tant que l’équipe surfait sur l’euphorie des deux montées consécutives, il y avait matière à continuer de rêver. En cas de descente actée, il faudrait cette fois bel et bien ouvrir les yeux en grand et redéfinir ce si difficile projet de reconquête du monde pro. À méditer, la parole du grand sage Confucius : « La plus grande gloire n’est pas de ne jamais tomber, mais de se relever à chaque chute. »

Par Arnaud Clément et Régis Delanoë

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