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Silva-Marquinhos, le droit au bonheur

Par Charles Alf Lafon
Silva-Marquinhos, le droit au bonheur

Pendant que Neymar marque et tire la langue, Thiago Silva et Marquinhos musellent et crient très fort. Leur joie, pas très loin de la rage, a un petit goût d’Italie, avec un soupçon d’Amérique. Parce que les défenseurs ont aussi le droit d’être heureux.

Un but, et le jeu s’arrête. Pendant quelques longues secondes, le buteur va pouvoir laisser exploser sa joie, communier avec le public, ses coéquipiers. Aucune précipitation nécessaire : le coup d’envoi ne peut être donné que si tous les joueurs sont replacés sur le terrain. Alors, on profite de ce moment de bonheur intense. Pour rajouter un peu de piquant, quelques joueurs célèbrent à leur manière bien spécifique, plus ou moins à propos. Fermez les yeux, et selon votre âge et votre sensibilité, vous verrez un bébé, des ailes, un fusil, une danse, des bras croisés, un boxeur, un dos, un poteau de corner, une ligne, des jambes écartées, pourquoi toujours lui, un roi, un selfie, des bras croisés, un maillot qui tourne, de la drogue, ou bien d’autres encore. Une liste non exhaustive qui ferait un joli top pour média en manque de clics.

À présent, rouvrez les yeux – ce qui est plus pratique pour lire un article – et essayez de penser à une célébration, non pas de but, mais de défense ! Tâche autrement plus ardue. Bien sûr, en Angleterre, on applaudit les tacles autant que les buts, à ceci près que plus personne n’applaudit vraiment dans les stades outre-Manche depuis qu’il faut claquer une semaine de salaire pour espérer décrocher une place. De toute manière, un simple tacle n’a pas la même valeur mathématique qu’un but. Ce qui n’est pas le cas de toutes les interventions défensives, qui en ont le goût et l’odeur, souvent suivies d’une sortie de but ou d’un corner. Un sauvetage décisif, une annulation de but en quelque sorte, un geste qui vaudrait -1. Mais dans un sport dont la finalité n’est jamais que le but – étymologiquement l’objectif –, la célébration de sa négation a toujours un petit côté rabat-joie, et de fait, il est extrêmement rare de voir un défenseur être tout simplement heureux d’avoir fait son travail, là où le buteur ne s’en prive pas.

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Un hommage à Akira Toriyama

Pourtant, mercredi dernier, Thiago Silva et Marquinhos ont fait sauter les conventions. 86e, 2-1 en faveur du PSG face à un Liverpool en quête d’une égalisation et d’une qualification, les deux Brésiliens mangent Salah, se regardent, hurlent, et se donnent un coup de torse bombé. Le ballon est sorti, le Pharaon déchu se retourne, la tête basse, et se contente du Nil à défaut du nul. Et Gigi Buffon vient féliciter le poing en avant son capitaine, qui lui tape paume ouverte. (Sérieusement, pourrait-on légiférer sur la question ? Il n’y a pas plus gênant dans la vie que ce moment où on part sur un check et l’autre ferme le poing. Si seulement il existait un moyen simple et universel de se saluer sans se poser de question sur la marche à suivre. Comme se serrer la main par exemple.) Une scène qui n’est pas sans rappeler le tacle rageur et décisif du même Marquinhos face à Alba en 2014, dans un contexte similaire – un PSG qui mène et tient bon – suivi d’une très belle célébration que ne renierait pas Akira Toriyama.

L’exemple Dikembe Mutombo

Avant d’avoir des Brésiliens devant lui, Buffon a longtemps eu des compatriotes, dont le plus guerrier d’entre tous, le plus susceptible de mourir les armes à la main, de donner son corps pour empêcher, annihiler, s’appelle Giorgio Chiellini. Un homme qu’on ne peut mieux représenter que le maillot rougi de sang et la tête bandée hurlant sur des pauvres Madrilènes. Eh bien, cet homme a lui aussi pour coutume de célébrer ses interventions, comme ici face à Monaco (0’25).

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Toujours est-il que ces moments restent encore rares, et spontanés. Tout le contraire des sports US, NFL et NBA en tête, où l’on ne se prive pas pour faire son show. Le basket et le football américain ont l’avantage d’avoir un chrono qui s’arrête à chaque interruption du jeu, laissant le temps de la célébration. Mieux, dans le cas du foot à casque, attaque et défense se succèdent avec des équipes différentes ! Les Ricains ont même des noms pour ces gestes défensifs déterminants (block en NBA, sack en NFL) et les respectent à leur juste valeur. Alors, lorsqu’ils plaquent le quarterback adverse – ce qu’on appelle un sack –, les linebackers dansent ou sortent du terrain, en mode « My job here is done » , comme Matt Judon il y a quelques semaines.

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Aujourd’hui, un gros nombre de sacks ou de blocks peut vous ouvrir les portes de la gloire et d’un juteux contrat. Rudy Gobert, Defensive Player of the Year et machine à contres, en est l’exemple numéro un. Cela n’a pourtant pas toujours été le cas. Ainsi, Dikembe Mutombo, peut-être le plus grand contreur de l’histoire de la NBA, a décidé au début de sa carrière de développer un « signature move » pour devenir plus bankable et dégoter un contrat de sponsoring. Après chaque contre, le natif de Léopoldville, Zaïre (aujourd’hui Kinshasa, RDC), agitait l’index, assorti la plupart du temps d’un « No, No, No, not in my house » . Un geste devenu iconique.

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Peut-être que dans un futur plus ou moins longtemps, un défenseur se mettra à l’imiter, rendant encore un peu plus poreuse la frontière entre nos deux mondes. Un jour, Presnel Kimpembe ondulera après avoir stoppé Allan Saint-Maximin. D’autant plus qu’un autre défenseur parisien a déjà commencé à montrer la voie. C’était pour un but.

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