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Si les pâtes étaient des joueurs de foot

Par Swann Borsellino
7 minutes
Si les pâtes étaient des joueurs de foot

Les pâtes. C’est au moins ça que vous avez en commun avec vos héros en short-crampons. Menu du sportif devenu menu du confiné, le plat de pâtes divise les foules autant que le ballon rond. Un sujet clivant autour duquel s’écharpent puristes, pragmatiques et excentriques. Une raison suffisante pour mêler foot et féculent.

Les pâtes au pesto alla genovese = Loïc Perrin

Qu’il soit au milieu de sa défense ou rangé dans la porte du frigo, il a quelque chose de rassurant. Cette impression qu’on le connaît depuis toujours et qu’on ne vivra jamais vraiment sans lui. Comme une madeleine de Proust éternelle. Toujours là quand on a besoin de lui (déjeuner, fringale ou gueule de bois), le pesto « vert » est apprécié de tous. Ni exceptionnel, ni banal, il a ça de fascinant que personne ne s’en lasse, même dans les situations les plus périlleuses. Mieux encore, son vert éclatant empêcherait presque de voir les premiers signes de moisissure qui seraient pourtant évidents s’il avait une autre couleur. Après tout, c’est peut-être pour ça qu’il est encore meilleur quand il est fait maison.

Les spaghetti al pomodoro = Xavi

Et si le plus dur n’était pas d’être excellent en étant simple ? De révolutionner son art en interprétant la partition la plus basique qui soit. Les spaghetti al pomodoro, c’est un mélange d’habileté technique et de tempo, une recette épurée sans être trop facile. Finalement, un plat dont personne ne dira qu’il est le meilleur car pas assez élaboré, mais que personne n’est capable d’imiter quand il est à son apogée. Un mets capable de se mettre au service des autres dans une cuisine italienne gourmande où un plat ne joue jamais seul. Et tant pis s’il faut se mettre au service des autres et que personne ne se rend vraiment compte que le meilleur moment du repas, c’était les pâtes al pomodoro.

Les penne carbonara = Gianluigi Buffon

Œufs, guanciale, pecorino romano, sel, poivre, huile d’olive. Aussi sobre que génial. Aussi beau que bon. Et pourtant. Synonyme d’excellence et de classe et dans son pays d’origine, l’Italie, la carbonara n’est que l’ombre d’elle-même en France. En effet, alors que beaucoup d’amoureux de la Botte pensaient retrouver dans l’Hexagone la carbonara comme ils l’ont découvert en voyage, que ce soit à Parme, à Turin ou même dans ce super restaurant allemand en 2006, ils ont vite changé d’avis. Une déception à base de crème fraîche et de lardons qui ont nui à la réputation de la carbonara sans jamais l’entacher pour de bon. C’est bien connu : on ne tue pas une légende avec des oignons.

La Pastabox = Aly Dia

Où quand la supercherie fonctionne. Maligne, la Pastabox a profité de la flemme des observateurs pour leur faire croire qu’elle était vraiment un plat de pâtes. Pour se vendre, elle aurait même dit : « J’ai été cuisiné dans les Pouilles, avec les Vongole. » Et comme Graeme Souness avec Aly Dia à Southampton, votre collègue y a cru. Oui, celui qui mange sa Pastabox Sodebo « Fusilli aux fromages italiens » qui vous donnerait envie d’appliquer les mesures de distanciation post-confinement. Mais que voulez-vous, tant qu’il y aura des flemmards, il y aura des arnaques.

Les pâtes au thon = Karim Benzema

Le mets que le jeune Booba souhaite faire goûter à Ali dans « La Lettre » est une valeur sûre du pâtes game. Une recette à l’accent méditerranéen qui ne dit pas non à un peu de harissa sur le coin de l’assiette et dont la saveur tranche avec les saveurs parfois aseptisées du monde des féculents. Un plat technique à préparer où il faut savoir jongler entre ail, tomates, câpres et olives, qui peut être validé par les puristes, prisé par les taulards et apprécié par les étudiants vivant une fin de mois difficile. Au fond, les pâtes au thon méritent le respect de tous et c’est bien là le principal.

La salade de pâtes = Alain Traoré

Ce fidèle bouche-trou des amateurs de pique-nique est un one-season wonder. Pertinente tout au long de l’été et capable de coups d’éclat quand elle est bien cuisinée, la salade de pâtes disparaît dès la rentrée des classes, une fois que le temps se gâte. Généralement mal accompagnée (de saucisson Justin Bridou tranché bien épais ou de sa cousine, la salade de riz avec des cœurs de palmier), elle disparaît des radars sans manquer à personne jusqu’au printemps suivant. Et c’est déjà pas mal.

Les « nouilles » = Olivier Giroud

Une affaire de costauds. Les « nouilles » aka les « pâtes beaucoup trop cuites » sont souvent dégustées dans un Tupperware énorme, avec des blancs de poulet, par quelqu’un de beaucoup plus musclé que vous. Ce qui en fait un mets très prisé au sein des cantines de centre de formation, mais aussi des cantines des clubs de football professionnel. Très clairement, la réussite technique n’est pas géniale, mais ça n’a jamais empêché les nouilles d’exister dans le pâtes game, que ce soit à l’échelle nationale ou internationale. Au fond, les nouilles, ce sont ces pâtes qui ont connu la galère, mais qui ont réussi parce qu’elles ont cravaché et parce qu’on en a toujours besoin au cas où. Au cas où on serait champion du monde, par exemple.

Les coquillettes = Denilson

Le mythe qu’on fait manger aux enfants et que les adultes qui refusent de grandir font perdurer en disant que « si, c’est super bon avec de la truffe et du comté » . Il faut pourtant se rendre à l’évidence : les coquillettes sont le joueur YouTube auquel vous vous êtes identifié pendant une partie de votre jeunesse avant de vous rendre compte qu’il n’était pas si bon. Rien de grave cependant, puisque la rechute est autorisée en cas de maladie. Même à 40 balais. Même avec du ketchup et du jambon Fleury Michon. Juste : gardez ça pour vous, hein.

Les pasta al forno = Salvatore « Totò » Schillaci

La Sicile par excellence. Un plat beaucoup plus costaud qu’il n’y paraît et qu’on n’a besoin de goûter qu’une seule fois pour se rendre compte qu’il n’y en a pas deux comme lui. À l’instar de Totò lors du Mondial 1990 au pays, les « pâtes au four » sont là pour les grands rendez-vous, immenses tablées dominicales ou fêtes. Et comme lors du passage pionnier du Palermitain au Japon (78 matchs, 56 buts), une bouchée suffit pour comprendre que ce plat met une claque aux soba et aux udon.

Les ravioli = Paul-Georges Ntep

Le plus grand delta du pâtes game. Incroyable quand elles sont faites maison, à Rennes, par exemple, les raviolis deviennent méconnaissables dès lors qu’on les consomme en boîte, que ce soit en Allemagne, en France ou en Turquie. Comme quoi la mondialisation peut faire ce qu’elle veut, elle ne remplacera pas un peu de formation et beaucoup d’amour.

Les pâtes fraîches ricotta-épinards = Robert Pirès et Cyrille Pouget

Les « R-E » flingueuses. Duo de choc des pâtes fraîches fourrées, les Ricotta & épinards sont à leur place dans le modeste rayon frais de votre Intermarché local. Sympathiques et humaines, elles sont abordables pour toutes les bourses et ont ce côté saveur riche et populaire qui leur donne une bonne cote auprès du plus grand nombre. Toutefois, c’est lorsqu’on imagine la séparation entre les deux ingrédients que le bât blesse. Car quand Robert Ricotta arrive parfaitement à trouver grâce aux yeux du plus grand nombre loin de son partenaire, Cyrille Épinard est bien plus en difficulté. Les injustices d’une carrière.

Les « spaghetti bolo » = Johan Cruyff

Légendaires. Une histoire contée par nos grands-parents que l’on contera à nos petits-enfants. Une histoire tellement riche qu’on en oublie la base. La base, c’est la sauce totale : les pâtes al ragù créées à Bologne par une sorte de Rinus Michels de la cuisine. Depuis, beaucoup ont essayé de l’imiter, sans jamais vraiment y arriver à part l’héritier, Johan Cruyff. Devenue une recette iconique en s’éloignant des vrais fondements de base qui en faisaient la sauce totale, la bolognaise n’en demeure pas moins respectée, respectable et toujours influente sur le pâtes game actuel. La marque des grands.

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