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Christophe Kerbrat, un roman de capes et d’épopées
À 38 ans, le défenseur breton dispute avec son club de Saint-Brieuc un huitième de finale de Coupe de France contre Nice. Une énième joute prestigieuse pour un homme pour qui le foot aurait pu n’être qu’une activité dominicale.

Le corps a ses raisons que la raison ignore. Ainsi, ce qui fait courir Cristiano Ronaldo, jeune quadra, mais aussi Dante Bonfim Costa Santos, 41 ans, et Christophe Kerbrat, 38 ans, tous deux opposés ce mercredi soir en Coupe de France, est insaisissable. Chacun à leur échelle, ils démontrent chaque week-end que ce jeu – le foot – n’est pas uniquement réservé aux enfants de 7 à 37 ans. Loin des pétrodollars saoudiens ou du soleil azuréen, le Breton, lui, reste animé par ces combats de boue qu’offrent le National 2. Le SC Locminé, les Voltigeurs de Châteaubriand, l’Olympique de Saumur, Les Herbiers, les Girondins de Bordeaux (cherchez l’intrus) sont autant d’adversaires aussi obscurs que coriaces.
On joue à n’importe quel niveau pour vivre des moments comme ça, des matchs avec du monde, de l’enjeu, où ça vit.
Par magie, celle de la Coupe de France pour la nommer, quelques soirées de gala lui permettent de ressortir du placard ce costume qu’il avait rangé en 2020 en plein covid, après neuf saisons de loyaux services pour En Avant Guingamp. Avec ses gars de Saint-Brieuc, il a encore la chance de se mesurer aux écuries professionnelles du Havre, d’Annecy et maintenant de Nice, pour un excitant huitième de finale. Ce parcours donne un indice sur ce qui le fait encore courir, malgré les cheveux grisonnants ou des articulations plus raides. « Si elles sont différentes du monde pro, ces émotions sont exceptionnelles, s’enthousiasme-t-il dans les colonnes de L’Équipe. On joue à n’importe quel niveau pour vivre des moments comme ça, des matchs avec du monde, de l’enjeu, où ça vit. »
Le sens de la Toph’
Alors qu’il a annoncé que cette saison serait la dernière pour lui, il y a certainement une chose à retenir de la carrière de Christophe Kerbrat : ne pas chercher ces moments de grâce n’empêche pas de les vivre. Bien au contraire. À force de stages encravatés dans une agence bancaire et de mission d’intérim en tant que gardien de parking ou comme manutentionnaire dans un poulailler, le Finistérien avait les deux pieds bien ancrés dans « la vraie vie ». Mais c’est avec Plabennec, déjà en Bretagne-Nord, qu’il a enfoncé les portes du haut niveau. Une épopée, déjà, avec un club qu’il a contribué à hisser en National en 2009, qu’il a amené jusqu’en huitièmes de finale de Coupe de France, édition 2010. Une épopée qui avait, déjà, placé sur sa route l’OGC Nice, tombé dans « un guet-apens avec un terrain gelé », d’après les souvenirs de Grégory Paisley. Une épopée surtout qui en appellera d’autres, puisque Guingamp finira par convaincre le menhir de tenter à 25 ans l’aventure du professionnalisme, lui qui avait jusqu’ici repoussé les avances de Brest et de l’EAG au risque de sacrifier ce qu’il chérissait à Plab’. Dans la ville de Le Graët, celui qui est « passé à rien de rester un bon joueur amateur », dixit son pote Jean-Michel Abiven, n’arrête pas pour autant les miracles : remporter une Coupe de France en 2014 comme recevoir l’Europe à Roudourou bien avant les exploits du Stade brestois.
Mais au moment où le soleil s’est mis à décliner, « Toph’ » n’a pu s’empêcher de revenir sur le plancher des vaches. Celui de la Bretagne évidemment, et du Stade briochin plus précisément. « J’aurais pu aller à l’APOEL Nicosie à Chypre ou à Neuchâtel Xamax en Suisse. Ça ne s’est pas fait, rejoue-t-il, toujours dans L’Équipe. Avec mon nom, on sait que je suis un pur Breton. (Rires.) Je n’ai jamais fait de calcul. Mais partir de Guingamp pour aller dans un autre club de Ligue 2 à l’autre bout de la France, ce n’était pas mon souhait. » Dans les Côtes d’Armor, il peut faire profiter les jeunes de sa riche expérience, mais aussi jouir des banquets d’après-match ou organiser des soirées loto pour l’école de foot. La vie, celle dont il aurait pu ne jamais changer. Ne parlez plus de Dante ou Ronaldo, son histoire est sienne. Mais son histoire n’est pas terminée : quand on parle de Kerbrat et de Coupe de France, il ne faut pas s’interdire de la voir s’étirer.
Par Mathieu Rollinger
Tous propos recueillis par Mathieu Rollinger et Florian Lefèvre pour le portrait "Défenseur de métiers" dans le magazine So Foot n°160 (publié en octobre 2018), sauf ceux de Christophe Kerbrat issus de L’Équipe.