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Robin Le Normand : « Rester dans son monde, c’est la solution de facilité »

Propos recueillis par Aquiles Furlone, à Saint-Sébastien

Comme Antoine Griezmann, Robin Le Normand a rejoint la Real Sociedad dans l’anonymat le plus complet, avant finalement d’exploser en Liga. Et s'il reçoit ce mardi le Paris Saint-Germain à Anoeta pour une place en quarts de finale de la Ligue des champions, le défenseur racontait en 2022 à So Foot son parcours, son exil et son amour du beurre salé.

Achraf HAKIMI of PSG and Robin LE NORMAND of Real Sociedad during the UEFA Champions League match between Paris Saint-Germain and Real Sociedad de Football at Parc des Princes on February 14, 2024 in Paris, France. (Photo by Hugo Pfeiffer/Icon Sport)   - Photo by Icon Sport
Achraf HAKIMI of PSG and Robin LE NORMAND of Real Sociedad during the UEFA Champions League match between Paris Saint-Germain and Real Sociedad de Football at Parc des Princes on February 14, 2024 in Paris, France. (Photo by Hugo Pfeiffer/Icon Sport) - Photo by Icon Sport

Tu as été licencié au FC Lamballe, un club breton issu de la fusion entre La Penthièvre Football et le Stade lamballais. Ce dernier a longtemps incarné les idéaux de Mai-68 sur le terrain. Pour prouver qu’un autre football était possible, ils jouaient par exemple avec deux défenseurs. C’était aussi comme ça à ton époque ?

J’étais très jeune quand j’ai commencé à jouer là-bas, mais je me souviens que notre coach avait déjà certaines exigences de jeu. Il insistait beaucoup sur la possession de la balle, je m’en souviens très bien. Avoir l’envie de produire du bon football, en soi, c’est déjà quelque chose de révolutionnaire.

Tu as eu quel type d’enfance ?

Je suis né à Pabu, à côté de Guingamp, et on a un temps habité à Moustéru, mais j’ai passé la plus grande partie de mon enfance à Bréhan. Mes parents y vivent encore. Avant de changer de métier, ils tenaient un bar. Ils ont fait plein de choses. Beaucoup de sport, notamment. Mon père, par exemple, a été entraîneur de foot, il a fait du marathon, et ma mère faisait du basket-ball, donc tous les week-ends, il fallait aller voir ses matchs. Avant ma naissance, ils ont même été animateurs sportifs dans des campings. Ils encadraient des gamins.

Et toi, ils t’encadraient comment ?

À la maison, il y avait une règle : tu ne pouvais pas te reposer si le reste de la famille n’était pas en train de le faire. Il fallait toujours filer un coup de main, faire correctement ses devoirs ou faire en sorte que la chambre soit bien rangée… Mes parents étaient très exigeants, avec eux il y avait une certaine rigueur à respecter, mais une fois que toutes les tâches étaient accomplies, tu pouvais faire ce que tu voulais. J’ai partagé beaucoup de bons moments avec ma sœur et mon frère. Avec Théo, mon cadet, on se défiait constamment. Peu importe le jeu : il fallait un vainqueur. Nous avions un grand jardin, et mon père y avait construit des cages de foot. On a fait pas mal de matchs là-bas. Et même si j’avais quatre ans de plus que lui, je ne lui ai jamais fait de cadeau. Théo, qui joue aujourd’hui à Guingamp, était du même bois que moi. Il était déjà milieu de terrain, donc forcément, nos duels étaient très intenses. Je l’ai séché plus d’une fois, d’ailleurs. (Rires.) J’étais déjà un défenseur dans l’âme.

Peut-être que je n’ai pas fait ce qu’il fallait pour être conservé, ou peut-être aussi que Brest, contrairement à la Real Sociedad, n’a pas su déceler tout mon potentiel… Tout ça, c’est de l’histoire ancienne.

Robin Le Normand

En France, beaucoup de pros sont issus d’un milieu modeste pour qui le football a servi d’ascenseur social. Toi, c’était quoi, ton moteur ?

Rendre fiers mes parents. Je l’ai toujours eu en tête. Enfant, je les voyais se réveiller très tôt pour aller travailler. Ils nous accompagnaient toujours au foot, que ce soit à 30 minutes, deux heures ou trois heures de la maison. Je leur serai toujours reconnaissant pour les efforts qu’ils ont faits pour nous. Avant d’intégrer le centre de formation de Brest, où j’ai commencé à croire en moi et en la possibilité de devenir professionnel, j’ai beaucoup discuté avec eux. J’avais 15 ans, il fallait que je quitte la maison, et ils m’ont dit : « Pour nous, ce sera dur, mais si c’est ce que tu aimes, nous sommes prêts à te laisser partir, à une condition : que tu donnes tout ce que tu as. Si tu n’y arrives pas, ce ne sera pas la fin du monde, mais il ne faut pas que tu aies de regrets. »

Tu as fini par disputer un match de Ligue 2 avec l’équipe première, mais Brest décide finalement de ne pas te conserver. Pourquoi ?

Physiquement, j’étais prêt, mais ils ont dû considérer qu’il me manquait des choses. Peut-être que je n’ai pas fait ce qu’il fallait pour être conservé, ou peut-être aussi que Brest, contrairement à la Real Sociedad, n’a pas su déceler tout mon potentiel… Tout ça, c’est de l’histoire ancienne. S’il fallait revenir en arrière, je ne changerais rien parce qu’ici, je vis un rêve éveillé. La Real m’a offert une seconde chance, et j’ai su la saisir. Aujourd’hui, je suis dans un endroit génial, avec des coéquipiers et un staff technique spectaculaire. À mes yeux, il n’y a pas meilleur endroit dans le monde que celui-ci pour continuer à progresser.

He’s just Ken.
He’s just Ken.

En arrivant en 2016 à Zubieta, le centre d’entraînement de la Real, qu’est-ce qui t’a le plus marqué ?

Le grand changement concerne la philosophie de jeu. L’équipe entrait sur le terrain pour attaquer, elle ne se contentait pas de protéger ses buts. On nous animait constamment pour aller de l’avant. En France, j’avais surtout la sensation que l’objectif était avant tout de ne pas perdre. Blindons-nous et une fois que c’est fait, on verra si on peut gagner… À la Real, le discours, c’était plutôt : « Essayons d’imposer nos idées, notre jeu, créons-nous des opportunités. »

As-tu eu du mal à assimiler ce changement de philosophie à l’époque ?

Je n’ai pas eu de mal avec l’idée qu’il fallait entrer sur le terrain pour gagner, au contraire, mais plutôt avec la manière dont il fallait s’y prendre. Ici, on nous demande de faire du jeu, y compris dans notre propre surface de réparation. C’était nouveau pour moi, parce qu’en France, j’avais surtout appris à défendre. Alors lorsqu’on a commencé à me dire qu’il fallait que je me décale sur la ligne de but pour que le gardien puisse me donner le ballon, ça m’a un peu surpris… Au début, j’ai eu un peu de mal avec ça, parce que je défendais bien, donc c’est ce que je voulais continuer à faire. C’est naturel de se focaliser sur ce que l’on maîtrise le mieux, mais rester dans son monde, c’est la solution de facilité. Si j’étais resté dans ma zone de confort, ça ne l’aurait pas fait, d’autant que lorsque je suis arrivé ici, on a fait voler en éclats pas mal de mes certitudes. Quand je dis que je défendais bien, en fait, c’est ce que je croyais. Il a fallu que je progresse également dans ce secteur, surtout tactiquement. En fait, je me suis vite rendu compte qu’il me restait beaucoup de choses à apprendre. J’y suis allé pas à pas, j’ai appris de mes erreurs, j’ai souffert, mais c’était le chemin à suivre si je voulais un jour jouer en première division.

Imanol Alguacil, qui était déjà mon coach en réserve, m’a donné le droit de me tromper. Quand je passais à côté d’un match, il finissait toujours par me redonner ma chance pour voir si j’étais capable de corriger mes erreurs.

Robin Le Normand

Qu’est-ce que tu connaissais de l’Espagne et de Saint-Sébastien avant d’atterrir ici ?

Pas grand-chose, en réalité, mais je savais que la Real avait participé à la Ligue des champions (lors de la saison 2013-2014, les TxuriUrdin avaient éliminé l’OL en barrages, notamment grâce à une bicyclette de Griezmann, NDLR). D’ailleurs, j’ai eu du mal à comprendre qu’un club comme ça se soit intéressé à un joueur comme moi. Je veux dire, j’étais dans l’équipe réserve d’un club de deuxième division française… Je trouvais ça étonnant.

Justement, comment expliques-tu que la Real ait permis à deux Français comme toi et Griezmann de devenir professionnels ?

Déjà, Éric Olhats (recruteur français du club) a toujours cru en moi. Selon lui, j’avais le potentiel pour m’imposer ici. J’ai eu de la chance d’être tombé sur lui, car il a vu des qualités en moi que d’autres n’avaient pas vues. Il a l’œil pour ce genre de choses, et il l’a démontré par le passé avec Antoine et Kevin Rodrigues (Grizou et le Franco-Portugais du Rayo ont rejoint la Real respectivement en provenance de l’UF Mâcon, et de l’équipe B du Dijon FCO). Après, je ne pense pas que le club ait regardé notre nationalité au moment de nous recruter. Ils ont vu que nous avions des qualités et, par la suite, ils ont valorisé notre travail. Ici, si tu fais les choses bien et que tu es disposé à faire les efforts nécessaires pour progresser, on te donne ta chance. Et puis surtout, on te laisse le temps de grandir. Moi, par exemple, j’ai débuté avec l’équipe première à 21 ans. En France, on te lance bien plus tôt, et il faut être au diapason tout de suite, parce que si tu ne l’es pas… Imanol Alguacil, qui était déjà mon coach en réserve, m’a donné le droit de me tromper. Quand je passais à côté d’un match, il finissait toujours par me redonner ma chance pour voir si j’étais capable de corriger mes erreurs.

Imanol Alguacil est l’entraîneur à la mode en Espagne. C’est quel type de coach au quotidien ?

Ça fait cinq ans que je suis sous ses ordres. C’est un gros bosseur, il est très exigeant, et surtout c’est un bon pédagogue, dans le sens où il est constamment en train de réfléchir à la manière dont il pourrait nous faire progresser. Ça, pour un footballeur, c’est fantastique. Alors oui, il est constamment sur ton dos à te corriger, il te dit parfois des choses que tu n’as pas envie d’entendre, il ne te fait pas de cadeaux, mais il a toujours été juste. Quand il t’invective, ce n’est jamais pour rien. Il est très important pour moi. Le jour où je raccrocherai les crampons, il y a de fortes chances que je me dise qu’il a été le meilleur entraîneur que j’aie connu.

Toi qui es né breton, tu as l’impression aujourd’hui d’être un Basque comme un autre ?

On va dire que oui. (Rires.) Je suis très heureux et complètement intégré ici. Je vis à Astigarraga, un village situé à huit minutes de la côte. C’est petit, tranquille, et en même temps il y a beaucoup de vie, j’y ai beaucoup d’amis. Quand les gens rentrent du travail, ils se retrouvent au bar ou sur les terrasses pour être ensemble, bavarder… Nous, les footballeurs, on a parfois tendance à toujours en vouloir plus, et quand je les vois profiter comme ça de la vie, je me dis : « Respire, t’es bien, là. »

Il y a une boulangerie où tu peux acheter ta baguette à Astigarraga ?

(Rires.) Il n’y a pas de meilleur pain qu’en France. Moi, la baguette, je l’aime surtout avec un peu de beurre salé. C’est la spécialité de chez moi, j’en ai toujours à la maison.

Dans cet article :
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Propos recueillis par Aquiles Furlone, à Saint-Sébastien

Entretien paru initialement et dans son intégralité dans le numéro 194 du magazine So Foot (mars 2022).

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