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Ride : « Oxford est un vrai club indie »
Au tournant des années 1980 et 1990, entre la mort créative des Stone Roses et l'explosion d'Oasis, Ride a été le meilleur groupe rock d'Angleterre. Ce fut éphémère, le temps de se hisser haut dans les charts britanniques avec un album beaucoup plus bruyant que commercial, le culte Nowhere. Insuffisant cependant pour devenir cool et accéder à la Premier League de la Britpop, tout comme leur club de cœur, l'Oxford United Football Club. De retour aux affaires après presque vingt ans de séparation, Mark Gardener (chant) et Steve Queralt (basse) racontent aujourd'hui leur affection pour ce petit club de League One (troisième division), au sein d'un football anglais toujours plus baigné d'argent.
Ça se passe comment pour Oxford United en ce moment ?Mark Gardener : Pas trop mal, on est dans le ventre mou du classement. De mon point de vue, les quelques dernières années ont été une joie parce qu’à un moment, c’était juste horrible. L’équipe était coincée dans les divisions inférieures à se farcir des déplacements à Chanmere et autres endroits complètement paumés et inaccueillants. Et puis il y a eu un barrage en 2010 contre York pour enfin remonter dans une ligue professionnelle. La victoire était une vraie question de survie pour le club : trop d’années passées dans les bas étages peuvent vraiment tuer un club. On gagne 3-1 à Wembley. J’y étais, et c’est sûrement mon plus beau souvenir de foot, un incroyable sentiment de soulagement. Et depuis, on est encore remonté d’un niveau.
Tu vas toujours aux matchs ?MG : Bien sûr, dès que je peux, et même quand on était tout en bas. Je suis un fan d’Oxford depuis tout petit, donc j’ai bien dû apprendre à vivre avec la défaite ! Même si c’est vrai que, parfois, une part de moi espère qu’un mec vienne injecter du fric pour les monter plus haut, les transformer en un bastion solide de Championship à l’image de Reading, un club complètement dégueulasse quand j’étais plus jeune, et maintenant une valeur sûre. Mais je suis heureux comme ça, je me sens davantage connecté au club en sachant qu’on fait jouer quelques locaux, que l’argent récolté aux matchs va au staff et aux joueurs, que ce n’est pas une gigantesque machine à cash. Oxford est un vrai club « indie » .
« Indie » comme on parle d’indie rock, tu veux dire ? Les gros clubs et les gros artistes, c’est la même logique ? MG : Oui, je crois que le succès de certains groupes a transformé leur son, leur objectif, ce qu’ils représentent. Regarde Coldplay, leurs premiers albums étaient intéressants, et puis…
Stephen Queralt : C’est pour ça qu’avec les groupes de rock, on dit souvent que le premier album est le meilleur. Quand ils débutent, il n’y a pas de question pécunière ou de carrière, c’est que pour la musique. Bon, maintenant qu’on est vieux, je déteste entendre ça sur nous, hein…
MG : C’est plus brut au début, plus instinctif.
SQ : On a eu la chance de voir U2 à Mexico cette année dans un stade immense. Tout le monde est d’accord pour dire que leurs premiers disques sont excellents, une vraie période dorée avant de devenir trop gros, trop luxueux, avec une musique plate et inoffensive. Sauf qu’à ce concert donc, ils ont commencé par un mini-set au milieu du public de quatre vieilles chansons sans artifice, sans bandes enregistrées, juste eux quatre qui jouent Sunday Bloody Sunday, New Year’s Day… J’avais l’impression d’enfin retrouver un groupe de rock, j’en ai pleuré tellement c’était fabuleux.
MG : Comme avec les gros clubs, c’est compliqué de se reconnaître dans un groupe hyper friqué, d’où la création du club dissident de Manchester par d’anciens supporters de United par exemple. Mais certains groupes s’en tirent hein, comme Radiohead évidemment, un groupe qui n’a pas arrêté d’évoluer, qui est resté intègre artistiquement tout en élargissant son public de manière organique. Le destin de Radiohead, c’est comme si Oxford gagnait la Premier League sans investisseurs.
Comme vous, les membres de Radiohead sont d’Oxford…MG : Oui, d’ailleurs on les croise parfois au stade. Surtout Phil Selway, le batteur, il est abonné, on se prend des petites pintes ensemble là-bas. Devant Oxford United, il est beaucoup plus expressif que l’image coincée qu’il renvoie !
Dans les années 1990, vous étiez sur le même label qu’Oasis, Creation Records. Ça discutait foot avec les frères Gallagher ?MG : Oh, tu sais, les Gallagher ne nous ont jamais trop calculés. Quand on se croisait, ils se foutaient de notre gueule, genre : « Regarde frérot, voilà les fans de ces losers d’Oxford. » C’était un peu la blague au sein du label, Manchester City pour les sulfureux Oasis, Chelsea pour le boss Alan McGee, et Oxford United pour les gentils gars de Ride.
Oxford a tout de même gagné une League Cup en 1986…SQ : On a même passé trois ans en première division dans les 80’s, et sans le Heysel, on se serait qualifiés pour la Coupe UEFA avec cette coupe !
MG : J’avais quinze ans en 1986, c’était superbe. On est partis à Wembley en famille, j’avais mon petit drapeau, tout ça… C’était comme un rêve, mais je me souviens surtout que ça représentait beaucoup pour mon père de partager un tel moment avec son fiston. L’autre grand souvenir de cette époque, c’est un voyage à Old Trafford où l’on bat Manchester United 2-0. Tout le kop d’Oxford était devenu complètement dingue. Sur le banc de United était assis un nouveau manager assez inconnu, c’était son tout premier match avec Manchester. Son nom ? Alex Ferguson.
Propos recueillis par Kerill McCloskey
À écouter : Tomorrow's Shore, sortie le 16 février (Wichita Recordings)