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Real Madrid : l’ADN européen
En s’adjugeant une quatorzième Ligue des champions, le Real Madrid a prouvé son attachement sans faille à la reine des compétitions de clubs. Une domination historique, symbole de l’ADN, quelque peu irrationnel, liant les deux entités.
Loin du terrain, le football recèle en lui un aspect impalpable et difficilement explicable : le mental. Une donnée que le Real Madrid s’est évertué à nourrir, au fil d’une histoire européenne décorée de 14 étoiles et d’un début de siècle (déjà) acquis à sa cause. Au-delà des sacres, aussi nombreux soient-ils, le Real Madrid s’est surtout fait maître de la régularité. Ainsi, dans l’effectif actuel, pas étonnant de voir se former un véritable contingent présent au club depuis près de dix ans, autour de Gareth Bale, Karim Benzema, Casemiro, Nacho, Dani Carvajal, Marcelo et Luka Modrić. Des garçons vainqueurs de cinq C1 sous la tunique blanche, auxquels s’ajoutent Toni Kroos, Isco, Lucas Vázquez, Marco Asensio, Mariano Díaz, Jesús Vallejo et Dani Ceballos, présents dans les parages depuis un bon bout de temps. Assez en tout cas pour s’imprégner des traditions de la maison.
En effet, et de manière étrange, les succès madrilènes se seront dessinés sous forme de séries, rarement espacées dans le temps. Dès sa création, la Ligue des champions a vu la Maison-Blanche rafler six des dix premières breloques de l’histoire (1956, 1957, 1958, 1959, 1960, 1966). Un épisode introductif suivi d’une ellipse, avant un retour aux sources à l’aube du nouveau millénaire (1998, 2000, 2002) et de la confirmation, à l’orée de la dernière décennie (2014, 2016, 2017, 2018, 2022). Trois séquences temporelles d’ultradomination, qui ont fait naître la légende d’un club finalement programmé pour le succès.
« La chance, tu peux l’avoir une fois, pas à chaque fois »
Et quand certains placent la chance en tête de leur argumentaire, Benzema ne se dérobe pas, prêt à rétablir l’ordre des choses. « Cette saison par exemple, on a joué des grosses équipes. Que ce soit Paris, Chelsea, Manchester City et aujourd’hui Liverpool, détaillait l’international français après le succès des siens au Stade de France. La chance, tu peux l’avoir une fois, pas à chaque fois. » Car à force de scénarios favorables, il devient difficile d’invoquer nombre d’éléments extérieurs ou d’esprits frappeurs (arbitrage et calibre des adversaires notamment) afin d’expliquer cette aura vertueuse, propre aux Merengues.
Il faut dire qu’avec un pourcentage de victoire s’élevant à 67% lors de chaque finale disputée (56 sacres sur 84 finales disputées) et une invincibilité entretenue depuis 1981 en C1 (année de la dernière finale perdue, contre Liverpool, défaite 1-0), le poids de l’histoire a vite fait de jouer son rôle, sur des joueurs ne demandant qu’à s’en enivrer. Interrogé par Goal sur cette désillusion subie face aux Reds quarante et un ans en arrière, le défenseur Rafael García Cortés s’est d’ailleurs blindé mentalement : « J’ai jeté toutes les cassettes vidéo ou toute autre image liée de près ou de loin à cette finale. J’ai effacé ce match de ma mémoire. Je n’en ai vraiment que de rares souvenirs. En tant que joueur du Real Madrid, il était hors de question pour moi de garder cette trace dans ma carrière. La défaite n’existe pas quand tu joues pour ce club. » Défaite interdite et sermon de fierté affiché.
Le sentiment général de joueurs conscients d’être « redevables » à une institution leur forgeant des palmarès majuscules. Comme un déclic psychologique, activable à souhait à l’approche des échéances fatidiques. Guti dans El Chiringuito : « C’est un sentiment assez étrange, que les gens de l’extérieur ne comprendront sûrement pas, mais tu sens que ce maillot et les joueurs qui l’ont porté avec toi t’accompagnent. Comme des garants, venus te rassurer et te dire que tu finiras par y arriver. L’ADN du Real Madrid existe, surtout en Ligue des champions. Peu importe à quel point les choses tournent mal, qu’elles n’aillent pas en votre faveur. Ce maillot vous donne des ailes, et elles vous permettent d’affronter les moments difficiles. Les soirées magiques à Santiago-Bernabéu sont inexplicables. » Une « logique irrationnelle » finalement, à même de marquer l’histoire d’un continent et du football dans son entièreté. Cela tombe bien, le sport-roi ne demande qu’à voir la magie perdurer.
Par Adel Bentaha