Real Madrid : Intellectuel Pellegrini
C'est officiel et il sera présenté demain au stade Santiago Bernabeu. Manuel Pellegrini, qui a fait les beaux jours de Villarreal, est donc le nouvel entraineur de la Maison Blanche. Il a signé pour deux ans et le Real Madrid s'est acquitté de 4 millions d'euros au club de Robert Pirès pour s'offrir ses services. Quel est son style ? Quelles sont ses références ? Voici un extrait de l'interview que Manuel Pellegrini nous avait accordée il y a un an, dans le cadre du dossier Villarreal, So Foot 57.
Vous avez un schéma tactique de référence ?
Dans un premier temps, je m’adapte aux joueurs que j’ai. Ensuite, j’aime une certaine façon d’évoluer sur le terrain oui. Ça passe par une défense à 4 premièrement. Ensuite deux milieux de terrain légèrement reculés, qui peuvent ressortir le ballon avec les deux latéraux qui montent proposer des solutions de passes. Devant, deux milieux de création qui soutiennent deux attaquants. C’est le schéma le plus offensif et celui où on défend le mieux même si on est moins à défendre. Je dis ça d’expérience, 35 ans de football, j’ai eu le temps d’analyser.
A vos débuts sur le banc, c’était déjà cette composition ?
A peu de choses près oui, ce 442, avec deux milieux défensifs et deux créateurs, des latéraux qui montent vite. Depuis que je suis en Espagne, j’ai travaillé un peu plus sur le déplacement sans ballon, ce qui est typique du football européen.
Justement, quelles sont les différences que vous avez observées entre le football sud-américain et le football européen ?
Là-bas, on porte plus le ballon. C’est surtout ça. Le football argentin est, par exemple, basé sur le porteur du ballon, le joueur qui a la balle a une énorme pression, il y a très peu de mouvements sans le ballon, là-bas on traite mieux le ballon, on respecte plus le jeu, on fait en sorte de ne pas le perdre. Alors qu’ici, pour la majorité, c’est un football plus direct, on donne moins d’importance au ballon et plus au physique et à la mobilité. Même si moi je crois que le ballon vaut n’importe quel physique. Moi, ici à Villarreal, j’essaie d’accentuer ce travail des joueurs qui n’ont pas le ballon.
Quelle est la part de responsabilité de l’entraîneur dans l’obtention d’un titre ?
Je crois que dans toute la semaine, il a un rôle primordial, c’est lui qui prépare le groupe, qui gère psychologiquement son équipe, il cherche une façon de jouer, il cherche l’identité à donner à son jeu, mais au final, le dimanche, c’est toujours les joueurs qui apportent les réponses. Le jour du match, l’importance de l’entraîneur baisse beaucoup.
Vous êtes un coach qui parle beaucoup à ses joueurs ?
Oui, je vais leur parler, j’aime ça, savoir comment ils vont, comment ils se sentent, quelles sont leurs sensations quand ils tapent le ballon, dans les rapports mentaux, c’est aussi important de discuter avec ceux qui jouent, comme ceux qui ne jouent pas, leur expliquer le pourquoi. Moi, ma mission, c’est d’ordonner un groupe, de lui donner une mission, et de le faire adhérer. Des projets de jeu, de groupes, il peut en exister des milliers, à moi d’en isoler un et de le mener à bien.
Cette empreinte, ce style, vous le définissez comment ?
Je fais en sorte que mes équipes sachent traiter le ballon, des équipes joueuses, mais aussi compactes, avec peu d’écart entre les lignes, très ordonnées, organisées défensivement, savoir défendre, c’est primordial.
Vous êtes un technicien qui n’hésite pas à renouveler voire bouleverser son effectif.
C’est absolument vrai, je crois qu’il ne reste que 3 joueurs de ma première saison à Villarreal.
Pourtant, en général, les entraîneurs aiment compter sur des “lieutenants”, des mêmes joueurs. Comment vous expliquez votre façon de travailler ?
Quand je suis arrivé en Espagne, j’avais un bon groupe, on a terminé troisième, on a donc eu la Champions. La saison suivante, c’était deux compétitions à gérer de front, on a donc dû faire venir des renforts. Ensuite j’ai du rajeunir mon groupe, certains comme Arrabaruena, Quique Alvarez, Tacchinardi avaient amplement tout donné pour nous et devaient partir…
Vous aimez faire venir des Sud-Américains, pourquoi ?
D’abord parce que financièrement, le rapport qualité-prix est le meilleur. Ensuite parce que je sais que mon football est un alliage intéressant du football sud-américain et européen, et que ces joueurs vont réussir à s’épanouir ici.
Vous croyez qu’il existe un cycle idéal de travail pour un entraîneur dans un club ?
(Il réfléchit) Je ne sais pas, je ne crois pas non. Trois ans, c’est le temps le plus raisonnable pour pouvoir montrer son travail et vers où on va. Il existe des clubs où tu n’as pas ce temps et où tu dois être en mesure de montrer des choses dès la première saison, Barcelone, Madrid ou River Plate. Trois ans, c’est aussi le nombre de saisons où un coach peut se dire voilà, j’ai terminé ce pour quoi j’étais venu, et ce même en ayant gagné des trophées. Mais c’est surtout une question d’ambiance, d’exigence, de volonté, de réponse du groupe, de confiance des dirigeants… Mais bon, regarde Ferguson, saison après saison, il continue, ou Koeman qui n’a même pas tenu trois mois à Valence, on ne peut pas vraiment dire qu’il existe une règle idéale.
En général qui dit équipes joueuses demande beaucoup de solidarité à l’heure de défendre ou d’attaquer, comment on l’obtient des joueurs ?
En travaillant toute la semaine. Garder les lignes proches les unes des autres, regarder le ballon et pas le joueur adverse, jouer propre et juste, ne pas avoir peur de se risquer, c’est le football que j’aime et que je respecte.
L’avenir ?
Je ne sais pas, je ne me vois pas encore travailler dans le football dans dix ans, mais je ne manque pas d’ambition…
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