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Eliezer Mayenda : «  Cette montée avec Sunderland, c’est une véritable délivrance »

Propos recueillis par Thomas Morlec
14 minutes

Buteur héroïque pour Sunderland lors de la finale d’accession à la Premier League, Eliezer Mayenda a été l’un des hommes forts de Régis Le Bris cette saison en Championship. S’il est né en Espagne, l’attaquant des Black Cats a grandi à Bretigny avant d’être formé à Sochaux, avec qui il a fait ses débuts en professionnel à 16 ans. Sous le feu des projecteurs, ce fan de catch rêve désormais plus grand.

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Comme lors des demi-finales retours contre Coventry, le scénario de cette finale d’accession à la Premier League a été totalement fou. Comment tu l’as vécue ?

C’était les montagnes russes ! Il y avait de la pression pour tout le monde, notamment au début. Sheffield marque très tôt dans la rencontre, on a Luke O’Nien, notre défenseur central, qui se déboîte l’épaule dès la 2e minute… Mentalement, on est touchés, parce que c’est notre leader, qui a notamment vécu le plus de finales à Wembley, surtout que c’est une équipe de jeunes à Sunderland. On prend du temps à rentrer dans le match, il y a ce deuxième but refusé. Heureusement, parce que honnêtement, c’était mort sinon. Mais à la mi-temps, Régis Le Bris a été calme, c’est un entraîneur qui ne crie jamais, il transmet de la confiance, et on est revenus avec de meilleures intentions. Mon but arrive dans un moment important du match, on repart de l’avant, puis c’est la folie lorsque Tommy (Tom Watson) marque dans le temps additionnel. C’était incroyable, c’est la plus belle émotion de ma carrière !

Votre victoire permet aux Black Cats de retrouver la Premier League huit ans après la relégation du club. Ça a dû être une véritable délivrance dans la ville, non ?

Pour tout le monde ! Il ne faut pas oublier que nos fans sont ceux qui ont le plus souffert de la situation de Sunderland ces dernières saisons. Quand on se rappelle que le club était en League One il y a quatre ans… Il y a eu des saisons difficiles, l’année dernière on était aussi dans le dur en finissant 16es. Cette montée, c’est une véritable délivrance. Pendant les play-off, ce n’était pas qu’ils nous mettaient la pression, mais on sentait qu’il fallait le faire pour eux. Grâce à cette victoire, les supporters vont vivre un super été, huit ans c’est long. La ville avait besoin de ça.

Ce qui est beau, c’est que ma mère était dans le stade quand le public a repris à l’unisson le chant à mon nom.

Comment s’est passée la fête après le match ?

Pour être honnête, moi-même je n’arrive pas à la raconter parce que tout le monde faisait n’importe quoi. (Rires.) Personnellement, je suis calme, je ne fais pas de folies, mais dès que l’arbitre a sifflé la fin du match, j’ai été prendre mes lunettes de soleil. C’est ma signature depuis les demi-finales, tout le monde avait parlé d’une photo où je les avais et on m’avait demandé de les remettre à Wembley en cas de victoire. Après, on courait dans tous les sens, le champagne coulait à flots, on a porté la coupe dans les gradins, puis c’était fini, on a perdu des joueurs. (Rires.) Le vestiaire, c’était une piscine. On a célébré ça à l’hôtel, c’était de très bons moments. C’est unique, une montée en Premier League. On a tenté de fêter avec les supporters, mais notre bus a été bloqué à Londres, il y avait du monde de partout. On a pris des photos, signé des autographes, c’était incontrôlable, mais surtout beaucoup de bonheur.

 

Tu as carrément eu un chant à ton nom ! 

Le chant, il vient d’un supporter qui a fait une vidéo après un match où j’avais marqué. Je pense qu’il avait bu, qu’il avait consommé. (Rires.) Au début, c’était vraiment un petit truc, puis les gens ont commencé à le reprendre au stade. Je me souviens, la première fois que ça s’est matérialisé, c’était quand j’ai mis un doublé contre Sheffield Wednesday à l’extérieur. Les gens commencent à parler de moi, et je marque dès la première minute contre Cardiff à domicile au match suivant. On était quatre ou cinq mois après la vidéo du supporter, le stade a repris à l’unisson le chant. Ce qui est beau, c’est que ma mère était dans le stade. On ne peut pas l’oublier !  Les paroles, c’est « Oh big man, what is your name ?  », puis ils disent Eliezer Mayenda. Au départ, quand j’arrive de Sochaux, personne ne me connaissait ou n’avait d’information sur moi. Un petit m’avait demandé mon nom, lors d’une vidéo qui a été reprise. Je n’étais pas un gros transfert, j’arrive en même temps que Jobe Bellingham (le frère de Jude Bellingham, NDLR), donc évidemment, on n’était pas dans la même galaxie.

Dans votre équipe, il y a plusieurs Français, comme Wilson Isidor, Enzo Le Fée ou encore votre entraîneur Régis Le Bris. Ça a facilité ton intégration ?

C’est surtout au niveau de la langue. Vu que je suis franco-espagnol, c’était tout de suite plus simple, notamment avec le coach, la communication était plus fluide. Lors de ma première saison, je parlais anglais, et il y avait Pierre Ekwah, Timothée Pembélé et Adil Aouchiche dans le vestiaire. Cette saison, mes trois langues m’ont permis de parler avec tout le monde, pas seulement avec les francophones. Enzo (Le Fée) ou Wilson (Isidor), ils ont plus d’expérience que moi, donc on parle beaucoup. Sur le terrain, Enzo et Salis (Abdul Samed) me mettent des galettes, et avec Wilson, on n’a presque pas besoin de se parler, on se trouve les yeux fermés. Il y avait une connexion naturelle avec beaucoup de joueurs. J’ai développé mon intelligence de jeu, ce qui me permet de m’adapter facilement à tous les profils.

Quand j’étais au collège, quand on faisait de la gym, il y avait des tapis, donc je faisais des “RKO” à mes camarades en gym. Et je me suis fait virer plusieurs fois pour ça !

Vous êtes un groupe qui semble très bien vivre aussi…

Oui, on est tous jeunes (moyenne d’âge de 24 ans, NDLR). On a les mêmes centres d’intérêt, les mêmes délires. C’est beaucoup plus facile pour la vie de groupe. Et il y a quand même les anciens pour cadrer parce que parfois, on part un peu trop loin dans nos bêtises. (Rires.)

C’est quoi vos bêtises ?

De base, je suis toujours fourré avec Chris Rigg, c’est un 2007, mais il est pas bien dans sa tête, il est fou. (Rires.) Lui, il peut parler toutes les langues, il a des facilités. On peut prendre un ballon de baudruche gonflé, le mettre sous la serviette de quelqu’un, la personne elle s’assoit et elle tombe. C’est des petites bêtises comme ça. Au début, on ne sait pas qui est qui, mais au fur et à mesure, les masques tombent, et c’est la guerre constante. Par exemple, on a un jeu où le but, c’est de lancer une paire de chaussettes sur quelqu’un sans qu’il arrive à trouver qui l’a fait. Si on se fait repérer, on doit payer.

 

Le Bris est aussi un entraîneur qui t’a très vite donné sa confiance, notamment parce que ton profil collait parfaitement à ce qu’il voulait mettre en place. À quel point il est important pour toi ?

Dès les matchs de préparation, il m’a fait jouer. Il m’a expliqué comment il voulait m’utiliser, et surtout le coach a été très patient avec moi au départ. Il m’a laissé m’adapter, notamment à ses consignes. Après, c’est un entraîneur très porté sur l’offensif, donc forcément, ça m’a mis en valeur, surtout que j’ai joué pratiquement à tous les postes offensifs, ce qui m’a permis d’être encore plus polyvalent. C’était important pour lui, cette aptitude. J’ai tout fait cette année pour lui rendre cette confiance.

Maintenant, la question que tout le monde se pose : est-ce que Netflix a filmé vos exploits ?

Le problème avec ça, c’est que l’on a tous vu la série. C’était mon cas avant de venir chez les Black Cats. Cette année, si on avait fait un sondage avant le début de la saison pour savoir qui misait sur le fait que Sunderland allait monter en Premier League, il n’y aurait pas eu grand monde. Mais, moi, j’ai vu des caméras au centre d’entraînement. Maintenant, on est filmé de temps en temps, mais ça ne veut pas dire que c’est Netflix. Je n’ai pas d’infos. Après, il y a beaucoup d’images que l’on peut récupérer. Si cela permet d’en faire une nouvelle saison, tant mieux, sinon il faut essayer de faire quelque chose.

J’étais comme les autres alors que mes parents souffraient beaucoup de par la situation familiale et financière.

Surtout que tu pourrais être un personnage de premier choix avec ta saison et ta célébration en hommage au catcher Randy Orton, qui t’a d’ailleurs répondu sur les réseaux sociaux. Tu nous racontes ?

Comme tout le monde, je regardais le catch quand j’étais petit sur W9 et NT1, il ne doit y avoir que 5% de la population qui ne sait pas ce que c’est, on a tous regardé John Cena ou Undertaker. Perso, mon préféré, c’était Randy Orton. Mes amis et ceux qui ont grandi avec moi en région parisienne savent que j’étais un peu fou de lui. Quand j’étais au collège, quand on faisait de la gym, il y avait des tapis, donc je faisais des « RKO » (prise de catch, NDLR) à mes camarades en gym. Et je me suis fait virer plusieurs fois pour ça. (Rires.) J’ai aussi fait cette célébration à Sochaux ou dans d’autres matchs. À Sunderland, dans une vidéo que l’on a faite pour les médias du club, on m’avait demandé quelle célébrité je rêverais de rencontrer et j’avais directement répondu Randy Orton. Ça a été viral au niveau des supporters, ils voulaient absolument que je fasse la célébration samedi. Au début, je ne l’imaginais même pas, mais finalement quand j’ai marqué, Patrick Roberts m’a soufflé dans l’oreille de la faire et je n’ai pas résisté. Après, c’est parti trop loin parce qu’Orton a fait un post avec la célébration, on s’est ajoutés sur les réseaux, et il m’a dit que je pouvais m’approprier son geste.

 

Tu es né en Espagne avant d’arriver en France à 8 ans, à quoi ressemblait cette partie de ta vie ?

Je sais que c’est compliqué, les gens se demandent souvent si je parle français ou pas. En gros, moi, je suis né en Espagne, ma mère est togolaise et mon père est congolais. De base, je ne parlais pas français. Chez moi, mes parents parlaient français entre eux pour qu’on ne comprenne pas, nous les petits. C’était leur technique. J’ai déménagé en France à 8 ans pour des raisons familiales. Mon père avait trouvé un nouveau boulot, on a dû le suivre. On n’avait pas d’appartement fixe au départ. C’était une situation très compliquée au début. J’étais dans un foyer à Breuillet, dans le 91. On y est restés presque trois ans. J’ai des souvenirs un peu flous, mais je n’ai jamais senti ces difficultés familiales quand j’étais petit, mes parents trouvaient toujours le moyen de nous payer à moi et à mes petits frères nos licences de foot, sans soucis. J’étais comme les autres alors que mes parents souffraient beaucoup de par la situation familiale et financière. J’ai démarré par trois ans de foot à Breuillet, puis à l’âge de 11 ans je suis allé à Brétigny, où l’on a trouvé un appartement fixe, puis j’ai grandi là-bas. J’ai continué de grandir footballistiquement à Brétigny avant de partir pour le centre de formation de Sochaux, tandis que ma famille restait sur place.

C’était pas trop dur l’acclimatation, notamment au niveau de la langue ?

La chance, c’est que j’ai appris très vite. Vu que j’étais petit, c’était plus facile. Je suis parti à l’école comme les autres. Au début, je ne comprenais rien, c’était dur, puis tout a roulé.

Dès mon premier match avec Sochaux, j’ai un duel avec Nicolas Pallois qui me met au sol. Je comprends direct qu’on n’est plus en U19 et ce que c’est le haut niveau.

Qu’est-ce qu’il te reste de tes années à Sochaux ?

C’est le meilleur souvenir de toute ma jeunesse, c’était incroyable. J’ai mis les pieds dans le centre de formation parfait. J’ai rencontré des personnes top, que ce soient les entraîneurs, mes coéquipiers, les encadrants. Quand j’arrive au centre, je mets 16 buts lors de mes cinq premiers matchs en U15. Je suis tombé avec la bonne génération et le bon coach, au bon moment. J’étais sous les ordres d’Éric Boniface, on est encore en contact, c’est celui qui m’a permis de devenir le joueur que je suis, il m’a cadré. J’ai monté les échelons, en étant notamment coaché par Pierre-Alain Frau, puis j’ai signé professionnel à 16 ans, et j’ai fait mes débuts en pro lors des quarts de finale de la Coupe de France, un Sochaux-Nantes. Pour l’anecdote, au départ, Omar Daf m’a fait monter avec les pros, alors que j’étais déjà surclassé. Florentin Pogba, qui jouait chez les Lionceaux à cette époque, me prend sous son aile. Je fais toute la semaine avec eux, et finalement je termine dans le groupe pour la coupe. Je rentre à la toute fin de la rencontre et j’ai tout de suite un duel avec Nicolas Pallois qui me met au sol. Je comprends direct qu’on n’est plus en U19, et ce que c’est le haut niveau. Mais je me défile pas et je lui mets un coup de coude dans un duel aérien. Il a rigolé et m’a dit : « C’est bien, petit ! »

Ce n’est pas un petit regret de ne pas t’être fait un nom en France avant de partir à l’étranger ?

Les regrets que j’ai, c’est surtout pour les supporters sochaliens. Je pense que j’aurais pu donner plus à Sochaux. Je suis content de mon passage, mais forcément j’avais une attache particulière parce que c’était mon club formateur. Après la finale à Wembley, j’ai un peu pensé à tout ça. Aujourd’hui, Sochaux est dans une situation difficile. Il y a quelques similitudes avec les Black Cats, Sochaux doit être un club de Ligue 1 !

Quand on arrive à Sunderland à 18 ans, c’est dur, non ?

J’arrive sans une grande expérience du monde professionnel. J’ai joué quelques matchs, mais je me blesse très vite pendant deux mois, ce qui ralentit ma progression et mon adaptation. Dans la foulée, l’entraîneur en place se fait limoger, ils prennent un nouveau coach qui mise sur l’expérience en attaque. J’ai donc été prêté en Écosse, mais même là-bas, c’était difficile. J’ai appris à l’entraînement, la nouvelle culture, la mentalité du championnat. Ça m’a forgé, c’est ce qui m’a permis de faire une si belle saison cette année (41 matchs, 10 buts, 5 passes décisives).

Tu es un joueur très technique et explosif. Comment tu décrirais ton jeu ?

Je me considère comme étant un joueur polyvalent. Mon poste de prédilection, c’est numéro 9 et je pense être assez complet dans ce registre. J’ai de la puissance, je suis technique, j’ai une bonne intelligence de jeu dans les déplacements et plutôt une bonne finition. J’ai aussi une bonne qualité de percussion et je suis quelqu’un qui marche beaucoup à l’instinct, à l’image du but que j’ai mis contre Bristol.

 

Qu’est-ce que cette double culture franco-espagnole t’apporte ?

J’ai pris un peu de tout, même de l’Angleterre. Je suis plus agressif dans les duels depuis que je suis en Championship. Tu es obligé, sinon tu te fais manger. Ce mix France-Espagne fait le joueur que je suis aujourd’hui. Je suis instinctif et imprévisible dans le style français. J’ai aussi la chance de pouvoir parler avec tout le monde dans un vestiaire, c’est un véritable cadeau. Je peux regarder la télévision en espagnol ou en français, pareil sur TikTok. (Rires.) Je lis aussi la presse dans les deux pays ce qui me permet de comprendre les différences de traitements. C’est un mix particulier, j’ai des visions différentes. Je prends le meilleur de mes racines, on m’a déjà dit que j’avais la hargne d’un Anglais, la formation d’un Français et la technique d’un Espagnol. Je pense que ça se ressent dans mon jeu.

Le prochain objectif, c’est la Coupe du monde U20 avec l’Espagne ?

Je suis actuellement en rassemblement avec les U20 pour préparer la Coupe du monde. Je suis opérationnel, même pour l’Euro U21, je reste à disposition de la fédération.

Avec tes performances cette saison, tu vas forcément être sollicité. Tu as déjà commencé à réfléchir à ton avenir ?

Vous n’êtes pas les premiers à me poser la question, même mes amis m’en parlent. Je viens de monter en Premier League samedi, je veux juste savourer. Je suis vraiment heureux à Sunderland.

Donc, quelle est ta destination pour les vacances ? La France, l’Angleterre ou l’Espagne ?

Je verrai demain à la fin du rassemblement. Là, honnêtement, je ne sais pas du tout encore. (Rires.)

 

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Propos recueillis par Thomas Morlec

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