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Robin Risser : des Racing et des ailes

Par Timothé Crépin
11 minutes

Brillant à Lens pour la première saison de sa carrière en Ligue 1, Robin Risser a trouvé entre Bollaert et La Gaillette l’endroit qu’il cherchait pour se lancer définitivement à ce niveau. Quitte à sacrifier ses rêves de jouer à Strasbourg. Avant les retrouvailles forcément chargées d’émotions avec le RCSA ce week-end, partons sur les traces de Risser l’Alsacien.

16 Robin RISSER (stra) during the Ligue 1 MCDonald's match between Saint Etienne and Strasbourg at Stade Geoffroy-Guichard on November 2, 2024 in Saint-Etienne, France. (Photo by Loic Baratoux/FEP/Icon Sport)   - Photo by Icon Sport
16 Robin RISSER (stra) during the Ligue 1 MCDonald's match between Saint Etienne and Strasbourg at Stade Geoffroy-Guichard on November 2, 2024 in Saint-Etienne, France. (Photo by Loic Baratoux/FEP/Icon Sport) - Photo by Icon Sport

C’est l’instant Guide du routard : Kaysersberg, Eguisheim, Ribeauvillé, Riquewihr… Si vous avez déjà visité Colmar et ses alentours, soit pour les marchés de Noël (c’est bientôt de saison) ou pour la route des vins d’Alsace, ces noms vous disent forcément quelque chose. À quinze minutes au nord de Colmar, voici Bennwihr, même pas 1 500 habitants, village viticole où vous serez servis question vignes. Et si vous êtes amateur de vin, il n’est pas exclu qu’une personne du nom de Risser vous fasse goûter quelques bouteilles du coin. Car c’est ici qu’on trouve les racines de Robin, 21 ans le 2 décembre prochain.

S’il n’avait pas été footballeur, j’ai un gros doute sur le fait qu’il aurait travaillé dans le vin. Je ne pense pas que ça l’aurait intéressé.

Son pote Jordan

Entre Bennwihr, donc, et Beblenheim, quelques kilomètres plus loin, d’où est originaire sa maman. « Un Alsacien pur souche, comme le raconte Jordan, le pote de toujours. Ses parents ont tous les deux une exploitation. » Même le petit frère, Virgile, est tombé dedans et bosse avec eux. Mais pas Robin. « Franchement, s’il n’avait pas été footballeur, j’ai un gros doute sur le fait qu’il aurait travaillé là-dedans, continue Jordan. Je ne pense pas que ça l’aurait intéressé. Il m’avait dit qu’il aurait aimé être pompier. » Mais non, à Bennwihr, le football prend tout de suite une place énorme. Sur ce city stade en macadam, Robin, fada de ballon, plonge jusqu’à en déchirer, ou presque, les habits. C’est d’ailleurs là qu’il compte se rendre en décembre, lors de la trêve hivernale. Il a déjà donné rendez-vous à son ami : « Hier, il m’a écrit : “T’es dispo le 23 ? On se fait une journée entre gars.” » Le rendez-vous sera évidemment « au parc », endroit fétiche.

L’Alsace avait un formidable talent

L’occasion, peut-être, de se refaire le film. De ce jeune Robin, qui, au tout départ, préfère marquer beaucoup de buts plutôt que d’en arrêter. Qui adore Cristiano Ronaldo et le Real Madrid avant d’être choqué par ce que peut réaliser Manuel Neuer. Mais ce qui l’aidera sur tout ce chemin, comme le disent tous les témoins interrogés, c’est la « mentalité Risser ». « Ses parents sont des gens de la terre, accrochés aux valeurs de la terre », dépeint Stéphane Guédet, ancien coach de Risser à Strasbourg. « Des combattants qui n’ont peur de rien, qui n’ont pas peur du défi, enchaîne Yoann, inséparable de Robin depuis le pôle espoirs de Nancy, que Risser rejoint à 12 ans. Avec énormément de travail, ils ont cette faculté à savoir ce qu’il faut pour arriver là où ils veulent. » Jordan explique que Robin Risser « a hérité ça de ses parents. Depuis toujours, il est attaché aux valeurs alsaciennes : l’authenticité, le travail… »

Des débuts au club de son village, tout de suite surclassé, lui qui a une tête de plus que tout le monde, puis à Colmar, en U13, pour commencer à grandir petit à petit. « Par sa taille et sa prestance, tout le monde demandait : “Mais c’est qui ce gardien ?” », se souvient Jordan. Devenu son ami, Alexis Casadei se souvient avoir affronté Robin Risser, alors à Colmar. « Il était déjà un peu atypique, rembobine l’actuel joueur d’Annecy. Malgré son jeune âge, il aimait beaucoup jouer avec le ballon, ressortir. Une fois, il y avait un coup franc un peu lointain. Il avait décidé de tirer, et il l’a marqué. »

Le Racing Club de Strasbourg est l’étape suivante, naturellement. « Pour tous les Alsaciens du pôle espoirs, le but, c’était de signer là-bas, confirme Yoann. C’était l’élite, le club qui nous faisait rêver, qu’on regardait toujours à la télé. » Pourtant, même dans la capitale régionale, il garde le même état d’esprit. Alexis Casadei : « Je me souviens d’un tour en Gambardella contre Sochaux. On est aux tirs au but, et Robin décide d’en prendre un. Les gens de Sochaux le chambrent. Et il envoie un pétard en pleine lucarne. C’est Robin : il n’a pas peur de se montrer, il ne va pas se cacher. » Ce qui fait dire à Yoann, l’ami : « J’aime bien dire que, pour être gardien, il faut être un peu foufou. Et Robin, ça lui correspond bien. »

Jetzt geht’s los*

Stéphane Guédet arrive au RCSA, qui poursuit sa reconstruction après ses déboires : « On me fait le tour de la maison. Et le club était fier d’avoir pu conserver le petit Risser après s’être fait piller dans son centre de formation. On m’explique que c’est une valeur sur laquelle on compte, qui correspond à l’ADN de Strasbourg. Quand je le rencontre, on sent qu’il a quelque chose, une âme de leader, un gamin qui a déjà soif de victoire. » Peut-être trop.

Je ne le lâchais pas, quitte à le menacer de le sortir d’un match et le remplacer au but par un joueur de champ.

Stéphane Guédet, formateur au RCSA

Le formateur restera marqué par le caractère de son ancien protégé. « On ne va pas se cacher : il a du caractère. Et, parfois, il était un peu mal placé. Plutôt que de distiller des encouragements, il avait tendance à hausser le ton de manière un peu négative. » Mais Guédet savait qu’il avait la totale confiance des parents Risser pour terminer, en quelque sorte, l’éducation du jeune Robin et trouver le bon chemin : « Ils me disaient : “Il est chez vous du lundi au vendredi. Nous, on ne l’a jamais. N’hésitez pas, faites comme si c’était le vôtre.” Je ne le lâchais pas, quitte à le menacer de le sortir d’un match et le remplacer au but par un joueur de champ. Il suffisait juste de lui montrer les bons rails et de lui dire : “La voie est là, suis-là.” » Cette passion et cet engagement pouvaient faire naître certaines craintes chez Stéphane Guédet : « À un moment donné, je me suis dit : “Putain, s’il ne passe pas le cap, ça va être emmerdant.” Parce qu’il faut accepter de prendre des buts et parvenir à être lucide pour les analyser. »

Sélectionné dès l’équipe de France U16, Robin Risser fait parler de lui bien au-delà de l’Alsace. À tel point que l’Olympique de Marseille s’intéresse à lui. « Ils voulaient en faire un gardien numéro trois, raconte Jordan, le pote. À l’époque, ça parlait déjà de 1,5 ou 2 millions d’euros. Il a préféré continuer dans le club de sa région. Son objectif, c’était vraiment de porter les couleurs de Strasbourg. » « Quand on est alsacien, on a envie de représenter le football local, constate Habib Diarra, formé avec Risser au RCSA, aujourd’hui chez le brillant Sunderland de Régis Le Bris en Premier League. Le football, en Alsace, c’est quelque chose de fort. Et Robin a forcément ça en lui. »

Plus que linéaire, son parcours va très rapidement l’amener au groupe pro. Robin Risser a 17 ans quand il apparaît pour la première fois sur la feuille de match du RCSA en Ligue 1 (août 2022). Stéphane Cassard est l’entraîneur des gardiens du club à ce moment. « J’avais rencontré ses parents, raconte-t-il. On sentait beaucoup de fierté, mais aussi de la crainte par rapport au monde professionnel. » Aujourd’hui dans le staff de Franck Haise, à Nice, Cassard analyse : « Il avait la compréhension du chemin à faire pour y arriver. Par moments, il était pressé, mais ça ne durait pas longtemps. Il a progressé rapidement à l’écoute de Matz Sels et Eiji Kawashima. » Risser apparaît 27 fois sur le banc sur la saison 2022-2023. C’est le moment de jouer. Sans partir trop loin, quand même. Strasbourg le prête à Dijon, en National. Six mois plus tard, surprise, Matz Sels quitte l’Alsace pour Nottingham Forest en toute fin de mercato d’hiver. Engagé avec le DFCO, Robin Risser voit son cœur faire un bond. Il sent que c’est sa chance. « Il voulait revenir, raconte Cassard. Je lui ai dit d’être patient. » Une première chance s’évapore. Risser termine son (bon) prêt en Côte-d’Or et est même présélectionné dans la liste des 25 joueurs de Thierry Henry pour disputer les Jeux olympiques – qu’il ne disputera pas à cause d’un coude douloureux.

Quand Rosenior le met au placard

De retour en Alsace, son moment approche, ça y est. « La plus grande fenêtre qu’il a eue, c’est l’année dernière, quand Patrick Vieira voulait en faire son numéro un absolu », dévoile Jordan. Surtout que le mercato est agité pour le jeune portier, Strasbourg refuse des approches du Portugal, du Red Star, entre autres. Sauf que le 18 juillet, coup de théâtre : Patrick Vieira quitte Strasbourg. Arrive Liam Rosenior. Jordan, l’ami, poursuit : « Il lui a tout de suite fait comprendre que Robin ne convenait pas et qu’il souhaitait un gardien d’expérience. » Robin Risser prend un uppercut.

En sachant qu’il n’est plus dans les plans, l’Alsacien est touché moralement, et ne parvient pas à inverser la tendance lors des deux matchs amicaux où il a du temps de jeu en attendant l’arrivée du futur numéro un. « Il était chamboulé dans sa tête, confirme Jordan. Il y a un match à Karlsruhe, où ça ne se passe pas de la meilleure des manières. Puis un amical à Colmar, dans sa ville, devant tous ses proches. Il est titulaire, mais fait une boulette. Ça a, malheureusement, conforté l’idée de Rosenior. » Le coup est (très) rude. « Robin a fait beaucoup au club, il a donné énormément, constate Yoann. Il a gravi les échelons, prouvé qu’il pouvait être un grand gardien à Strasbourg. Il méritait d’avoir sa chance. »

Il était très malheureux, très renfermé sur lui-même. Le soir, il arrivait qu’il rentre chez lui et qu’il pleure. Heureusement qu’il avait sa copine. Seul, il aurait sombré.

Jordan

De possible numéro 1, Risser passe troisième voire quatrième dans la hiérarchie et disparaît totalement des feuilles de match. Jordan abonde : « Sans exagérer, il était au fond du trou… Il était au placard, même plus convié aux matchs d’entraînement. C’était horrible, un enfer. » Risser est touché, s’isole, car on lui a volé son rêve. Puis, un jour, cette question lancée à son pote Jordan : « Il me dit : “Est-ce que je suis vraiment fait pour le foot ?” Il était très malheureux, très renfermé sur lui-même. Le soir, il arrivait qu’il rentre chez lui et qu’il pleure. Heureusement qu’il avait sa copine. Seul, il aurait sombré. »

Robin Risser mange son pain noir, ne lâche pas, malgré tout. Un soir, le trio Robin Jordan Yoann se retrouve pour mater la Ligue des champions. Nous sommes en novembre 2024. Yoann raconte : « On est à table et on parle du fait qu’il lui faut du temps de jeu, et qu’il faudrait un prêt pour partir ailleurs. » Même pas dix minutes plus tard, le téléphone de Risser sonne. « C’était ses agents : “Robin, prépare-toi, tu pars au Red Star comme joker médical.” On a célébré ça comme une victoire en Coupe du monde. On savait tellement que ça allait lui faire du bien, qu’il allait tout arracher… On s’est levé, on a crié, on s’est pris dans les bras. »

L’envie secrète de revenir un jour au RCSA ?

Lui qui « représente l’Alsace », comme le dit Alexis Casadei, va en fait attendre de partir assez loin de son cocon pour véritablement prendre son envol. Son tout premier match face à Bastia, en Ligue 2, début décembre, est tout simplement incroyable, avec des parades et interventions de haut vol. « Je l’ai tellement senti en confiance, confie Jordan. Ce prêt a relancé sa carrière. Même s’il a toujours gardé cette confiance en lui. On était par exemple sur son canapé, et il me disait : “Jo, mets-moi en Ligue 1, titulaire, et tu verras ce que je vais faire.” Très sûr de lui, mais sans jamais être hautain. »

 C’est Jean-Louis Leca et le RC Lens qui lui ont donné cette opportunité de débuter numéro un dans l’élite. Pas le Racing qu’il aurait imaginé, mais peu importe. « Il ne voulait plus jouer à Strasbourg, tranche Jordan. C’était fini, c’était acté, il y avait eu trop de choses négatives sur les derniers mois. » Alexis Casadei sait qu’il ne peut pas s’en vouloir, sans toutefois oublier le RCSA : « Il est passé à autre chose, il n’a pas de rancœur, souligne-t-il. Il est respectueux et reconnaissant, quand même, envers Strasbourg. Oui, à la base, ça lui tenait à cœur d’y jouer. Il a tout essayé, il a tout mis en œuvre pour réussir dans sa région. » « Ça reste un produit du football alsacien, recadre Habib Diarra. On a confiance en lui. On sait qu’il a l’avenir devant lui et qu’il peut devenir un très, très grand gardien. »

Si le chemin vers les sommets se poursuit pour l’international espoirs, Robin Risser a déjà en tête de racheter, un jour, le FC Bennwihr, là où tout a commencé. Lui qui n’hésite pas à ramener un carton de gants pour les jeunes gardiens du club dès qu’il en a l’opportunité. Mais avant de devenir propriétaire, qui sait, comme le présume Stéphane Guédet, « peut-être que dans un coin de sa tête, il voudra un jour briller à Strasbourg. Ou pas. »

Ce qu’il faut retenir de la 12e journée de Ligue 1

Par Timothé Crépin

Tous propos recueillis par TC.

*Jetzt geth’s los : "Maintenant, c’est parti". Une devise des supporters du Racing Club de Strasbourg.

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