Où va Chelsea ?
Désormais troisièmes du championnat, les Blues donnent l'impression d'un bateau sans véritable capitaine, pas loin de partir à la dérive. Comment, avec un effectif pareil, en sont-ils diable arrivés là ?
Dans les travées d’Old Trafford dimanche dernier, José Mourinho s’est pointé, a fait mine d’observer son prochain adversaire en Ligue des Champions puis est reparti, un léger sourire au coin des lèvres. Ce qu’il avait vu de Manchester United l’avait-il à ce point rassuré en vue du huitième de finale face à son Inter Milan ? Loin s’en faut. Mais la vision de ces Blues, si longtemps siens, l’avait peut-être quelque peu ravi. Pas trop, hein, tant le Portugais garde des liens solides avec ses anciens boys. Mais un peu quand même, fort, sans doute, de cette impression qu’après lui à Chelsea, il n’y aurait plus rien. Au vrai, ils sont de plus en plus nombreux à le penser.
Des catins aux call girls
Pour la presse anglaise, le coupable est tout trouvé. Luiz Felipe Scolari a le parfait profil du saboteur en chef : étranger, pas très charismatique et moustachu. La vague de froid est là pour le rappeler, l’été 2008 est déjà très loin. Le bon vieux temps pour le brave Scolari, le temps de la découverte et même de la romance. D’autant que le vieux sorcier avait su user des ficelles classiques pour se débarrasser de la pression : « La pression autour de la Seleçao était autrement plus importante qu’ici » . Soit une variante un poil plus chiante de l’adage dicté par Charles Barkley : « La pression, c’est ce qu’on met dans les pneus » .
Il faut dire aussi que les débuts du technicien brésilien furent royaux avec des résultats, du jeu et des jolis buts. On se dit alors que Scolari avait réussi la prouesse d’avoir donné une identité différente à son équipe longtemps marquée par celle de Mourinho. Deco orchestrait, Obi Mikel défendait, Bosingwa montait et le duo Lampard-Anelka marquait. Toutefois, le premier accroc face à Manchester (1-1) avait mis la puce à l’oreille : si largement dominateurs face aux tocards, ces Blues plus offensifs étaient-ils taillés pour encaisser les coups des caïds, des vrais ? On sut très vite que non.
Froid et implacable, Liverpool vient piétiner (1-0) l’immense invincibilité domestique de Chelsea chez lui. Puis ce fut au tour d’Arsenal (2-1) avant que quelques tâcherons (Newcastle, Burnley, West Ham, Southend), à défaut de succès, ne viennent quand même méchamment chicaner les pensionnaires de Stamford Bridge, mutés en vulgaires catins d’une maison de passe. Mais bon, à défaut de se faire respecter chez lui, Chelsea alignait furieusement à l’extérieur (8 succès sur les 8 premiers déplacements). Jusqu’au voyage de trop à Old Trafford où les Londoniens se firent démonter l’oignon (0-3). Les catins étaient devenues des call girls…
L’effet dominos
Comment Chelsea en est-il arrivé là ? Les explications sont multiples. Tactiquement d’abord, l’équipe est à la fois prévisible (le danger des latéraux) et très dépendante de la forme de Deco, intronisé dépositaire du jeu. Mais après avoir flambé un bon bimestre, le Portugais n’avance plus. Dans ce contexte, tels des dominos, les autres impressions s’effondrent une à une. Lampard et Ballack sont incapables de faire le jeu, Obi Mikel (un des rares irréprochables) est le seul milieu à couvrir sa défense où John Terry est à des années-lumière du roc qu’il fut, moins bien protégé dans ce dispositif que dans le précédent. Et ne pas compter sur d’éventuels renforts, Roman Abramovitch ayant été doublement lessivé par son divorce puis par la crise financière.
Schéma classique, ça va moins bien sur le terrain, ça castagne en coulisses. S’obstinant à ne pas vouloir associer en attaque Anelka et Drogba, Scolari a réussi à se friter avec le premier, refusant de jouer à gauche, avant que le second ne mange bon à son tour. Même le gentil Petr Cech s’est fait pourrir par LFS, de plus en plus irritable au point de sécher régulièrement les conférences de presse. Les joueurs, eux, seraient las du manque de variété des séances du Brésilien et remettraient en cause la préparation estivale après les quelques 32 blessures depuis le début de saison. Dans cette ambiance délétère, le vestiaire craque de partout. Ainsi Terry se serait fait vertement reprendre par plusieurs joueurs après que le capitaine ait pointé le manque de concentration de ses partenaires. Ambiance, ambiance…
Mais bizarrement, Chelsea est toujours en vie et toujours candidat au titre. Et ce n’est pas forcément une bonne nouvelle pour Liverpool et Manchester, finalement pas très loin devant. Car une équipe en proie à autant de tourmente aurait dû jeter l’éponge pour se concentrer sur les 3e et 4e places qualificatives pour le 3e tour préliminaire de la prochaine C1. Et, après tout, Chelsea ne compte jamais plus d’un point de retard sur ses temps de passage de l’an passé. Il s’en était alors fallu de peu qu’elle ne décroche la double timbale (Championnat et Ligue des Champions). Qu’on se le dise : considérés comme perdus, ces Blues bougent encore et n’en sont finalement que plus dangereux. Un mental en forme d’héritage gardé des années de gloire. Et si c’était ça qui faisait sourire Mourinho ?
Dave Appadoo
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