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Oscar Heisserer, le premier héros de l’OL

Par Nicolas Kssis-Martov
5 minutes
Oscar Heisserer, le premier héros de l’OL

Lorsqu'en 1950, l'Olympique lyonnais étrenna ses premiers pas dans le foot français, il chercha tout de suite à se faire un nom dans une ville de foot, mais qui attendait encore son grand club. C'est pourquoi, il confia son destin à un ancien international français d'avant-guerre : Oscar Heisserer. Un de ces héros oubliés du foot français, le « Platini alsacien » d'avant-guerre, dont la carrière sera malheureusement brisée par le conflit mondial. Il laissera malgré tout une trace dans l'histoire en permettant à la capitale des Gaules de briller au cœur de l'Hexagone en crampons. Et de remporter son premier derby face à Sainté...

6 janvier 1952, l’Olympique lyonnais se déplace dans le Nord pour rencontrer le CO Roubaix-Tourcoing dans le cadre du championnat de D1. Son entraîneur, Oscar Heisserer, a trente-sept ans. Son équipe n’a pas encore deux ans au compteur et peine à attirer les bons joueurs ou les cadres expérimentés sur les bords du Rhône. L’ancien international et « star » du Racing Club de Strasbourg, qui avait pourtant renoncé à exercer son art sur les pelouses, était donc souvent contraint de rechausser les crampons pour consolider le jeu. Ce beau jour de janvier, il marquera même son dernier but parmi l’élite. Un beau paradoxe pour cet homme qui raconta par la suite, au sujet de son expérience sur le banc lyonnais : « Ce n’était pas un travail pour moi. Je ne supportais pas que les joueurs fassent des erreurs. » Oscar Heisserer appartient à une génération maudite. Celle de la guerre, qui a souvent vu les carrières s’effondrer sous le poids des drames. Surtout pour ceux qui ont fait d’autres choix que de simplement regarder ailleurs ou se soumettre. À en croire la presse de l’époque, Heisserer avait pourtant tous les atouts en main. Encore aujourd’hui, il traîne la belle réputation du « Platini alsacien » , surnom attribué après sa carrière. Lui-même préférait se comparer à la fin de sa vie à Patrick Viera, dont il louait les qualités et la pugnacité. Cela n’était peut-être pas si faux. Le 10 mai 1937, le journal Paris-Soir le décrivait comme un « gros travailleur de l’attaque, partout, toujours, et généralement avec succès » .

Il commença modestement au FC Bischwiller. Toutefois, le club de son cœur sera le RC Strasbourg, où il signe pro en 1934. Quatre saisons où il éblouit et attise les convoitises. Au point que le prestigieux Racing Club de Paris et ses fameux « Pingouins » , la première équipe de la capitale à avoir à ce point dominé le foot tricolore, le débauche. Avec eux, il va remporter trois Coupes de France (1939, 1940 et 1945), et surtout gagner définitivement ses galons chez les Bleus. L’équipe de France sera l’autre grande aventure de sa vie de footeux (25 fois international entre 1936 et 1948, inscrivant huit buts). Certains matchs lui laisseront même beaucoup de regrets, alors que, pour le coup, la sélection nationale pouvait prétendre jouer un petit rôle face aux mastodontes sud-américains ou européens. En 1938 surtout. La France accueille alors la troisième Coupe du monde. Le 12 juin, les Bleus croisent la route des Italiens, tenants du titre et grands favoris. Oscar Heisserer va permettre à tout le pays d’y croire, en égalisant une minute après l’ouverture du score du Juventino, Gino Colaussi (7e). En seconde mi-temps, le talent et la roublardise de la Squadra achèvent les doux rêves de Raoul Diagne et Alfred Aston. Pour s’y replonger, il faudra attendre 1958 et le regretté Raymond Kopa.

De Wembley à Gerland

Le début de la Seconde Guerre mondiale stoppe net sa montée en puissance. Alsacien et donc patriote, le jeune Oscar part au front et porte l’uniforme sur la ligne Maginot. En deux mois, la Wehrmacht écrase une armée française qui croyait encore à la guerre des tranchées. L’Alsace est annexée par le troisième Reich. Oscar retourne pourtant à Strasbourg où son statut de vedette suscite les convoitises de la propagande hitlérienne. Alors qu’il vadrouille sur les bords du terrain de la Meinau, un pharmacien « collabo » qui fait visiter les lieux à des dignitaires nazis le reconnaît et le dénonce. S’ensuit un embarquement au QG local où on lui demande longuement de rejoindre la SS, et son club local, l’ancien Red Star, avec pour argument définitif que « l’Alsace est allemande pour mille ans » . Le Français qu’il reste se contente de décliner prudemment. Il sera libéré au bout de quelques heures avec des menaces à peine voilées. Logique, le bonhomme n’a guère de sympathie pour la croix gammée, et aide modestement des familles juives à fuir vers la Suisse toute proche. Lui-même prend le même chemin quand, en 1943, on lui demande de rejoindre un régiment allemand sur le front de l’Est. Il trouve refuge dans un camp en Suisse, où les conditions très dures d’internement ont, selon lui, durablement nui à ses capacités physiques. Il finit malgré tout par rejoindre la France libre, avec laquelle il peut aussi remettre le maillot bleu. Une grande joie qui lui vaudra sûrement son plus grand souvenir d’international, ce jour mémorable où il égalise contre l’Angleterre à Wembley avec le brassard de capitaine autour du bras, le 26 mai 1945, juste après la fin des combats. Un signe de renaissance aussi bien pour le foot français que pour la nation.

À son retour, il réalise vite que sa carrière est derrière lui, mais ne peut se résigner à quitter le monde du foot. Il se retrouve ainsi aux manettes de l’effectif du LOU (Lyon olympique universitaire). Un club omnisports au bord de l’implosion entre ballon rond et ovale. Sauf que le 26 mai 1950, Le Progrès publie le faire-part de naissance de l’Olympique lyonnais, qui part en campagne en récupérant la place en seconde division de la section foot du LOU et donc son coach, Oscar Heisserer. Le premier match officiel se déroule le 27 août 1950 à Gerland, devant 3000 curieux, et face au CA Paris. Oscar se montre finalement l’homme de la situation, et l’OL accède à l’élite dès sa première année d’existence. Certes, il a aussi fait l’ascenseur la saison suivante, pour retourner dans l’élite en 1952. Entre-temps, il aura aussi offert une date clé, un acte fondateur, dans le cœur de ceux qui ne savent pas encore qu’ils deviendront supporters lyonnais : la première victoire contre les Verts. Le 28 octobre 1951, l’ASSE s’incline 4-2 devant le jeune promu, dans un stade rempli par presque 18 000 badauds. C’est un Alsacien et international de surcroît, Fritz Woehl, qui, avec un triplé, offre ce beau cadeau de naissance aux Gones. En 1954, le natif de Schirheim dit adieu au foot pro et retourne chez lui sur les bords du Rhin, où il décède le 7 octobre 2004. Il reste pour toujours une figure estimée du Racing, le seul club qui compta dans sa vie.

Par Nicolas Kssis-Martov

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