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Naby Love
Si le RB Leizpig est aussi performant en Bundesliga, c'est essentiellement grâce au travail de Naby Keita. Pour sa première saison dans un grand championnat, le Guinéen ne se laisse pas impressionner et est devenu une pièce maîtresse du système de jeu du promu. Portrait d'un jeune homme qui récolte les fruits de ce qu'il a semé.
Il y a longtemps, très longtemps, il y a eu l’insondable Chérif Souleymane. Puis il y a eu l’immense Aboubacar « Titi » Camara. Sans oublier le charismatique Pascal Feindouno, ainsi que le déroutant Fodé Mansaré. Aujourd’hui, il y a le virevoltant Ibrahima Traoré. Il aurait pu y avoir Paul Pogba. Quoi qu’il en soit, même s’ils n’ont pas tous grandi à Conakry, force est de constater qu’il y a déjà eu de nombreux joueurs guinéens qui ont donné du frisson et du plaisir à leurs supporters. Et visiblement, cela n’est pas près de s’arrêter : Naples et l’Italie n’ont d’yeux que pour Amadou Diawara, tandis qu’en Allemagne, c’est Naby Keita qui assure le show en Bundesliga.
La terreur du supermarché
Dès son plus jeune âge, Naby Keita cassait déjà tout. Au sens propre du terme. Quand il allait faire les courses au supermarché avec sa mère, il jouait avec n’importe quoi dans les magasins. « Même des abat-jours » , racontait le joueur il y a quelques semaines au site de la DFL (Deutsche Fussball Liga). « Malheureusement, je cassais plein de choses. Ma mère me disait toujours que ça coûtait cher de faire les courses avec moi ! » Heureusement, il y a la rue pour jouer aussi. Des surfaces hostiles, qui nécessitent une concentration de tous les instants. Pas l’école la plus facile, mais assurément la meilleure.
La passe décisive de Dianbobo Baldé
Bien que talentueux, Naby Keita ne trace pas sa route de la plus simple des manières. Il ne démarre pas sa carrière au prestigieux Horoya AC, mais au FC Santoba, un autre club de la capitale, alors en deuxième division. Bien qu’il joue assez régulièrement, il rêve d’Europe. Durant la saison 2011, il part alors faire un essai à Lorient, qui ne le prend pas. Pas grave : Keita retourne à Conakry, fait monter son club dans l’élite et est même élu meilleur joueur de D2. Rempli de confiance, il tente un nouvel essai en France, du côté du Mans. Bien qu’intéressé, Le Mans FC ne pourra pas signer le Guinéen, en raison de problèmes d’ordre administratif et financier. Naby retourne au pays aider son club, mais ne compte pas lâcher l’affaire. Finalement, la passe décisive viendra de son compatriote Dianbobo Baldé. L’ancienne armoire à glace du Celtic organise un tournoi à Marseille, au cours duquel celui qui est surnommé « Deco » par son père se distingue. Repéré par les dirigeants du FC Istres, Naby Keita s’engage alors en novembre 2013 pour les Aviateurs. Sa carrière décolle enfin. Il apprend le métier aux côtés d’un certain Jérôme Leroy, et très vite, il devient incontournable : en 23 rencontres, il marque à quatre reprises et délivre neuf passes décisives. Mais malgré tous ses efforts, il ne parvient pas à sauver le club, qui descend en National.
Ralf Rangnick, l’autre père
Ses performances en Ligue 2 lui permettent de connaître les joies de la sélection nationale. Et c’est lors d’une de ses toutes premières rencontres avec le Syli National que son destin va changer. En mai 2014, le Syli affronte le Mali à Colombes. Alors que le score est de 1-1, Keita, déjà auteur d’un match remarquable, provoque un penalty, transformé par son pote Guy-Michel Landel. La Guinée s’impose 2-1. À l’issue de la rencontre, deux hommes viennent voir le milieu de terrain : Gérard Houllier, à l’époque directeur mondial de la branche football de Red Bull (et directeur sportif du RB New York), et Ralf Rangnick. L’ancien coach du FC Schalke 04, devenu directeur sportif du RB Salzbourg et Leipzig, est sous le charme du bonhomme. « Il m’a très vite traité comme si j’étais son fils. Il est venu me voir pour faire signer au RB Salzbourg. J’ai tout de suite eu confiance en lui » , se rappelle Keita. Ni une, ni deux, le Guinéen file découvrir les joies de l’autre Bundesliga. Sous les ordres d’Oskar Garcia, un élève de Cruyff, Keita augmente son volume de jeu et devient très vite incontournable. En guise de récompense, il s’offre un double doublé coupe-championnat en 2015 puis en 2016, et termine meilleur joueur du championnat pour ce qui sera sa seconde et dernière année en Autriche.
Le moteur du milieu
Car Ralf Rangnick ne l’a pas oublié. Aujourd’hui à la tête du RB, le « Professor » a de grands projets pour celui qu’il a accueilli dans la famille Red Bull. Avec la montée, le RB Leipzig doit se renforcer. Pour ce faire, le club allemand décide d’aller prendre deux-trois joueurs chez sa sœur autrichienne. Et d’entrée, le jeune homme de 21 ans fait parler de lui : le RB Leipzig accueille Dortmund pour son premier match à domicile dans l’élite. Le score est de 0-0. Keita entre à six minutes de la fin et marque le but de la victoire à la 89e. Les semaines passent, et le Guinéen devient tout simplement injouable. Il est partout au milieu du terrain, il court, il tacle, il se bat, il court de droite à gauche et de gauche à droite, quand il ne choisit pas de monter pour aller lui-même marquer. Ou de redescendre pour faire une faute utile dont il a le secret. Pièce maîtresse du système de Ralf Hasenhüttl, Naby Keita est le moteur du RB Leipzig. Quand il n’est pas là, son équipe déraille, comme face à Brême (défaite 3-0), match auquel il n’a pas participé en raison d’un malaise à l’issue d’une défaite contre Wolfsburg (0-1). Et celui dont le joueur préféré est Andrés Iniesta semble ne pas avoir de limite. « Je veux devenir le meilleur joueur du monde » , a-t-il déclaré à maintes reprises, sans arrogance aucune. Car Keita sait d’où il vient, et surtout, il sait ce qu’il aurait fait s’il n’était pas devenu footballeur. « J’aurais réparé des motos, comme mon père. » Une autre idée de la mécanique bien huilée.
Par Ali Farhat