MU – Van der Sar, 21 heures 51…
Les abrutis qui croiraient lire le vol horaire d'un obscur petit aéroport des Pays-Bas (lignes internes) se mettent le doigt dans l'œil. Car il est question ici d'Edwin Van der Sar et de son record d'invincibilité, fixé hier soir à 21 heures 51 minutes en Premier League. Petit hommage à un grand échalas qui a failli devenir aussi anonyme qu'un obscur petit aéroport des Pays-Bas.
La légende associe toujours un héros et un sans-grade. Le héros, c’est Edwin Van der Sar. Le sans-grade s’appelle Peter Lovenkrands, Danois de Newcastle qui a mis fin à l’invincibilité du Hollandais Volant. Plus tard, Lovenkrands pourra raconter dans tous les pubs de la planète à des Japonaises paumées : « Y’avait mon pote Jonas, pas çui de la baleine, hein ! Il a tiré et Wonder Sar, c’est comme ça que j’l’appelle maintenant, il a repoussé le tir. J’étais limite hors-jeu et j’ai repris le ballon. Au fonds des filets ! On jouait depuis 9 minutes, c’est écrit sur un diplôme de la Fédé anglaise. Au Sun, y m’ont filé une médaille… » .
Edwin est donc resté invaincu pendant 1311 minutes en Championnat d’Angleterre. Qu’est-ce que ça prouve ce genre de record ? Plusieurs choses, en fait. Tout d’abord que MU peut être à la fois l’équipe la plus offensive d’Angleterre (48 buts marqués, ex-aequo avec Chelsea), pratiquer avec le Barça le plus beau football de la planète, tout en restant hyper rigoureux en défense. Les Red Revils n’ont encaissé que 12 buts en 27 matchs… On peut donc dire que Van der Sar a bénéficié du super boulot défensif de ses coéquipiers et notamment de sa paire axiale intraitable, Ferdinand-Vidic.
Reste que ça fait un bon moment que le goal-keeper de MU étonne par sa longévité (il a 38 ans) et ses performances tardives étonnantes qui le classent aujourd’hui dans le Top 5 mondial des meilleurs gardiens. A l’Euro 2008, il a encore sorti de très bons matchs, retardant même l’élimination contre la Russie, avant de céder. Étonnant aussi, sa réputation très récente d’excellent gardien sur les penaltys et les tirs au but. Jusqu’à l’Euro 2004, 100% de lose aux tirs au but avec l’Ajax contre la Juve en 1996, contre la France à l’Euro 96, contre le Brésil au Mondial 98 et contre l’Italie à l’Euro 2000. A cette époque, Edwin est en position accroupie, fébrile, il se chie dessus…
Et puis à l’Euro portugais de 2004, il se redresse, se tient droit, bras écartés : immense sur sa ligne, sa cage se réduit à des buts de hand-ball. Résultat : contre la Suède, il arrête le tir au but de Mellberg et qualifie les Oranje pour les demies. Et puis, il y aura la perf’ mythique des trois tirs au but repoussés d’affilée au Charity Shield 2007 contre Chelsea et le shoot d’Anelka stoppé en finale de Ligue des Champions 2008 à Moscou. Van der Sar, c’est également des arrêts réflexes encore incroyables pour son âge et pour son gabarit (1m98), un placement optimum sur sa ligne et quelques détentes bien senties. Bon, le “lapin de glace” (“Ijskonijn”, son surnom aux Pays-Bas) n’est pas un adepte des ballons bien bloqués, chers à Bernard Lama. Son style, ce serait plutôt claquettes & manchettes. Sauf que ça marche à (presque) tous les coups…
Van der Sar revient de très loin… Une période faste à l’Ajax (coupe-championnat-C1 et Intercontinentale 1995) l’envoie à la Juve des Zidane, Deschamps, Del Piero pour deux saisons ratées (1999-2001). Les tifosi bianconeri l’éliront “pire gardien de l’histoire de la Juve”. Exil de lose à Fulham, club londonien très moyen. Oublié, raillé, Edwin s’y emmerde royal pendant quatre saisons : « J’allais voir Chelsea jouer en Ligue des Champions. Contre le Bayern, j’observais Oliver Kahn s’échauffer en pensant “Je faisais la même chose avant” et “qu’est-ce que je pourrais faire pour rejouer la C1 ?” Vous espérez que quelqu’un vous offre l’opportunité de revivre ça en sachant qu’à Fulham, ce sera impossible… » .
Coup de pouce du destin, Alex Ferguson le fait venir en 2005, après avoir essayé en vain Barthez, Tim Howard, Roy Carrol et Bozo le Clown. Van der Sar, éperdu de gratitude, débarque à Old Trafford pour les succès futurs qu’on connaît. Adoré des fans de MU, tout heureux de trouver enfin le digne successeur de Schmeichel, gardien emblématique des années 90. Van der Sar est un habitué des coups du destin. Au début des années 90, le grand poireau pas dégueu marne dans un club obscur, le VV Noordwijk. Son coach a pour habitude de jouer aux cartes avec un certain Louis Van Gaal, entraîneur de l’Ajax. Un soir, il lui dit : « Écoute, Louis, on a un jeune gardien assez doué qui pourrait t’intéresser… » .
Banco ! Van Gaal signe le Sar… mais le cantonne deux ans sur le banc. A la faveur d’un match cata de Stanley Menzo contre Auxerre en mars 93, il le lance dans le grand bain : « J’avais 22 ans et j’arrivais à un point où je me posais des questions. Je me disais, il est temps de demander à être transféré pour enfin jouer. J’étais même prêt à évoluer dans un club plus petit » . Deux ans plus tard, il sera champion d’Europe…
Van der Sar n’a plus d’âge. Dernier rempart, toujours, de MU. Père peinard familial comme Bergkamp et Van Nistelrooy, il carbure au sirop de fraise. Bon gars, il a accepté l’automne dernier de faire deux piges pour la sélection Oranje contre la Norvège et l’Islande, alors qu’il avait mis fin à sa carrière internationale après l’Euro 2008. Au passage, un record de sélections de son pays, 130 capes… Van der Sar n’a plus d’âge. Ses tenues sobres vertes, jaunes ou bleu pâle sont devenues très hype. Avec ses longues mèches brit-pop, il a même carrément rajeuni. Au point d’être devenu “beau” ?
Chérif Ghemmour
Lire : Résumé de la 28e journée de Premier League.
Par