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Montpellier, la crise de la cinquantaine
Pour son cinquantième anniversaire, Montpellier n’aura rien à fêter. Auteur d’un exercice cauchemardesque, le club héraultais a officialisé sa relégation en Ligue 2 ce week-end, après un passage de quinze saisons dans l’élite. Une débâcle à tous les niveaux, qu’on a pu voir arriver de loin.

Un grand cercle orange et bleu, frappé d’un numéro 40. Pour fêter son quarantième anniversaire en 2014, le club de Montpellier n’avait pas hésité à changer ses armoiries, le temps d’une saison. On pouvait aussi revoir Laurent Blanc et Carlos Valderrama porter le maillot pailladin une dernière fois, lors d’un match de gala. Sans pour autant tomber dans la simple nostalgie, puisque le champion de France 2012 restait implanté au présent. Menée par Rolland Courbis, l’équipe de Vitorino Hilton, Anthony Mounier ou la surprise Lucas Barrios se posera à une belle septième place, non loin de l’Europe. Sans rêver trop grand, le Sud pouvait compter sur une autre place forte en Ligue 1, capable de faire faillir n’importe qui.
Dix ans plus tard, le statut n’est plus le même. Louis Nicollin est parti, laissant l’intégralité des responsabilités à son fils Laurent. Si en interne, l’héritier avait déjà repris les rênes du bateau, il devient officiellement le commandant de bord. Et l’on peut dire que sous sa houlette, le club a continué son chemin dans l’élite en toute quiétude. Certaines saisons furent meilleures que d’autres, certes, mais le MHSC restait parmi les meubles du championnat de France. Une place que les Héraultais viennent de perdre. Alors que le club fête son demi-siècle, Montpellier a officialisé sa relégation en Ligue 2 lors de la 31e journée, avant de mettre fin à sa terrible série de défaites avec un 0-0 contre Reims. Une descente, ce n’était plus arrivé depuis 2009. Une débâcle, sportive comme extrasportive, qui pourrait se classer au rang d’Arles-Avignon. Si Laurent Nicollin dut faire face à des problèmes toujours plus grands dans les derniers mois, certains signes étaient annonciateurs d’une chute.
À Montpellier, le PEL n’y est plus
Sans être aussi surréaliste qu’en Angleterre, difficile d’exister en Ligue 1 sans un minimum de liquidités. Jusqu’ici, Montpellier n’avait jamais eu de problèmes d’un point de vue financier. Pas de quoi rêver d’un nouveau titre, mais de quoi se permettre quelques bonnes affaires au mercato. Cependant, si l’équipe de Laurent Nicollin a souvent fait attention, on ne peut pas en dire de même pour la masse salariale. En prévision de la saison 2022-2023, le MHSC annonce l’arrivée de Wahbi Khazri, ainsi que la prolongation de Téji Savanier et Jordan Ferri. Trois joueurs avec un statut de cadres, mais surtout une présence non négligeable dans les comptes. Chacun d’entre eux ayant signé pour un salaire autour des 200 000 euros brut mensuel, leur augmentation s’accompagne de dépenses déjà lourdes. En fin de saison 2021-2022, le club dépensait 34 millions d’euros pour son personnel. Lors de l’exercice suivant, il en enregistrait 51 millions. Une anomalie, lorsque l’on touche à peine 54 millions de revenus sur l’année. Surtout lorsque le produit dépend beaucoup des droits TV et de l’accord avec CVC, ces derniers prenant 13% des revenus des droits télé à compter de cette saison.
Mais ces apports ont eux aussi une fin. L’argent donné par le capital britannique arrête de survenir à l’été 2023, et le rêve du milliard en droits TV ne sera qu’une chimère. Août 2024, la LFP annonce l’accord avec DAZN et Bein Sports, après des mois interminables de négociations. En plus de ne pas durer longtemps, le deal verra le revenu des clubs à la baisse. Et là, la Paillade déchante. Avec trois fois moins de revenus, le club se retrouve contraint à une diète forcée. La cellule de recrutement avait Killian Corredor, Tim Jabol-Folcarelli et Arthur Masuaku en ligne de mire : il n’en sera rien. À la place, il faut préparer le départ de nombreux talents, pour éponger les 30 millions de pertes. Maxime Estève, enfant du club, partira pour Burnley contre douze millions d’euros. Un départ auquel devait s’ajouter celui de Joris Chotard, direction Wolfsburg. Le club allemand proposait neuf millions, mais pas question de brader le milieu de terrain. Au mois de janvier, ce seront finalement Akor Adams (Séville) et Musa Al-Tamari (Rennes) qui viennent rééquilibrer les comptes. En fin de contrat, Arnaud Nordin se voit bradé à Mayence contre un petit million. Trois départs en attaque qui handicapent une équipe déjà en difficulté sur le terrain.
Nicollin-Maillard avec Vincent Labrune
Malgré tout, le MHSC possède un capital sympathie conséquent dans l’Hexagone. Pour sa réputation de club familial, ou plus simplement son titre historique de 2012. Le public avait même retrouvé le chemin de la Mosson, le stade affichant une moyenne de 15 000 spectateurs lors de la saison dernière. Toute cette compassion dont le club aurait pu profiter durant cette année de galères se retrouvera siphonnée en quelques semaines. Pire, on peut noter un certain plaisir à observer une telle équipe se décomposer, semaine après semaine. Montpellier dérange, oui, mais dans le sens où Montpellier met mal à l’aise bien du monde.
Quand Wahbi signe, je rentre chez moi et je dis à mon père que Montpellier peut me donner 1 milliard, je ne signerai pas.
Première victime collatérale de cette communication : Rémy Cabella. Invité du podcast Zack en roue libre, il évoque l’échec de sa prolongation en 2022, alors revenu de Krasnodar : « Je vois Laurent et je lui explique que je veux finir ma carrière à Montpellier. Et là, son discours commence à changer alors qu’il m’avait proposé les deux ans supplémentaires. » Pendant ce temps, l’international français passe du bon temps chez lui, à Ajaccio. De passage chez le coiffeur, il croise le frère de Wahbi Khazri, qui lui explique qu’il va signer à Montpellier. Alors que Laurent Nicollin ne répond à aucun de ses messages. Une cassure s’est faite ce jour-là. « Quand Wahbi signe, je rentre chez moi et je dis à mon père que Montpellier peut me donner 1 milliard, je ne signerai pas. Si tu ne crois pas en moi, que tu n’es pas prêt, prends ton téléphone, comme un président, comme un ami, tu m’appelles et tu me dis que tu ne comptes pas sur moi. » Des lamentations rejointes par un autre grand nom de la Paillade. Aujourd’hui tranquille à Al-Shamal (Qatar), Younès Belhanda répondra d’un « Bienvenue au club » sur X. Difficile de se faire respecter lorsque l’on ne respecte pas ses figures marquantes.
Mais la réputation du club n’a pas attendu 2025 pour être entachée par son président. Lorsque l’accord entre la Ligue et DAZN fut annoncé, la vindicte populaire s’est fait entendre, craignant un désastre financier à court et long termes. Auparavant leader du collège de Ligue 1, Laurent Nicollin a soutenu mordicus son vieil ami Vincent Labrune. Mais à quel prix ? Trente euros, à en croire son interview pour L’Équipe : « 30 euros, c’est le prix d’un resto le vendredi soir. Donc cela fait un vendredi dans le mois, sur quatre, où tu ne vas pas au resto pour te payer ton abonnement DAZN. » En toute logique, la déclaration va faire scandale. Alors que l’inflation continue de grimper, considérer que le peuple peut avoir les moyens pour trois restaurants dans le mois et un abonnement à DAZN est déconnecté de la réalité. Encore plus pour une ville comme Montpellier, bâtie de quartiers populaires, de Port-Marianne à l’Écusson. Des mots qu’il a fini par regretter, mais à l’origine d’une relation très froide entre la Paillade et le reste de la France.
Des cadres hors du cadre
Ces résultats probants sont le fruit d’un manque d’investissement, notamment des cadres. Capitaine depuis la retraite d’Hilton en 2021, Téji en est le symbole. Même s’il n’a jamais eu les tablettes de chocolat dans sa carrière, le meneur de jeu compensait par ses caramels. Moins bien entouré qu’à l’époque du duo Laborde-Delort, il a fini par ne plus produire comme il savait le faire. Michel Der Zakarian avait déjà jeté l’éponge avec lui : « Lui et Khazri, ça fait un an et demi que je me bats avec eux pour qu’ils perdent du poids. Mais j’ai abandonné… C’est une question de volonté personnelle, et eux ne veulent pas maigrir, ils pensent qu’ils sont bien à ce poids-là. Ben non, tu ne peux pas avoir cinq, voire huit kilos en trop. » (Propos tirés de So Foot nᵒ221, datant de novembre 2024.)
Autrefois parmi les valeurs sûres du championnat, Wahbi Khazri est lui aussi devenu l’ombre de lui-même. Sujet de punchlines pour son embonpoint, l’international tunisien donne un rendement presque inexistant. Seule fois qu’il montrera ce qu’il a dans le ventre, ce sera lors d’un déplacement à Nice : invectivé par un supporter, le natif d’Ajaccio l’invitera à descendre après le match. Une joute verbale qui se reproduira contre Le Havre, lorsque le numéro 10 glissera un « Ta mère la pute » à un supporter qui lui demande s’il souhaite deux ou trois viandes dans son taco. Pas le premier incident de ce style cette saison, puisque le capitaine a aussi montré l’exemple. Lors de la débâcle contre Le Puy, Téji Savanier se fait prendre à partie par un supporter : « Dernier de Ligue 1, ça fait mal ? » avant de répondre « Quand tu touches 210 000 euros par mois, non. » Des propos sur le ton de la boutade, mais qui n’ont été du goût de personne. Pour la Butte Paillade et le clan Nicollin, c’est la goutte de trop. Le roi de la Cité Gély se voit retirer son brassard et sanctionné financièrement.
🗣️ | Laurent Nicollin : « Il y a des gens, leur histoire est finie avec le club. On va repartir sur des bases saines, avec des gens sains, et pas des gens qui sont uniquement là pour leur gueule ! » 😬👀 #SCOMHSC pic.twitter.com/a4ixI3j9QL
— DAZN France (@DAZN_FR) April 13, 2025
Dans une tentative désespérée, un ancien du club refait surface. Pas en odeur de sainteté au Mouloudia Club d’Alger, Andy Delort est tenté par un retour. Validé en interne par les cadres Savanier et Ferri, l’international algérien revient dans l’Hérault, avec tout à prouver. En plus de son divorce houleux qui le vit partir pour Nice, on lui reproche en Algérie son mauvais rendement et son manque d’envie sur le terrain. Un cocktail détonant qui finira avec un goût d’amer. Neuf apparitions en Ligue 1, neuf défaites et aucun but inscrit. Carton plein. Histoire de retrouver le succès, Delort va troquer les crampons pour la raquette, et remporter un tournoi de padel à Saint-Thibéry. Problème : l’attaquant est porté disparu à l’entraînement, annoncé comme malade. De quoi faire grincer les dents du staff, qui lui reprochait son manque de forme physique.
Le changement, c’est demain
Le terrain offre l’image de ceux qui ont semé les graines. Lanterne rouge de Ligue 1, Montpellier est relégué à quatre journées de la fin et se console seulement en se disant que le club ne battra pas le record de défaites consécutives détenu par le SCO d’Angers version 2022-2023. Personne n’aura réussi à sauver l’honneur. Ni Michel Der Zakarian, remercié en direct par Laurent Nicollin après une manita contre Marseille. Ni des recrues comme Nikola Maksimović ou Nicolas Pays, blessés pour le reste de la saison malgré de belles promesses. Ni Jean-Louis Gasset, apprécié par les supporters, mais trop tendre avec des cadres qui auraient mérité un électrochoc.
Symbole de l’abandon général de cette saison, le club prépare la prochaine en Ligue 2, avant même son commencement. Laurent Nicollin, à bout de nerfs, lâchera aussi ce qu’il avait sur le cœur, après une énième défaite contre Angers (0-2). Les cadres ont commis trop d’erreurs, et sont sommés de partir dès l’été prochain. Un novice arrive sur le banc, en la personne de Zoumana Camara, qui a eu le temps de faire ses armes avec les jeunes du Paris Saint-Germain. Depuis son arrivée, le technicien n’a pas hésité à donner du temps de jeu à des jeunes de la réserve. Ils s’appellent Wilfried Ndollo Bille, Yael Mouanga ou Junior Ndiaye, et apprennent sur le tas, peu importe la casse. Il faudra faire coûte que coûte avec ce cru, tant la situation financière du club reste mise en demeure.
Avec le retour en Ligue 2, l’apport des droits TV se retrouve amoindri, et c’est encore 20 à 30 millions qu’il faudra engranger durant l’été. Au point de penser à l’entrée d’un investisseur minoritaire comme le révèle Challenges, chose inédite pour la propriété de la famille Nicollin. Une zone d’ombre qui inquiète, mais fait part de la volonté de changement, après des années de débauche et de mauvaises décisions. Après tout, le changement n’est-il pas le propre de la crise de la cinquantaine ?
Nouvelles tensions entre Wahbi Khazri et des supporters de MontpellierPar Mathieu Plasse