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Mais qui es-tu, Club Deportivo Palestino ?

Par Eric Carpentier
Mais qui es-tu, Club Deportivo Palestino ?

Ce soir, le CD Palestino joue sa participation en Copa Libertadores contre le Nacional de Montevideo. L'occasion de découvrir l'identité du club de la plus grande communauté palestinienne au monde, hors pays arabes, entre pâtisseries, futbol et géopolitique.

« Le quartier commercial et cosmopolite du Chili » indiquent les panneaux marquant l’entrée dans le quartier de Patronato, commune de Recoleta, ville de Santiago. Comprendre : « Si tu n’es pas allergique aux mélanges, tu trouveras ici les produits les plus exotiques aux prix les plus bas. Pense à négocier. » Une mosaïque défiant toute géographie qui, via des passages par le Pakistan, la Corée ou la Colombie, fait atterrir au Beït Jala, oasis palestinienne au cœur de la capitale chilienne.

Aujourd’hui, les discussions en arabe tournent autour d’un thème central, entre les photos du bled et sous un grand maillot vert, blanc, rouge : le match du jour contre le Nacional de Montevideo. Une confirmation de la victoire 1-0 acquise à l’aller et c’est le grand retour du Club Deportivo Palestino en Copa Libertadores, 36 ans plus tard. Une compétition internationale à la saveur particulière pour un club qui a toujours associé origine palestinienne et responsabilités politiques. Une évidence pour Elias, carte de socio en main : « Le Palestino est plus qu’un club de foot, il a des gènes politiques et c’est très bien ainsi. Il doit être une représentation du peuple palestinien, de ses problématiques. »

Clásicos de Colonias

Les tensions cristallisées entre Méditerranée et Jourdain, bien avant la naissance de l’État d’Israël, ont joué un rôle décisif dans l’apparition du club des « Arabes » , le surnom revendiqué de l’équipe. 80 % des immigrants palestiniens ont quitté leur pays entre 1900 et 1930 pour fuir l’Empire ottoman, son service militaire et ses répressions – les Palestiniens du coin sont chrétiens. Poussés vers leur terre promise, ils ont croisé l’Espagne avant d’atteindre le Nouveau Monde. Une Cordillère des Andes ou un Cap Horn plus tard, ils s’installaient sur la bande chilienne, dont les caractéristiques géographiques et climatiques ramenaient leur nostalgie dans sa Palestine natale. Si la proximité religieuse favorise l’intégration, le football la complète : « Les premiers installés ont fait du commerce, c’est ce qu’on fait quand on ne maîtrise pas la langue. Puis pour s’intégrer et se divertir, ils ont créé le CD Palestino » raconte en 2014 Daniel Jadue, petit-fils d’immigrant, pour RFI. Une création marquée du sceau de la migration qui remonte à un tournoi inter-colonies en 1910 à Osorno, dans le Sud du pays. Aujourd’hui encore, les grands rivaux du CD Palestino sont l’Union Espanola et l’Audax Italiano, pour les « Clásicos de Colonias » .

La communauté palestinienne, ancienne et riche de plus de 350 000 personnes, soutient généreusement le club. En 1955, trois ans après son arrivée au professionnalisme en Segunda Division, le club des « millionarios » est champion du Chili. La politique de recrutement de joueurs exclusivement d’origine arabe est déjà une vieille histoire. « Mais il rassemble toujours toute la communauté, pas seulement palestinienne, arabe » précise Elias, dont la famille est venue de Syrie. En 1977 encore, remonté il y a peu dans l’élite, le club se lance dans une série d’achats ambitieux symbolisée par l’arrivée d’Elias Figueroa. Le natif de Valparaiso est alors capitaine de l’Internacional Porto Alegre, double champion du Brésil en titre, triple meilleur joueur sud-américain, et fait la paire avec Franz Beckenbauer dans l’équipe type du Mondial 1974. Avec lui, l’âge d’or du CD Palestino : 44 matchs d’invincibilité dans les compétitions domestiques – record à battre – qui mènent à une coupe en 1977 et un championnat en 1978. La demi-finale de Libertadores contre l’Olimpia de Paraguay était le dernier match joué dans cette compétition par les Tricolores jusqu’à cette année.

Car l’histoire interne du club est aussi instable que la bande de Gaza. Selon Josita, « il y a beaucoup d’enjeux dans ce club, de luttes d’influence, de politiques. Les évènements extérieurs ont parfois déstabilisé le club » , faisant référence aux vagues d’immigration qui ont suivi la guerre des Six Jours ou les Intifadas. La patronne du Beit Jala est bien placée pour suivre l’actualité du club : les dirigeants viennent régulièrement s’envoyer un café et deux blaqawas avant d’aller faire tourner la boutique. Aujourd’hui, son mari s’est envolé pour l’Uruguay avec toute l’équipe – mais sans Manuel Pellegrini, éphémère entraîneur du Palestino en 1990-1991.

Des cartes et des familles

Un peu plus loin, au Alhen, « bienvenue » en arabe, Jadallah est intarissable sur le club qu’il suit depuis 15 ans. Mais lucide : « Quand tu arrives comme moi de Palestine, tu te rapproches automatiquement du Palestino. C’est plus qu’un club, c’est une cause. Mais si tout le monde connaît et soutient, ça reste pauvre. On doit être le 16e public sur 18. Nous ne sommes que le club d’une communauté. Deux ingrédients améliorent l’ordinaire : les bons résultats et les mauvaises nouvelles du pays. On a plus souvent le second que le premier… » Selon lui, plus que l’organisation interne, c’est « les juifs » qui empêchent le développement du club. Pourquoi ? « Beaucoup de gens au Chili connaissent la Palestine grâce au Palestino. Si nous devenons importants au niveau continental, voire mondial, ça fera de l’ombre à leurs affaires. » Le scandale de l’année dernière lui reste en dehors de la gorge : « On nous a interdit de porter notre maillot. Elle est là, la discrimination. » En janvier 2014, les Arabes débarquent avec des maillots dont les 1 reprennent le tracé de la Palestine de 1948, avant la création de l’État d’Israël. Devant l’indignation, la « provocation » selon l’ambassade israélienne, la Fédération chilienne interdit le port dudit maillot, au motif qu’elle est « opposée à toute forme de discrimination politique, raciale, sociale, religieuse ou sexuelle. » La réponse du club est immédiate : « Pour nous, la Palestine libre sera toujours la Palestine historique, rien de moins. » Les joueurs palestiniens reviendront sur les terrains avec la carte tatouée sur les avant-bras, puis encore en juillet de la même année, pour un hommage aux victimes palestiniennes de l’offensive israélienne sur la bande de Gaza, hommage accompagné d’une minute de silence. Récemment, c’est le maillot, présenté par le club, floqué « Libertadores – 2015 » qui reprend le 1 polémique.

Le maillot au 1 devenu collector est porté par toute la barra locale, Los Baisanos : « Nous ne sommes pas nombreux, à peine 300. Mais on est en famille. Tout le monde ici vient de 4 villages : Beit Jala bien sûr, Beit Sahoor, Belen et Bethleem. Dis-toi qu’il y a 300 000 personnes ici dont les racines remontent à Beit Jala. Au pays, c’est un village de 10 000 habitants. » Un village, des familles, une communauté qui tremblera ce soir devant sa télévision. Personne ne s’est déplacé. Mais pas question ici de mur ou d’embargo : un bon vieux huis clos au Parque Central de Montevideo. Place au football.

Par Eric Carpentier

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