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L’ordre et la morale

Nicolas Kssis-Martov
L’ordre et la morale

La FFF a donc annoncé la suppression des primes de quatre joueurs du dernier Euro (Samir Nasri, Hatem Ben Arfa, Yann M'Vila et Jérémy Ménez) et la réduction de celles des autres Bleus ainsi que la mise en route d'une « commission de réflexion » sur l'avenir de ces rétributions généreusement accordées aux capés. Peu avant, Didier Deschamps livrait à l'AFP ses priorités en termes de gestion du groupe. Et cela sentait bon le hussard noir du foot tricolore. Après le Président, le ministre de l’Intérieur ?

« De par l’historique, ce qui s’est passé en 2010 et dans cet Euro 2012, les joueurs doivent prendre conscience d’un devoir d’exemplarité sur le terrain et en dehors. » Exemplarité, le mot est lâché comme une bombe qui n’explose jamais. Didier Deschamps en appelle à cette boussole invisible pour redorer l’image de l’Equipe de France, assurer la cohésion de la sélection nationale, et donc garantir sa réussite future. Seul petit problème, il s’avère assez difficile d’en définir les contours et ce ne sont pas les éternels codes de bonne conduite (comme le couvre-feu à Rennes) qui dissiperont le flou artistique qui nimbe ce concept fourre-tout. Spécialement quand on sait que la morale se fracasse toujours les dents sur le mur de l’argent. Où se situent notamment les limites à ne pas dépasser ? Le respect du droit ne suffit-il plus ? Et sinon, qui va désigner ceux qui franchissent la ligne rouge (et quelles sont-elles, d’ailleurs) ? Les médias, l’opinion publique ou la direction de la FFF ? En dehors du terrain, à moins d’enfreindre la loi, en quoi les comportements d’un international seraient-ils plus sujets au contrôle public que celui des stars ou des politiques, et plus simplement de n’importe quel citoyen avec le respect de sa vie privée ?

Le foot boit la tasse éthique de la natation

Cela dit, les déclarations de Didier Deschamps interviennent un peu, peut-être à dessein, dans le vide médiatique (d’autant plus que, par ailleurs, le PSG a terminé d’animer un triste mercato). Le foot tricolore apparaît bien loin des préoccupations de nos compatriotes, trop heureux de regoûter un peu d’ivresse patriotique grâce aux succès de nos nageurs, de braves garçons et filles de classe moyenne, à l’image d’un Yannick Agnel, lecteur de Nabokov et Montesquieu, qui fournissent en outre l’occasion aux fédérations olympiques d’infliger au « sport roi » une petite leçon de civisme athlétique, voire d’éducation citoyenne. Pourtant, ici, personne ne conteste les primes des vainqueurs – ni ne s’ennuient à suivre leurs faits et gestes – qui sont pour le coup directement puisées dans les caisses de l’État… Bref. Même dans le registre du ballon rond, ce sont pour une fois les filles qui redonnent du baume au cœur à la patrie de Jules Rimet et Marinette Pichon. Y compris dans les tweets de Pierre Ménès.

Certes, à la décharge de l’ancien entraineur de l’OM, s’il n’arrive peut-être pas dans une situation reluisante, elle s’avère néanmoins fort éloignée du catastrophisme général (politique, sportif, médiatique, etc.) post Knysna, qui avait transformé Laurent Blanc en ultime sauveur. On a vu qu’il n’en fut rien. Peut-être parce que « Le Président » ne voulait pas endosser ce rôle, qu’il n’aspirait qu’à gérer un effectif et que son désarroi durant l’Euro tenait autant à son incompréhension avec Noël Le Graët qu’à son sentiment d’impuissance devant des gars qui ne croyaient certainement pas en leur destin ni en leurs capacités à le forcer sur les pelouses ukrainiennes. Si de ce point de vue, il a sportivement rempli son contrat, il avait conscience aussi que la lente déliquescence d’un « collectif » quasi-inexistant n’augurait rien de bon pour la suite.

Une épiphanie politique ?

En tout cas, dans son interview à l’AFP – on est loin des ors télévisuels de Canal Plus -, le nouveau sélectionneur admet à demi-mots, contrairement à son prédécesseur qui déléguait cette dimension à la Fédé, que le problème et la raison d’être de la sélection nationale, surtout quand elle ne remporte aucun titre, ne consiste pas simplement à remporter ses rencontres l’une après l’autre. Il importe désormais de réconcilier un pays avec son football, et presque, pour tout dire, avec ses classes populaires (et plus largement avec sa « diversité » ): « Il y a deux choses importantes : la notion de plaisir, de représenter la France, de porter ce maillot, et parallèlement un esprit. Être international français, ça doit être au-dessus de tout, même pour les joueurs qui jouent dans des grands clubs et de grandes compétitions« . L’ambiance politique et la crise économique appellent en conséquence d’autres formes de mobilisations symboliques, ce que Laurent Blanc ne voulait ou ne savait pas voir (rappelez-vous, les quotas). Seul petit problème, il reste à deviner ce que cet « esprit » peut signifier ou englober comme postures concrètes.

De la sorte, loin d’entrer en contradiction avec le fait d’évoluer au Bayern ou au Real (comme le laisse supposer les propos de l’ancien Nantais), jouer en sélection nationale constitue en général la cerise sur le gâteau, avec un fort retour sur investissement sur le mercato suivant (ce que globalement Italiens ou Espagnols ont bien intégré). Il faudra autre chose que des imprécations erratiques pour que les enfants de nos centres de formation, auxquels on inculque d’abord à se vendre à l’étranger pour financer les clubs hexagonaux et à engraisser leur plus-value sportive, cessent d’être des purs produits d’exportation tournés vers l’étranger. Demande-t-on aux traders de rendre leur carte d’identité quand ils vont s’exiler en Angleterre ?

Sauver les Bleus en interdisant la LFP ?

A suivre le point de vue de Deschamps, en toute cohérence, c’est presque se demander si la dissolution de la LFP et des centre de formation ne s’impose pas… On ne peut taper sur les progénitures d’un système sans oublier qui tient les commandes et gère la fabrique des footballeurs. L’équipe de France tant désirée par Noël Le Graët et l’ensemble de la presse sportive ne peut naitre ex-nihilo, du moins comme en rêve apparemment le service de com’ de la FFF dans le seul but de vendre ses contrats de sponsoring. La République s’est autant construite avec l’Éducation nationale que par ses lois et ses constitutions. Chanter La Marseillaise ne doit pas se réduire à une punition pour donner le bon exemple à la jeunesse du pays et le rôle d’un sélectionneur ne se résume pas à administrer une tape sur la nuque de celui qui oublie de retirer sa capuche et ses écouteurs. Car qui dit reprise en main parle sanction : « Je souhaite ardemment que tout le monde ait une attitude et un comportement idéaux. S’il y en a qui ne l’ont pas, ce n’est pas moi qui ne vais pas les prendre : ils se condamneront eux-mêmes. Le fait de sélectionner ou de ne pas sélectionner, c’est une forme de sanction sportive. » Si l’on comprend bien, en creux, à la différence de Laurent Blanc, qui faisait passer avant tout le critère « compétence » (d’où le retour de Ribéry), Didier Deschamps inverse la perspective car il sait que « le supporter français attache autant d’importance au résultat qu’au comportement, a-t-il poursuivi.Même si ce ne sont pas des choses graves au sens propre du terme, ça dérange, ça indispose, voire plus pour certains. On ne peut pas faire l’unanimité, mais il faut que les joueurs soient très vigilants« .

De son côté, la FFF annonce enfin une réflexion sur le maintien des fameuses primes. Ce qui revient à reconnaitre que le France n’est malgré tout toujours pas un pays anglo-saxon (où rien n’empêche de conjuguer appât du gain et nationalisme de bon aloi). Dans la nation de Jaurès et Renan, les beaux esprits attendent encore que le patriotisme s’affiche comme un exercice altruiste, en principe délivré à titre gracieux (voir la sempiternelle et hypocrite polémique sur les rémunérations que touchent nos politiques, notamment dès qu’ils sont en fonction). Comme souvent dans la Cinquième, il s’agit davantage de protéger les apparences que de garantir leur application. Or, les footeux avaient un peu perdu de cette fausse pudeur qui fait tout le sel des grands idéaux à l’ère médiatique. Didier Deschamps promet désormais que les apparences seront au moins sauves, peu importent les résultats. On comprend mieux pourquoi la Juventus Turin ne l’a pas gardé lors de la remontée en Série A.

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Nicolas Kssis-Martov

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