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Sébastien Pocognoli, pour soulever le Rocher
Accroché pour sa première sur le banc de Monaco face à Angers, Sébastien Pocognoli se frotte à un plus gros poisson ce mercredi avec Tottenham en Ligue des champions. Bien qu’encore jeune dans le métier, l’ancien Diable rouge fait l’unanimité jusqu’à présent, lui dont la grande discrétion contraste avec ses qualités de coach moderne et fédérateur.

Dans la vie, il y a ces rendez-vous manqués pour lesquels on peut obtenir une revanche bien des années plus tard. C’est à peu près ce que vient de décrocher Sébastien Pocognoli avec l’AS Monaco. Cet ancien arrière gauche, jadis pisté par quelques grands clubs européens, avait en effet tapé dans l’œil de l’ASM en 2006, à l’époque où il évoluait au Racing Genk. La venue des Monégasques en Belgique pour le superviser avait toutefois tourné au vinaigre. « Ils étaient venus me voir pour décider s’ils me prenaient ou non. J’ai pris un carton rouge ce jour-là, et le deal ne s’est pas fait », a ainsi narré « Poco » lors de sa présentation en tant qu’entraîneur des Rouge et Blanc.
Qui sait où un tel transfert aurait pu le mener, lui qui n’est jamais parvenu à se faire une place durable chez les Diables rouges dans les années 2010, lorsque les latéraux de métier faisaient pourtant cruellement défaut au sein de la sélection ? Malgré une carrière tout à fait honorable, passée notamment du côté de l’AZ, du Standard de Liège ou encore de Hanovre, le Liégeois n’a jamais fait beaucoup de vagues au Plat Pays. Jusqu’à ce qu’il prenne la tête de l’Union saint-gilloise en tant que coach, avec qui il a créé la sensation en décrochant le titre de champion. Alors qu’il débarque dans l’Hexagone en tant que presque inconnu, Pocognoli aura pour mission de redynamiser un projet sportif bien tristounet ces derniers mois. Et surtout, de montrer aux Monégasques qu’il n’a rien d’une mauvaise blague belge à la Philippe Clement.
Grandir avec les petits
Nouveau benjamin des coachs de Ligue 1 à 38 ans, Sébastien Pocognoli n’a évidemment pas un CV qui s’étale sur trois pages A4, ne comptant que quinze petits mois sur un banc professionnel avec ce premier tour de piste presque parfait du côté de l’USG. La réussite précoce de cet enfant de l’immigration italienne ne tombe pour autant pas du ciel, puisqu’il avait soigneusement pris le soin de se mouiller la nuque avant de plonger dans le grand bain du coaching : d’abord en prenant les rênes des U21 de l’Union, puis ceux de Genk, et enfin des U18 de la sélection belge. « Il a fait de très bons choix en matière de développement de carrière, il en récolte les fruits aujourd’hui », explique Jean-François de Sart, ancien coach de Pocognoli chez les U21 de la Belgique, et qui l’a aussi bien côtoyé lorsqu’il était directeur sportif du Standard. « Plutôt que de commencer directement comme entraîneur principal – ce que beaucoup font et qui est selon moi une erreur –, il faut passer par les jeunes, c’est la meilleure école possible pour apprendre le métier. Poco a qui plus est réussi dans des contextes complètement différents : si à l’école des jeunes de Genk, tout était déjà parfaitement organisé à son arrivée, il avait préalablement connu l’Union, où il n’y avait pratiquement pas de structure de jeunes existante. »
"Essayer d'apporter un football plaisant" 🗣️ Les mots du Coach Pocognoli lors de sa présentation officielle 👊 pic.twitter.com/tmzKUA3J2P
— AS Monaco 🇲🇨 (@AS_Monaco) October 15, 2025
Certains mots reviennent en boucle dans la bouche de ceux qui l’ont côtoyé, en tant que joueur ou comme entraîneur : rationnel, rigoureux, mesuré, intelligent. « Dès le premier entraînement où je l’ai vu coacher, j’ai su que c’était un gars qui savait gérer un groupe, communiquer, transmettre quelque chose aux joueurs », raconte Naïm Aarab, son ancien adjoint chez les U21 de l’Union, qui officie aujourd’hui du côté de la réserve du Sporting d’Anderlecht. « On sentait qu’il avait ce don, ce talent, et qu’il avait lui-même été attentif à certains détails lorsqu’il était joueur. »
J’adore son attitude sur un banc, parce qu’il est concentré, vit son match sans faire pour autant un cinéma comme beaucoup d’entraîneurs le font, avec des attitudes sans contenu.
Jean-François de Sart, lui, admire son calme et son sang-froid, que l’on n’associe pourtant pas toujours aux coachs de la nouvelle génération : « J’adore son attitude sur un banc, parce qu’il est concentré, vit son match sans faire pour autant un cinéma comme beaucoup d’entraîneurs le font, avec des attitudes sans contenu. Ce n’est pas un showman. » D’un point de vue tactique, celui qui a découvert sa vocation d’entraîneur sous les ordres de Louis van Gaal à l’AZ est un adepte des systèmes à trois défenseurs, en 3-5-2 ou en 3-4-3. Sans placer à tout prix la manière au-dessus du résultat, Poco s’inscrit dans le moule du coach moderne, prônant un football de possession, d’intensité et capable de frapper en transition. Tout ce qu’un club comme Monaco recherche désespérément depuis plusieurs années, en quelque sorte.
Un homme discret
Un certain contraste apparaît pourtant lorsqu’on évoque Sébastien Pocognoli. Décrit comme un leader charismatique par ses joueurs et son staff, l’ancien Diable rouge semble beaucoup plus fermé une fois devant les micros des journalistes ou des télévisions. Très discret, Poco affiche toujours beaucoup de pudeur au moment de s’exprimer, voire presque une certaine froideur. « C’est une façade médiatique, pointe Anthony Moris, gardien du titre à l’Union l’an passé et qui a aussi connu Pocognoli comme coéquipier. C’est quelqu’un qui se protège beaucoup, qui déteste être encensé et est très méfiant par rapport à cela. Il sait que les louanges peuvent faire oublier les éléments principaux que sont le travail et la remise en question. Mais je peux vous dire que de l’intérieur, c’est quelqu’un de très humain avec qui on peut avoir le contact très facile. Il demande beaucoup de communication à l’ensemble de ses joueurs, des plus expérimentés aux plus jeunes. »
Ce n’est pas quelqu’un qui tombe dans l’émotionnel. Il est très rationnel dans ses analyses.
Sa capacité à créer des liens avec son groupe a d’ailleurs probablement joué dans la décision de Monaco de le harponner, en particulier quand on sait à quel point le lien s’était distordu entre Adi Hütter et ses hommes dans la Principauté. À Saint-Gilles, Pocognoli avait réussi à transformer mentalement un groupe traumatisé par les échecs à répétition en play-off de Jupiler Pro League, en témoignent les 28 points sur 30 obtenus lors de la phase finale du championnat. « L’année passée, avec l’Union, on a eu un début de saison compliqué au niveau des résultats, explique Anthony Moris. Le coach est resté très calme. Dans ses débriefings de match et lors des analyses vidéo, il nous montrait qu’on était sur la bonne voie dans ce qu’il voulait mettre en place. Il est parvenu à rentrer dans nos têtes, il nous a parfaitement préparés mentalement pour aller chercher le titre. Ce n’est pas quelqu’un qui tombe dans l’émotionnel. Il est très rationnel dans ses analyses. »
Quand on entraîne depuis aussi peu de temps et que les résultats n’ont été que positifs, difficile de récolter autre chose que des compliments. Le défi qui attend Sébastien Pocognoli sur le Rocher s’annonce toutefois de taille. L’ancien défenseur va en effet passer d’une institution comme l’Union, où tout roule comme sur des roulettes malgré les turnovers annuels d’effectif et de staff, à un projet d’un club en vente, qui a peu recruté l’été dernier et où les entraîneurs n’ont pas toujours une durée de vie extrêmement longue. La mayonnaise devra prendre vite, surtout quand on sait que le licenciement d’Adi Hütter tenait plus de l’absence de jeu que de résultats intrinsèquement catastrophiques. Pour son premier gros défi face à Tottenham ce mercredi, Sébastien Pocognoli glissera sûrement un conseil particulier à ses joueurs : qu’ils évitent de prendre un carton rouge stupide, ce n’est jamais la meilleure façon de faire une bonne première impression.
Qui sont les 29 premiers qualifiés pour la prochaine Ligue des champions ?Par François Linden
Tous propos recueillis par FL, sauf ceux de Sébastien Pocognoli.