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Les stades de foot sont-il vraiment une terre de contagion ?

Par Léo Tourbe
5 minutes
Les stades de foot sont-il vraiment une terre de contagion ?

L'annonce d'une jauge de 5000 personnes dans les stades a provoqué une vive réaction auprès des fans de foot. Même si le quota sera finalement adapté à la capacité de l'enceinte, beaucoup se demandent l'intérêt d'une telle mesure, qui ne touche pas seulement le domaine sportif. Petite enquête sur la contagiosité des stades.

Décembre 2021 a marqué le grand come-back des masques en extérieur, des jauges dans les stades, des fermetures prématurées des bars… La vie d’avant, quoi. D’il y a un an. Les fans de foot, eux, n’ont que faire de ne plus pouvoir respirer à pleins poumons l’oxygène des métropoles ou de ne plus pouvoir s’enfiler des pintes que jusqu’à deux heures du mat’. Tous les amoureux du ballon rond se sont rassemblés derrière une cause commune : la jauge de 5000 spectateurs. Cette mesure, annoncée par le gouvernement lundi dernier, appartient presque déjà à l’histoire ancienne, puisque le Parlement est en train d’adopter une jauge au prorata de la capacité des enceintes. C’est mieux, mais ça reste ennuyant. Sur ce même site, nous pestions contre l’instauration de ce quota, et nous posions même la question de la véritable utilité sanitaire d’une telle mesure. Après tout, peu d’exemples de clusters dans les stades nous viennent à l’esprit.

L’exemple de l’Euro 2020

Établissons déjà avec une professionnelle ce qu’est un cluster : « C’est l’apparition de cas groupés qui ont lieu au même endroit et au même moment. Ça peut être une même famille, communauté ou alors une proximité géographique, c’est-à-dire même lieu, même rassemblement », explique Lulla Opatowski, épidémiologiste et modélisatrice, professeur à l’université de Versailles Saint-Quentin. Si on a peut-être moins la sensation que des enceintes aient pu être des foyers épidémiques, c’est sûrement car les gens rentrent chez eux et ne restent pas plantés sur leur siège. Les clusters les plus parlants sont ceux d’une ville, d’un quartier, d’un EHPAD, même d’un bateau de croisière, bref un endroit où l’on vit, séjourne. Malheureusement, on ne peut pas habiter dans les travées du stade de notre cœur et donc « le cluster de Geoffroy-Guichard » n’existera probablement jamais dans nos esprits. Pourtant « le cluster correspond au moment des contaminations », ce qui signifie qu’un stade peut bien en abriter un.

Cet été, l’Euro 2020 a été un bon moyen d’observer la transmission du virus dans un stade quasi rempli, avec assez peu de gestes barrière. Selon l’agence du Département de la santé du Royaume-Uni Public Health England, plus de 9000 cas de Covid-19 ont été liés aux matchs du championnat d’Europe. Rien que 3404 autres personnes se trouvant à Wembley ou dans ses environs ont potentiellement été infectées au moment de la finale. Sur les centaines de milliers de spectateurs s’étant rendues dans les travées lors de cette compétition, cela peut paraître faible. Mais il ne faut pas oublier que cette étude ne porte que sur l’Angleterre et l’Écosse, alors que neuf autres pays accueillaient des rencontres, et surtout que l’on n’avait pas affaire au variant Omicron. « Actuellement, on est à un niveau de circulation du virus qu’on n’a jamais eu depuis le début de la pandémie. C’est lié à cette caractéristique d’Omicron qui, d’un point de vue épidémiologique, est un monstre. Très peu de pathogènes se diffusent autant », éclaire l’épidémiologiste. Pour parler en matière de R0, la grippe saisonnière est à 1,5, la première souche de Covid à 3, la variole à 5, et le variant Omicron « quelque chose qui pourrait être entre 5 et 10 selon les estimations ». Donc une personne infectée peut potentiellement transmettre le virus à cinq ou dix autres individus sans mesure barrière. Ce variant super transmissible est ce qui change tout par rapport à cet été.

Alors ce coronavirus se transmet-il vraiment lorsque l’on est assis sagement sur son siège ? Car on peut jouer sur les mots et se dire que les transports, les queues avant d’être fouillé ou d’acheter un hot-dog beaucoup trop cher sont les véritables responsables. « Parmi les quelques études qui évoquent les sources de contamination, il y a celle de l’institut Pasteur qui ne mentionne pas les stades à ma connaissance, détaille la professeure.Le risque se situe lors de l’événement en lui-même évidemment, mais aussi avant et après. Dont le bar après le match par exemple. En gardant une jauge importante, on s’expose à plus de rassemblements avant et après le match. » Était-ce nécessaire d’instaurer une jauge ? « Si on veut réduire l’impact de cette vague et la pression qu’elle va créer sur l’hôpital, on n’a pas le choix, aujourd’hui, de freiner cette transmission. On est obligés de mettre en place des mesures », répond Lulla Opatowski.

Autotests et FFP2

Encore faut-il que les clubs organisent correctement ces jauges. Lors du retour (non complet) du public dans les stades il y a quelques mois, on a souvent pu voir les quelques milliers de chanceux être massés dans la même tribune, plutôt que d’être étalés dans l’ensemble de l’enceinte. Que ce soit pour faire joli à la télé et surtout par facilité économique et logistique (réduction du nombre de stadiers, etc.), c’est ce que les clubs devront éviter de faire pour ne pas rendre ces restrictions caduques. « C’est exactement ce qui risque de les rendre inefficaces », prévient l’épidémiologiste.

Pour éviter d’en arriver au huis clos systématique (que l’on voit arriver gros comme le titre de champion de France du PSG), Lulla Opatowski aimerait que les autotests soient beaucoup plus exploités. « Dans des moments comme celui qu’on traverse, ils devraient être plus utilisés, et cela devrait être un réflexe pour chacun de nous de s’autotester avant de se rendre à un rassemblement. Avant d’aller au stade, faire un test par exemple. Même si on n’a pas de symptôme ou de suspicion de contact avec une personne infectée », recommande-t-elle. Pour William Dab, épidémiologiste et ancien directeur général de la santé, « si le port d’un masque FFP2 était obligatoire, il serait sûrement plus efficace qu’une telle jauge ». C’est peut-être dur à accepter, mais profitons de ces jauges, avant de rejoindre nos voisins belges et allemands, déjà privés de tribunes.

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Tous propos recueillis par LT

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